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Changements climatiques : le cri des scientifiques dans le désert

Une vue aérienne du lac Poopo, asséché.

Le lac Poopo, en Bolivie, a été durement affecté par les changements climatiques

Photo : Reuters / David Mercado

Radio-Canada

Les rapports du GIEC, le groupe d'experts des Nations unies sur le climat, sont toujours très attendus. Celui qui sera publié dimanche soir ne fait pas exception à la règle. Les pays signataires de l'Accord de Paris ont donné le mandat aux scientifiques de les éclairer sur les effets probables d'un réchauffement global de plus de 1,5 °C. Seront-ils entendus?

Un texte d'Étienne Leblanc, journaliste spécialisé en environnement

Trouver les bons mots pour annoncer de mauvaises nouvelles, tel est le défi qui se pose aux scientifiques qui s'apprêtent à poser un diagnostic sombre sur la planète qui se réchauffe.

Tout indique que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) annoncera dans son rapport qu'il sera difficile de contenir le réchauffement sous la barre de 1,5 °C. Ce seuil pourrait être même être atteint dès 2030 (entre 2030 et 2052) si le réchauffement maintenait son rythme actuel.

On peut donc s'attendre à de très mauvaises nouvelles pour la planète.

Un participant à la rencontre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de Corée du Sud prend la pose devant un publicité de l'événement

Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) est réuni réunis en Corée du Sud.

Photo : iStock / Jung Yeon

Mais le GIEC ne présentera pas qu'un bilan sombre de l'avenir. Il proposera aussi des voies de sortie, selon les scénarios de réchauffement envisagés. Il y sera entre autres question d'une réduction importante de l'utilisation des énergies fossiles, avec des ébauches chiffrées sur la fin du charbon.

On le comprend, de nombreux décideurs politiques n'aiment pas les conclusions des experts du GIEC, jugées trop alarmistes. D'où la frustration d'un nombre croissant de scientifiques d'avoir l'impression de crier dans le désert. Les données sont connues et les solutions pour réduire les émissions de façon importante existent, mais l'action réelle est timide.

« C'est absolument, totalement, complètement possible technologiquement, explique Catherine Potvin, professeure au Département de biologie à l'Université McGill, à Montréal. On sait ce qu'il faut faire. Là où on n'arrive pas à avoir les percées suffisantes, c'est vraiment au point de vue politique. »

Pourquoi un rapport sur le seuil de 1,5 °C?

Pour bien comprendre l'exercice du rapport du GIEC sur le 1,5 °C, il faut remonter à la COP21, fin 2015, au terme de laquelle l'Accord de Paris sur le climat a été signé.

En posant leur griffe sur cette entente, les 197 États signataires se sont engagés à contenir l'élévation de la température de la planète « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5 °C ».

Cette référence au seuil du 1,5 °C avait été ajoutée à la dernière minute dans l'accord, sous la pression des petits États insulaires qui étaient habilement allés chercher l'appui du Canada dans cette revendication.

Afin de donner un sens concret à cet engagement, les Nations unies ont donc mandaté le GIEC de produire une grande synthèse des connaissances scientifiques sur les effets probables d'un réchauffement qui dépasserait 1,5 °C. C'est ce rapport très attendu qui sera publié dimanche soir.

Objectif politique

Derrière cet exercice scientifique très utile, l'ONU a une autre intention : ranimer le sentiment d'urgence chez les décideurs politiques.

Ce n'est pas sans raison. Il est vrai que la signature de l'Accord de Paris en 2015 avait donné un élan sans précédent à la lutte contre les changements climatiques. Pour la première fois de l'histoire, tous les pays de la planète signaient une entente mondiale sur le climat.

Sauf qu'on s'est rapidement aperçu que les efforts proposés par les pays pour réduire leurs émissions étaient loin d'être suffisants au regard de l'urgence climatique décrite jour après jour par les scientifiques.

Catherine Potvin au micro.

La biologiste de l'Université McGill Catherine Potvin

Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande

Le contenu du rapport devrait aider à convaincre les dirigeants qu'il y a urgence.

Une citation de Catherine Potvin, professeure au Département de biologie de l'Université McGill

À ce jour, la planète s'est déjà réchauffée d'environ 1 °C depuis l'ère préindustrielle, qu'on situe autour de la fin du 19e siècle. Est-ce qu'un petit demi-degré supplémentaire aurait une si grande incidence? Bien entendu, la réponse est oui. Les conséquences seraient majeures, notamment sur le niveau des océans et sur le cycle climatique de l'Arctique.

C'est une question qui résume tout le défi de communication des scientifiques : comment faire comprendre aux décideurs qu'une si petite différence dans les températures du globe peut avoir des répercussions considérables?

« On sait qu'il y avait un kilomètre de glace au-dessus de Montréal lors d'un refroidissement planétaire de l'ordre de 2 à 3 °C, dit Catherine Potvin. Donc oui, de petits changements de la température du globe peuvent avoir d'immenses impacts sur les températures locales. »

Est-il trop tard pour éviter un réchauffement de 1,5 °C?

À cette question, les experts du GIEC ne répondront jamais un « oui, il est trop tard » clair et catégorique. Le but de leur exercice n'est pas de nous décrire la fatalité.

Le rapport brossera un portrait complet de l'état des connaissances sur un réchauffement de 1,5 °C, mais surtout, il donnera des indications sur le travail qui reste à faire pour ne pas dépasser ce seuil. Les scientifiques nous diront probablement aussi que les gaz à effet de serre émis au 20e siècle continueront à agir sur le climat pendant très longtemps. Les pistes de solutions proposées seront difficiles.

Les délégués et les experts assistent à la cérémonie d'ouverture de la rencontre du GIEC, qui se tient en Corée du Sud.

Les délégués et les experts assistent à la cérémonie d'ouverture de la rencontre du GIEC qui se tient en Corée du Sud.

Photo : Getty Images / Jung Yeon

Pour l'heure, la communauté des experts sur le climat s'entend assez bien sur le fait que l'effort qui est fait actuellement n'est pas à la hauteur du défi. Éviter un réchauffement de 1,5 °C semble hors de portée. Même la possibilité de contenir la hausse des températures à 2 °C s'atténue d'année en année.

De fait, les cibles de réduction des émissions proposées par les pays dans le cadre de l'Accord de Paris, si on suppose qu'elles sont respectées, mènent la planète sur un parcours de réchauffement qui se rapproche plus de 3 °C d'ici la fin du siècle.

Les nouvelles sont mauvaises, mais faut-il être fataliste pour autant? Un nombre croissant d'experts sur le climat pensent que s'ils veulent que leurs messages soient entendus, ils doivent davantage parler des aspects positifs de la lutte contre les changements climatiques, comme les occasions d'affaires, les bienfaits pour la santé et le sentiment du devoir accompli.

« Le médecin qui nous dit : "Tu as un cancer, c'est fini, bye-bye!", ce n'est pas un bon médecin, pense Catherine Potvin. Ce qu'on cherche, c'est quelqu'un qui va nous aider dans la voie de retrouver notre santé. Et je pense pour moi que c'est ça le ton qu'il est urgent d'employer. »

Il s'en trouvera certainement pour mettre au bac de recyclage les conclusions des scientifiques du GIEC. Mais depuis 1990, ces experts documentent avec précision tous les aspects du bouleversement climatique.

Jusqu'à maintenant, la seule chose qu'on peut leur reprocher, c'est peut-être d'avoir sous-estimé la vitesse avec laquelle certains changements s'opèrent.

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