Philippe Couillard met fin à sa carrière politique

Philippe Couillard avec Suzanne Pilote dans l'édifice du parlement à Québec
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
C'est en défendant son bilan des quatre dernières années et en livrant un vibrant plaidoyer en faveur de l'ouverture et de l'inclusion que Philippe Couillard a tiré un trait sur sa carrière politique, jeudi, lors d'une déclaration d'une dizaine de minutes faite à l'hôtel du Parlement, à Québec.
Un texte de François Messier
L'homme de 61 ans, qui demeure premier ministre en titre pour encore quelques jours, a confirmé, non sans émotion, qu'il renonce à diriger le Parti libéral du Québec (PLQ) et à représenter les citoyens de Roberval, qui lui avaient confié un second mandat de quatre ans lundi.
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Après avoir annoncé cette décision, M. Couillard a longuement parlé à ses électeurs de Roberval, qu'il dit avoir fièrement représentés. « Je crois, j’espère, qu’ils comprendront ma décision dans les circonstances », a-t-il déclaré à leur intention.
« Avec un bilan plus qu’enviable et le résultat des élections du 1er octobre, après avoir mis toute mon énergie au service du Québec, demeurer en politique, à quelque titre que ce soit est au-delà de ce que je me sens humainement capable de faire », a-t-il ajouté.
« Je demande aux Québécoises et aux Québécois de comprendre et de me laisser prendre congé en paix. »
Je salue la contribution importante du premier ministre sortant, Philippe Couillard, à la vie publique québécoise.
— François Legault (@francoislegault) October 4, 2018
La politique est exigeante et demande du courage, ce qui force le respect.
Je lui souhaite la meilleure des chances pour la suite.
Après avoir remercié toute l'équipe du Parti libéral, de l'équipe de la permanence jusqu'aux bénévoles, M. Couillard s'est félicité de laisser le Québec « dans un bien meilleur état que celui dans lequel je l’ai trouvé en avril 2014 », lorsqu'il est devenu premier ministre.
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« Je serai toujours fier – tellement fier – d’avoir, avec mon équipe, redonné au Québec les moyens de ses ambitions et de l’avoir fait avancer vers sa destination : un Québec prospère, instruit, équitable et vert », a-t-il encore dans cette allocution à valeur de testament politique.

Philippe Couillard a prononcé un discours de départ empreint d'émotion.
Photo : Radio-Canada
Trudeau salue Couillard
« Je veux remercier Philippe pour ses années de service auprès des Québécois, auprès de nos communautés et auprès du Canada en tant que premier ministre du Québec », a commenté le premier ministre canadien Justin Trudeau. « C’est quelqu’un qui a toujours pris très au sérieux ses responsabilités et on a travaillé très bien avec lui. J’ai développé une amitié avec Philippe et j’ai beaucoup de respect pour quiconque se présente en politique et qui dure aussi longtemps que lui. »
Un vibrant plaidoyer pour un Québec inclusif
Philippe Couillard a conclu son discours en plaidant longuement pour l'amélioration des relations entre les Québécois et les immigrants, un sujet qui a retenu beaucoup d'attention lors de la campagne électorale.
« La démographie et la pénurie sévère de main-d’œuvre qui touche toutes nos régions » sont les plus grands défis du Québec, a-t-il fait valoir. Dans ce contexte, « le maintien de la cohésion sociale et du caractère inclusif de notre société deviennent encore plus importants. »
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« À nous de faire en sorte qu’ils s’intègrent bien à la société québécoise, sur tout le territoire. À cet effet, chaque mot, chaque geste compte. Dans un sens ou dans l’autre », a-t-il poursuivi.
Le premier ministre est en outre revenu sur la question des libertés individuelles dans la conclusion de son allocution, prononcée quelques heures après que la Coalition avenir Québec eut annoncé son intention d'interdire le port de signes religieux chez les employés de l'État en situation d'autorité, y compris les enseignants.
« Au cours de nos 400 ans d’histoire, nous les avons défendues, parfois jusqu’au sacrifice ultime. Elles sont contenues dans les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. Elles sont précieuses, donc fragiles. Prenons-en grand soin », a-t-il dit.
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« Notre Assemblée nationale, comme tous les parlements, se doit de protéger leurs droits plutôt que de les restreindre si elle veut conserver sa légitimité. En fait, c’est un de ses devoirs principaux », a ajouté le premier ministre sortant.
