Au Brésil, le candidat de l'extrême droite Bolsonaro ne déviera pas de sa ligne politique

Le candidat de l'extrême droite Jair Bolsonaro après être allé voter lors des élections générales brésiliennes (et premier tour de l'élection présidentielle), à Rio de Janeiro.
Photo : AFP/Getty Images / Fernando Souza
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Jair Bolsonaro, candidat de l'extrême droite brésilienne qui a frôlé la victoire dès le premier tour de l'élection présidentielle au Brésil, a annoncé lundi qu'il ne modifierait pas sa ligne politique au second tour dans trois semaines.
Le candidat du Parti social-libéral (PSL), nostalgique déclaré de la dictature militaire de 1964-1985, est arrivé très largement en tête du premier tour de scrutin, dimanche, avec 46 % des voix, a annoncé dimanche soir le tribunal électoral brésilien.
Son score est bien supérieur aux intentions de vote mesurées dans les derniers sondages publiés avant le scrutin. Il affrontera au second tour, le 28 octobre, le candidat du Parti des travailleurs (PT), Fernando Haddad, crédité de 29 % des voix.
Le triomphe de l'ancien officier militaire a également profité à son Parti social-libéral, en passe de devenir la deuxième force politique au Congrès. Les 147 millions d'électeurs brésiliens étaient appelés, parallèlement à la présidentielle, à renouveler l'intégralité de la Chambre des députés et les deux tiers des 81 élus du Sénat.
Des projections établies sur la base de résultats préliminaires montrent que le PSL, qui ne comptait que huit sièges de députés dans le Parlement sortant, pourrait en compter 51 dans la future assemblée. Seul le Parti des travailleurs ferait mieux, avec 57 députés.
S'exprimant lundi sur l'antenne de la radio Jovem Pan, Jair Bolsonaro a anticipé son arrivée à la présidence, annonçant qu'il était en discussions avec d'autres partis pour former une alliance gouvernementale au Parlement.
Il a également indiqué qu'il n'était pas question pour lui de se muer en un candidat de la « paix et de l'amour » pour élargir sa base électorale. « Je dois rester la même personne », a-t-il dit.
Dès dimanche soir, il s'était engagé à réduire la taille de son gouvernement, qui serait composé de 15 ministères, mais aussi à réduire les impôts sur les salaires et à privatiser ou à fermer nombre d'entreprises publiques.
Un ras-le-bol de la corruption
Le Brésil avait rarement été aussi divisé au moment d'aborder une élection.
Ancien officier de 63 ans, victime d'une agression à l'arme blanche début septembre, Bolsonaro a convaincu de nombreux Brésiliens de voter pour lui avec des positions très dures contre l'insécurité et parce que sa carrière est exempte de toute accusation de corruption, tandis que le PT est impliqué dans l'un des plus vastes scandales de corruption mis au jour dans l'histoire du pays.
Une partie de l'électorat, qui ne veut pas d'un retour au pouvoir du PT de Lula et de l’ancienne présidente Dilma Rousseff, destituée en 2016 pour avoir maquillé les comptes publics, s'est rallié à sa candidature.
« Nous ne pouvons pas continuer à flirter avec le socialisme et le communisme », a-t-il dit dimanche soir.

Les unes des journaux brésiliens au lendemain du premier tour de la présidentielle.
Photo : The Associated Press / Leo Correa
Jair Bolsonaro s'est envolé pendant l'été dans les sondages en surfant sur la colère des Brésiliens contre la corruption de la classe politique et l'insécurité, un thème qui résonne particulièrement dans un pays où 63 880 morts violentes ont été recensées en 2017, soit plus de sept par heure.
Il a notamment promis d'assouplir la législation sur le contrôle des armes à feu afin que les Brésiliens puissent s'armer contre les criminels.
Mais par ses propos homophobes et misogynes et par ses déclarations relatives à la dictature militaire, Bolsonaro fait aussi office de repoussoir pour une grande partie de l'électorat. Nombreux sont les Brésiliens qui ne croient pas à ses promesses de campagne de respecter les idéaux démocratiques.
Fernando Haddad en appelle à tous les démocrates
Entré tardivement dans la campagne en septembre, après que la justice a confirmé l'inéligibilité de Lula, l’adversaire de Bolsonaro au second tour, l'ex-ministre de l'Éducation qui se décrit comme modéré a appelé les Brésiliens à voter pour lui le 28 octobre au nom de la défense de la démocratie.
« Nous risquons beaucoup de choses dans cette élection [...] nous voulons unir tous les démocrates au Brésil », a-t-il dit dimanche soir devant ses sympathisants.
Arrivé en troisième position dimanche soir avec 12 % des suffrages exprimés, Ciro Gomes, qui a rompu avec le PT, n'a pas apporté son soutien à Haddad, mais a annoncé qu'il se battrait « pour défendre la démocratie » et qu'il ne voterait certainement pas pour Bolsonaro, reprenant le slogan du mouvement « Ele não » (Lui non) lancé par les adversaires du candidat d'extrême droite, notamment des femmes.

Le candidat du Parti des travailleurs, Fernando Haddad, donne une conférence de presse lundi, après sa rencontre avec Lula.
Photo : AFP/Getty Images / Heuler Andrey
Pour l'emporter au second tour, les deux rivaux vont devoir prendre un virage vers le centre, estime Maurício Santoro, professeur à l'Université publique de Rio de Janeiro.
« Bolsonaro va devoir quant à lui mettre de côté ses discours haineux et mettre de l'ordre au sein de ses collaborateurs », dit-il.
Selon lui, Haddad va devoir s'éloigner de Lula et choisir rapidement un ministre des Finances proche des marchés.
Pour l'un de ses premiers déplacements, Fernando Haddad a choisi de se rendre lundi dans la ville de Curitiba, dans le sud du pays, où il a rencontré Lula dans sa cellule. En tant qu'ancien membre de son équipe présidentielle, Haddad est autorisé à effectuer une visite hebdomadaire.