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La légalisation du cannabis : un débat à plusieurs facettes

Une feuille de cannabis

Le débat sur la légalisation du cannabis a soulevé de nombreuses questions, notamment sur la santé des jeunes.

Photo : iStock

Radio-Canada

Inquiétudes, fébrilité, questionnements : le débat sur la légalisation du cannabis a été houleux depuis plus de deux ans. Alors que les Canadiens peuvent désormais fumer et consommer de la marijuana en toute légalité, voici un retour sur les principales questions qui ont divisé les parties.

Un texte de Vincent Champagne

La question de la santé a occupé l’avant-scène du débat au cours des derniers mois. Si l’un des objectifs affichés du gouvernement est de « protéger la santé et la sécurité des jeunes », il reste que c’est un groupe d’âge qui pourrait être affecté par la nouvelle mesure. Selon des études, 31 % des 15-17 ans et 41 % des 18-24 ans fument déjà du cannabis.

Bien évidemment, la légalisation ne vise pas à rendre le cannabis accessible aux mineurs, mais la mesure pourrait « banaliser » le produit, croit Jean-Pierre Chiasson, médecin spécialisé en toxicomanie et fondateur de la Clinique Nouveau Départ. « J’entends ça tous les jours : "c’est pas grave, ça va être légal, on peut le fumer" », disait-il lors d'un débat, fin 2016.

L’impact du cannabis sur le cerveau

Cannabis : les effets de la légalisation

Consulter le dossier complet

La feuille d'érable du drapeau canadien est remplacée par un plant de cannabis, avec en arrière-plan, l'édifice principal du gouvernement fédéral.

Or, des recherches réalisées auprès de jeunes fumant régulièrement du cannabis démontrent certains liens entre leur consommation et une panoplie de problèmes, comme des symptômes de dépression ou d’anxiété.

Ce sont en effet plus particulièrement les problèmes de santé mentale qui ont largement été évoqués par les tenants d’une position plus ferme à l’égard du cannabis. La consommation quotidienne de marijuana présenterait un danger pour la santé mentale des adolescents dont les cerveaux sont encore en phase de croissance, estime le Centre canadien de lutte contre la toxicomanie.

Le chercheur Didier Jutras-Aswad, psychiatre à l'Université de Montréal, a revu 120 études scientifiques sur le cannabis et ses effets sur le cerveau des adolescents. Parmi ses conclusions : fumer avant l'âge de 15 ans pose de plus grands risques.

La plante peut faire partie des causes de déclenchement de psychose ou de schizophrénie, selon d’autres études.

Ces impacts de la marijuana sur la trajectoire de vie d’un individu doivent toutefois être corrélés avec la consommation d’alcool, souvent concomitante, et avec d’autres facteurs, comme le milieu familial ou le voisinage. La marijuana n’est pas le seul facteur en cause dans les problèmes rencontrés par les jeunes.

Selon Line Beauchesne, professeure de criminologie à l’Université d'Ottawa, la légalisation permet de développer une panoplie de solutions pour prévenir et traiter les problèmes liés à la consommation de cannabis, ce qui est plus difficile dans un contexte de prohibition.

On n’est pas en train de nier les problèmes liés à l’usage. Si on veut s’outiller pour les prévenir, et quand ils sont là, pour les traiter, on est mieux dans un contexte légal.

Une citation de Line Beauchesne, professeure, Université d'Ottawa
Un vendeur pèse des cocottes séchées de cannabis sur un petit appareil électronique

La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a émis un avertissement aux femmes enceintes et en âge de procréer de ne pas consommer de cannabis, car sa substance active peut pénétrer le placenta et le lait maternel.

Photo : Getty Images / Frederic J. Brown

Âge légal

C’est pourquoi des psychiatres ont demandé une plus grande sensibilisation du public, surtout des jeunes. L’Association des médecins psychiatres du Québec recommandait, lors de consultations, de hausser à 21 ans l’âge légal pour acheter du cannabis.

Au Québec, le gouvernement de Philippe Couillard a choisi de s’aligner sur l’âge légal pour acheter du tabac et de l’alcool, soit 18 ans. À partir du 17 octobre, les jeunes adultes peuvent effectivement acheter de la marijuana. Mais les choses pourraient changer, puisque le nouveau gouvernement de François Legault a promis de rehausser l’âge à 21 ans.

Partout à travers le Canada, il faut avoir 19 ans pour acheter du cannabis, sauf en Alberta, où l’âge légal est, comme au Québec, 18 ans. Le gouvernement fédéral a créé une série de nouvelles sanctions, notamment en ce qui a trait à la vente de cannabis à des mineurs, afin de « restreindre de façon plus efficace l'accès des jeunes au cannabis ».

