Référendum contre le mariage homosexuel : les Roumains boudent les urnes

Des religieuses de l'Église orthodoxe votent au référendum sur la mariage homosexuel, dans le village de Branesti, en Roumanie.
Photo : AFP/Getty Images / Daniel Mihailescu
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y avait peu d'affluence samedi dans les bureaux de vote de Roumanie au premier jour d'un référendum controversé visant à graver dans la Constitution l'interdiction du mariage homosexuel, avec l'espoir, pour la gauche au pouvoir, de remobiliser son électorat.
Les 19 millions d'électeurs du pays ont jusqu'à dimanche soir pour approuver un changement de la définition du mariage afin que seuls « un homme et une femme » puissent s'unir, et non plus des « époux », comme le stipule actuellement la loi fondamentale.
À deux heures de la clôture des bureaux samedi, à peine un peu plus de 5 % d'entre eux avaient voté, selon des chiffres officiels. Or la clef du scrutin réside dans la participation : le seuil de 30 % des inscrits doit être atteint pour valider le résultat.
« Nous nous attendons à une mobilisation plus forte dans le milieu rural dimanche, après la messe, mais il faudra que cette tendance se maintienne durant toute la journée, y compris dans les villes, pour que le seuil requis soit atteint », a estimé pour l'AFP le sociologue Barbu Mateescu.
D'un point de vue légal, rien ne changera à l'issue du référendum, puisque la législation roumaine n'autorise actuellement ni le mariage entre personnes de même sexe, ni l'union civile. Les adversaires du scrutin fustigent un vote dont le seul effet a été de laisser libre cours aux discours homophobes et dont l'enjeu serait de faire oublier les déboires de la gauche au pouvoir.
Les responsables politiques au pouvoir ont d'ailleurs été parmi les premiers à se rendre aux urnes, comme la chef du gouvernement social-démocrate, Viorica Dancila, ou le puissant patron des sociaux-démocrates, Liviu Dragnea.
« Le moment est venu de décider nous-mêmes comment nous voulons vivre dans notre pays », a-t-il déclaré, assurant qu'il ne s'agissait « absolument pas d'un vote contre une minorité ».
Les sociaux-démocrates du PSD au pouvoir comptent sur ce scrutin pour mobiliser la Roumanie rurale et conservatrice, le coeur de leur électorat, alors que le parti est en perte de vitesse, accusé de vouloir affaiblir la lutte contre la corruption et de contrôler la justice qui a épinglé nombre de ses élus.
Les résultats définitifs du référendum sont attendus lundi. Le même jour, Liviu Dragnea doit comparaître pour son procès en appel dans une affaire d'emplois fictifs qui lui a valu trois ans et demi de prison ferme en première instance.
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« Participer au vote est un droit, un honneur et une bénédiction », a exhorté samedi Daniel, le patriarche de la puissante Église orthodoxe.
« Nous n'avons rien contre les minorités ou contre les homosexuels, car nous ne sommes pas racistes, au contraire, nous sommes un peuple chaleureux et pacifique », assure à l'AFP Viorel Zburau, un agent immobilier favorable au changement de la Constitution.
Les opposants au vote faisant le pari du boycottage, la victoire du oui à une modification constitutionnelle est assurée, avec un score qui pourrait atteindre 90 % des suffrages et une participation de 34 %, selon un sondage de l'Institut CURS publié vendredi.
« On ne vote pas sur l'amour. Le gouvernement ferait mieux d'utiliser cet argent pour construire des hôpitaux », tranchait samedi Mihai, 28 ans, vendeur dans un supermarché, à l'instar de nombreux Roumains sceptiques à l'égard du scrutin.
Le référendum émane d'une « initiative citoyenne » proche de l'Église, qui a présenté les signatures de trois millions de personnes en faveur de l'organisation de la consultation, pour défendre « la famille traditionnelle ».
Une interdiction gravée dans la Constitution rendrait plus difficile, voire impossible, tout changement futur de la loi en faveur des couples homosexuels, s'inquiètent les adversaires de la consultation. Ils craignent que d'autres initiatives soient lancées remettant en cause le cadre de l'avortement ou de l'éducation sexuelle.
Le référendum a suscité de vives critiques au sein des institutions européennes, qui ont rappelé à Bucarest ses engagements en matière de droits de la personne.
« Je ne veux pas que les valeurs de la famille soient transformées en arguments pour [...] nourrir les démons les plus noirs, la haine contre les minorités sexuelles », a lancé le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans.
Selon le sociologue Marius Pieleanu de l'Institut Avangarde, de telles mises en garde de l'étranger risquent toutefois d'avoir l'effet inverse, alors que les discours souverainistes et méfiants envers l'Europe gagnent du terrain en Roumanie.
« Une partie des indécis pourraient justement se mobiliser en raison de cette attitude qu'ils perçoivent comme hostile envers la Roumanie », a-t-il déclaré à l'AFP.