« La majorité n’a pas tous les droits, et ceux qu’elle exerce doivent être compensés par la protection de ceux des minorités. C’est un principe démocratique fondamental. Le Québec doit demeurer une terre d’accueil souriante, une société inclusive où toutes et tous sont invités à la table. Un endroit où on juge les humains pour ce qu’il y a dans leur tête, dans leur cœur, pour ce qu’elles et ils ont à nous apporter. »
Nos désaccords étaient nombreux et profonds, mais je salue chez @phcouillard ses années d’engagement politique au service de sa vision du bien commun et sa grande résilience dans les tourmentes. 1/3 #polqc
— Jean-François Lisée (@JFLisee) October 4, 2018
M. Couillard s'était emmuré dans le mutisme le plus complet depuis le discours qu'il a prononcé après la défaite historique de son parti aux élections générales de lundi. Le Parti libéral y a obtenu 32 sièges, contre 68 en 2014. Il avait alors confirmé qu'il réfléchissait à son avenir politique.
Un nouveau chef à trouver
La démission de Philippe Couillard confirme que les libéraux devront rapidement se trouver un chef intérimaire pour affronter le gouvernement caquiste majoritaire de M. Legault à l’Assemblée nationale. Selon nos informations, les ex-ministres Christine St-Pierre, Pierre Arcand et Gaétan Barrette seraient notamment sur les rangs.
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Le départ de M. Couillard contraint en outre les électeurs de la circonscription de Roberval, que M. Couillard représente depuis 2014, à retourner aux urnes l’an prochain. Cela coûterait environ 500 000 $ à l’État.
La prérogative de déclencher des élections partielles appartient au premier ministre. Il doit le faire au plus tard six mois après que le siège eut été laissé vacant.
Philippe Couillard a remporté Roberval avec 42,5 % des suffrages exprimés lundi, loin devant la caquiste Denise Trudel et le péquiste Thomas Gaudreault, qui ont respectivement obtenu 24,2 % et 19 % des appuis.
Roberval est la seule circonscription libérale au Saguenay-Lac-Saint-Jean et l’une des rares que le parti détient à l’extérieur de la grande région de Montréal.
Je tiens à remercier M. Couillard pour sa contribution au service public. Nous n’avons pas souvent été d’accord, mais je dois souligner son grand respect pour l’institution parlementaire. https://t.co/2b1juTTpw0#Polqc #Assnat
— Manon Massé (@ManonMasse_Qs) October 4, 2018
10 ans de vie publique
Neurochirurgien de formation, Philippe Couillard a fait le saut en politique à l’occasion des élections générales de 2003, après avoir été recruté par le chef libéral de l’époque, Jean Charest.
Élu dans la circonscription montréalaise de Mont-Royal, il est immédiatement propulsé ministre de la Santé. Réélu en 2007, cette fois dans Jean-Talon, à Québec, il est reconduit dans ses fonctions.
Son deuxième mandat à la tête du plus important ministère de la province est bref : en juin 2008, il se joint au fonds d'actions Persistence Capital Partners (PCP), propriétaire des cliniques Medisys.
Ce passage au privé a suscité la controverse après la révélation que M. Couillard avait conclu un « protocole d'entente » avec PCP avant de démissionner comme ministre.
Une enquête du commissaire au lobbyisme du Québec conclura par la suite que la direction de PCP n'a pas enfreint la Loi sur la transparence et l'éthique en rencontrant à quatre reprises Philippe Couillard, alors qu'il était ministre.
Cet intermède dans la carrière politique durera finalement un peu plus de quatre ans, soit jusqu’à ce que les libéraux soient défaits par les péquistes de Pauline Marois en septembre 2012.
Un mois plus tard, Philippe Couillard devient candidat à la direction du Parti libéral du Québec, abandonnée par Jean Charest. Il est élu cinq mois plus tard, face à Pierre Moreau et Raymond Bachand.
Le 9 décembre 2013, il se fait élire député pour une troisième fois, cette fois dans la circonscription d’Outremont. Un peu plus de quatre mois plus tard, en avril 2014, il devient premier ministre, avec un mandat majoritaire.
Son mandat de quatre ans aura été marqué par des politiques d’austérité, qui ont permis au gouvernement du Québec de dégager des surplus. L’impact de ces politiques lui a toutefois valu de sévères critiques.