Par ailleurs, le lien entre tabagisme et consommation de marijuana fait notamment craindre à certains une augmentation du nombre de fumeurs de cigarettes au pays, alors que ce taux est en chute libre depuis 20 ans. Le tabac est souvent mélangé au cannabis dans les joints, et l’habitude de fumer pourrait se transférer d’une plante à l’autre.

Sécurité routière

Du cannabis et des clés de voiture.

Du cannabis et des clés de voiture

Photo : Radio-Canada / Daniel Coulombe

Plusieurs organisations ont émis des inquiétudes en prévision de la légalisation, notamment le CAA-Québec, qui craint une augmentation du nombre d’accidents de la route. L’association souhaite que des budgets importants soient dégagés pour faire de la prévention et de l’éducation sur les conséquences de la conduite sous influence.

Leurs inquiétudes se basent notamment sur les expériences de légalisation dans les États du Colorado et de Washington où le nombre de collisions mortelles aurait augmenté sur les routes depuis que le cannabis y est vendu librement.

Impacts sur le milieu scolaire

Dans les cégeps québécois, où une partie de la population estudiantine est majeure, on se dit prêt à la légalisation. Les équipes de psychologues et autres intervenants ont préparé des stratégies de sensibilisation, comme c’est le cas au Cégep de Sainte-Foy, où les étudiants en graphisme ont même été mis de la partie.

Toutefois, la légalisation du produit pourrait créer certains problèmes, encore une fois en raison du risque de banalisation de la plante et de la méconnaissance des dangers qui lui sont liés. Par exemple, des adolescents ont exprimé, lors de discussions, des propos assimilant le cannabis à l'alcool, que plusieurs d'entre eux consomment occasionnellement, alors que les substances actives du cannabis, comme le THC, ont plus d'impact sur le cerveau.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont légiféré sur la localisation des boutiques de cannabis, qui ne pourront se trouver à proximité des écoles, toujours dans le but d'éloigner la tentation de la consommation.

Une femme fume une cigarette de marijuana.

La consommation de cannabis devrait être légalisée au Canada le 1er juillet 2018.

Photo : iStock

Augmentation des coûts

Et qu’en est-il des coûts liés à la légalisation du cannabis? Les municipalités évoquent notamment la gestion des services de police, la question du zonage et le contrôle de la consommation dans les lieux publics pour demander leur juste part. La division des coûts entre les différents ordres de gouvernement leur semble injuste.

Les municipalités ont leur mot à dire sur les lieux où il est permis de consommer du cannabis, et ce sont les services policiers locaux qui vont faire respecter la loi. Ainsi, plusieurs municipalités ont décidé d'interdire la consommation sur la voie publique, comme la Ville de Québec. La situation est quelque peu saugrenue à Montréal, où des arrondissements ont interdit la consommation dans l'espace public, alors que d'autres le permettent.

Une fleur de cannabis.

Dans la production de marijuana, les cocottes sont le produit recherche. Le reste de la plante n'est que déchet.

Photo : Radio-Canada / Tiphanie Roquette

Milieu de travail

Des employeurs s’inquiètent aussi. Ils souhaitent que la consommation de marijuana soit interdite à l’approche d’un quart de travail. C’est une demande formulée, entre autres, par des entreprises du secteur énergétiques dans l’Ouest canadien.

L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec préconise l’adoption d’une politique claire, qui baliserait les règles en matière de cannabis au sein des entreprises. Pour les plus petites compagnies, l’enjeu est de taille, puisqu’elles doivent établir de nouvelles règles pour assurer la sécurité des employés et la qualité du service.

Dans l’armée et dans la police

L’armée canadienne a aussi dû réfléchir à ce qu’elle permet désormais à ses militaires en ce qui a trait au cannabis. L’interdire complètement eut été à l’encontre de l’esprit de la légalisation. Néanmoins, les Forces ont décidé de le restreindre de façon plus stricte que l’alcool au sein des troupes.

Au sein des corps policiers, différentes mesures ont été prises pour s’assurer que les agents accomplissent leur travail à jeun. Ainsi, la Gendarmerie royale du Canada et la police de Toronto ont annoncé que les policiers ne pourront pas consommer de cannabis 28 jours avant un quart de travail. À Montréal, l’administration a jugé inutile d’imposer un tel délai à ses constables. Ils devront, tout simplement, être « aptes au travail » lorsqu’ils seront en poste.

Vue de l’étranger

À l’international aussi, la légalisation du cannabis a fait réagir. En effet, le Canada est signataire de trois conventions de l'ONU qui interdisent la production, la possession et la consommation de stupéfiants sur leur territoire (y compris le cannabis), sauf pour des raisons médicales ou scientifiques.

Ottawa devra trouver une façon de se conformer à ses obligations internationales, soit en faisant modifier ces traités ou en s'en retirant.

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