Climat : la barre du +1,5 °C pourrait être franchie dès 2030, selon le GIEC

Les glaciers de l'Arctique canadien ont rétréci depuis 1960, selon les données de l'ISMER.
Photo : Courtoisie: Jade Brossard
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un nouveau document sur le réchauffement climatique, qui rappelle avec force l'urgence des mesures à prendre, est l'objet d'intenses tractations entre gouvernements et chercheurs cette semaine à la 48e session du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, qui se déroule en Corée du Sud.
Ce « résumé à l'intention des décideurs politiques », produit par le GIEC, devrait encore garder les participants éveillés une bonne partie de la nuit de vendredi à samedi, plus longtemps que la durée impartie, dans le strict huis clos du centre de convention d'Incheon-Songdo, en Corée du Sud.
Leur objectif est d’approuver des conclusions, basées sur plus de 6000 études, exposant les forts impacts attendus d’un réchauffement de 1,5 degré Celsius (°C) (soit un demi-degré de plus qu'aujourd'hui) et les moyens pour rester sous cette limite.
Il s’agit d’une douche froide pour la communauté internationale qui, avec l'Accord de Paris, s'est prononcée pour rester « bien en deçà de 2 °C » et si possible de 1,5 °C, mais dont les engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre poussent le mercure vers +3 °C.
Le GIEC, dans la dernière version provisoire de son texte, a rendu son exposé encore plus explicite.
Ainsi, la barre du +1,5 °C pourrait être franchie dès 2030 (entre 2030 et 2052), si le réchauffement garde son rythme, est-il précisé dans ce document dont l'AFP a obtenu copie.
Des projections sur les énergies fossiles
Le résumé, dont la version finale approuvée ne sera rendue publique que lundi, aligne aussi plusieurs scénarios d'action possibles selon la rapidité du recul des énergies fossiles, avec des projections chiffrées sur la sortie du charbon qui n'ont pas manqué de faire bondir le trio minier Pologne, Australie et Japon.
Au bout de plusieurs heures, une solution, in fine plutôt osée, est venue lever le blocage : l'ajout de projections comprenant le pétrole et le gaz, une première dans un résumé du GIEC, ont relaté des délégués sous couvert d'anonymat.
Le processus a ensuite avancé suivant un modus operandi éprouvé : les chercheurs présidant la séance ont projeté sur grand écran le texte, relu ligne par ligne avec les délégués (126 pays représentés, selon le GIEC).
Les interventions ont été nombreuses. L'Arabie saoudite a notamment insisté sur les incertitudes scientifiques, selon des témoins. La délégation américaine, en revanche, emmenée par un haut fonctionnaire vétéran des négociations climatiques, a été décrite comme généralement « plutôt constructive ».
Les participants ont par ailleurs été séparés en « mêlées » dans les couloirs, ou en « groupes de contact » dans des salles, pour tenter de régler des points de contentieux qui menaçaient de s'éterniser.
Des observateurs sont aussi accrédités. La Chambre internationale de commerce est présente, mais curieusement pas l'Association mondiale d'études des questions environnementales et sociales du secteur pétrolier (IPIECA), notait un délégué.
De forts arguments pour convaincre les décideurs
Les ONG qui défendent l'action climatique et qui ont obtenu un statut d'observateur quitteront la conférence d’Incheon avec des arguments supplémentaires.
« Nous avons là une nouvelle définition de ce qu'il faut faire, et c'est la science qui a parlé, pas la politique », souligne la directrice de Greenpeace International, Jennifer Morgan.
Une fois ce rapport sorti, les dirigeants ne pourront plus faire la sourde oreille et devront agir.
« Nous voyons arriver à +1,5 °C de nombreux impacts que nous attendions à +2 °C. En de nombreux points, 1,5 °C c'est le nouveau 2 °C », déplore Christopher Weber, responsable de l’énergie et du climat au Fonds mondial pour la nature (WWF).
« Bien sûr, il ne sera pas facile de rester sous 1,5 °C. Cela demandera des transformations massives dans nos sociétés, mais qui seront plus coûteuses et difficiles si nous attendons. La différence entre le faisable et l'infaisable est d'abord une question de volonté politique », a-t-il ajouté.
Le GIEC doit publier son résumé pour décideurs lundi.