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Éliminer les moustiques porteurs de la malaria grâce au génie génétique

Un moustique à l'abdomen gorgé de sang pique une peau humaine.

L'anophèle peut transmettre le parasite causant la malaria.

Photo : La Presse canadienne / AP Photo/CDC, University of Notre Dame, James Gathany

Radio-Canada

En utilisant la génétique, des chercheurs souhaitent éliminer certaines espèces de moustiques porteurs de maladies humaines comme la malaria. Bien que de telles méthodes puissent sauver un nombre incalculable de vies, elles soulèvent aussi des questions éthiques importantes.

Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné

Le moustique est l'un des animaux les plus dangereux sur terre pour les humains. Ces insectes transportent des maladies responsables de la mort de millions de personnes chaque année. La malaria, par exemple, a frappé jusqu’à 216 millions de personnes en 2016, selon l’Organisation mondiale de la santé, entraînant la mort de 445 000 d’entre elles.

Les effets nocifs des pesticides étant de plus en plus dénoncés, des chercheurs se sont tournés vers la génétique pour explorer des avenues permettant de rendre certaines populations de moustiques stériles ou incapables de transmettre des maladies.

Ces initiatives ont connu un renouveau depuis l’arrivée du ciseau moléculaire CRISPR-Cas9, capable de remplacer un segment d’ADN par un autre avec une remarquable précision. Jusqu'à tout récemment, les taux de réussite en laboratoire pour créer des moustiques transgéniques ne permettent pas d’envisager que la méthode soit utile dans la nature.

Une étude faite par des chercheurs britanniques (Nouvelle fenêtre) vient toutefois changer la donne. Leur modification d’un gène chez une espèce de moustiques a poussé vers l’extinction une population maintenue en laboratoire, et ce, en quelques générations à peine.

Il s’agit d’une des premières méthodes à afficher un taux de réussite aussi important, mais elle apporte aussi son lot d’inquiétudes sur le plan environnemental.

Ce message s’autodétruira dans…

Les chercheurs ont commencé par modifier un gène nommé doublesex, qui détermine le développement des traits mâles ou femelles chez les moustiques de l’espèce Anopheles gambiae, principaux responsables de la transmission de la malaria dans le monde.

Ce changement rend les femelles stériles et incapables de piquer, mais produit des mâles en parfaite santé. Ces derniers pourront alors passer le gène transformé à la génération suivante en se reproduisant avec des femelles qui ne sont pas porteuses du gène.

Normalement, lors de la reproduction, les descendants recevront 50 % de leur matériel génétique de la mère et 50 % du père. Cette transmission aléatoire rend difficile l’insertion d’un gène de manière stable dans une population sauvage, et ce gène risque alors de diminuer à chaque génération avant de disparaître.

Dans ce cas-ci, la situation est différente, car les chercheurs ont employé une technique nommée « forçage génétique ». L’idée est de combiner les gènes qu’on veut modifier avec le ciseau moléculaire CRISPR et d’insérer ensuite le tout dans un moustique.

CRISPR traquera alors toutes les copies « normales » du gène et les effacera pour les remplacer par la version créée par les chercheurs. Ceci assure une transmission du gène chez 100 % des descendants.

À ce jour, plusieurs laboratoires ont tenté la même technique, mais leurs efforts se sont soldés par un échec à cause de l’apparition de mutations dans leur gène modifié au fil des générations. Ces mutations donnent aux moustiques l’équivalent d’une résistance génétique à la modification humaine, la rendant inefficace.

C’est là que le choix du gène doublesex par l’équipe britannique vient sceller le destin des moustiques. Il s’agit d’un gène qui ne varie pas d’un individu à l’autre et qui est tellement important que la moindre mutation incontrôlée y entraîne l’arrêt de développement du moustique avant sa naissance.

Une solution aux conséquences importantes

Même si elle pouvait sauver la vie de millions de personnes chaque année, une telle méthode suscite un grand nombre de craintes, notamment en ce qui concerne les dangers que quelque chose tourne mal et que le gène ne se répande de façon incontrôlée dans les populations d’insectes.

Toutefois, les chercheurs affirment qu’une telle propagation est impossible, du fait que le gène doublesex est spécifique à chaque espèce et est extrêmement bien régulé. Chaque tentative d’élimination serait donc unique à chaque famille de moustiques.

L’autre inquiétude concerne les problèmes que causerait la disparition d’une population d’insectes au reste de l’écosystème. Jusqu’à maintenant, les connaissances sur l'Anopheles gambiae montrent qu’elle n’est pas une part importante de la diète d’autres animaux, même parmi ceux se nourrissant de moustiques.

Pour en être certains, des chercheurs de l’Université du Ghana et de l’Université d’Oxford ont lancé une étude de quatre ans (Nouvelle fenêtre) pour évaluer le rôle de l’Anopheles gambiae sur l’écosystème du Ghana, et ainsi s’assurer des véritables risques de libérer un tel moustique modifié dans la nature.

Entre-temps, il reste aux chercheurs à évaluer l’efficacité de leur moustique modifié dans des conditions semblables à l’environnement naturel, où d’autres compétiteurs pourraient ralentir la diffusion du gène modifié à travers la population. Toutefois, selon leurs modèles, même une diffusion se limitant à 40 % serait suffisante pour briser le cycle de transmission de la malaria et ralentir la progression de la maladie dans une région.

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