Nouvel ALENA : « La gestion de l’offre a été protégée », dit Trudeau

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, ont rencontré la presse à propos de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), le 1er octobre 2018, à Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Bien que des parts du marché des produits laitiers canadiens aient été concédées aux Américains, le système de gestion de l'offre n'est pas remis en cause, a martelé Justin Trudeau, lors de la conférence de presse sur l'accord renouvelé de libre-échange nord-américain, lundi. Les partis d'opposition n'ont pas manqué, néanmoins, de critiquer le gouvernement.
Un texte d'Isabelle Maltais et Sophie-Hélène Lebeuf
Dans la nouvelle entente, maintenant appelée Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), Ottawa a accepté d’ouvrir 3,59 % du marché du lait et des produits laitiers canadiens aux produits américains.
« Les États-Unis visaient l’élimination complète de la gestion de l’offre », a dit plusieurs fois le premier ministre Trudeau, laissant savoir à demi-mot que la concession faite aux Américains était un mal nécessaire et soulignant que le système canadien, bien qu’un peu transformé, resterait en place « car il fonctionne ».
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Les producteurs laitiers canadiens seront « pleinement » dédommagés pour leurs pertes, a assuré M. Trudeau.
Toutefois, le gouvernement fédéral ignore pour le moment à combien s'élèveront les compensations accordées aux producteurs agricoles qui verront leurs revenus diminuer, et sous quelles modalités elles seront versées.
« On va prendre le temps de bien faire les choses et réfléchir, mais c’est un engagement clair de notre gouvernement », a affirmé la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.
En fait, M. Trudeau et Mme Freeland, qui était chargée des négociations, se sont dits très fiers de la conclusion de ce nouvel accord, essentiellement parce qu'il élimine l’incertitude économique qui planait sur le pays.
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« Je préfère le dire franchement : certaines inquiétudes persistent, a convenu Justin Trudeau. Mais c’est la voie que nous devons suivre pour assurer la stabilité et la prospérité aux Canadiens. »
M. Trudeau et Mme Freeland ont cependant assuré que si l’accord n’avait pas été bénéfique pour le Canada, il n’aurait pas été signé.
Ils se sont d’ailleurs félicités d’avoir pu protéger le secteur automobile canadien, et donc les emplois qui en découlent, du « spectre des droits de douane qui planait » sur lui. Le président américain, Donald Trump, menaçait en effet d'imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations de véhicules et de pièces d'auto du Canada, faute d'un accord.
M. Trudeau est particulièrement enthousiaste en ce qui concerne le mécanisme de règlement des différends, qui est maintenu tel qu’il était dans le précédent accord, et qui confie à des comités indépendants la tâche de régler les différends commerciaux qui émergent entre les pays signataires.
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Le premier ministre a également souligné le maintien de l’exception culturelle canadienne, exception qui protège la culture canadienne du libre marché et qui fait que les produits culturels ne seront pas traités comme les autres biens de consommation. Il s’est réjoui de voir que « l’identité canadienne unique et bilingue » est préservée.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux tarifs supplémentaires de 25 % et 10 % que les États-Unis imposent désormais à leurs importations canadiennes d’acier et d’aluminium, le sujet est toujours à l’ordre du jour de négociations subséquentes, a dit Chrystia Freeland, qui espère convaincre les États-Unis d’y mettre fin.
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« Pire » que l’ALENA, disent les conservateurs et les néo-démocrates
L'opposition a quasi unanimement condamné les concessions faites sur la gestion de l'offre.
« Justin Trudeau doit expliquer comment on a une pire entente que l’ALENA », a lancé le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, en point de presse, lui reprochant de trop nombreuses concessions, au détriment, notamment, de l’industrie automobile et des producteurs laitiers.
Les États-Unis peuvent se vanter d'avoir fait des gains, tandis que le Canada peut au mieux se targuer d'avoir maintenu certains acquis, a-t-il soutenu.
Le premier ministre doit expliquer « comment les États-Unis et le Mexique ont pu négocier des points importants sans le Canada », a ajouté le chef conservateur.
M. Scheer a également critiqué Justin Trudeau pour avoir signé un nouvel accord sans obtenir l'assurance que les « tarifs destructeurs » sur l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre seraient levés.
Refusant de dire s'il aurait entériné l'accord obtenu, il s'est borné à affirmer qu'il aurait « signé une meilleure entente ».
La réaction n'était pas plus positive au Nouveau Parti démocratique (NPD).
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« Les Canadiennes et les Canadiens espéraient un meilleur accord, et au lieu de cela, il semble bien que nous ayons obtenu un nouveau nom, mais un pire accord », a-t-il ajouté dans un communiqué.
L'entente ne défend pas les producteurs laitiers, de volaille et d’œufs, et n'inclut pas de nouvelles mesures progressistes, par exemple sur les droits des peuples autochtones, ni de protections environnementales « plus robustes », a regretté M. Singh.
Le député bloquiste Gabriel Ste-Marie a pour sa part déploré un accord « inacceptable ». « Le gouvernement s'est couché face à Donald Trump, c'est hallucinant », a-t-il affirmé.
« Nos agriculteurs québécois […] ont été donnés en échange pour les intérêts du reste du Canada, comme le secteur de l’industrie automobile », a-t-il déploré.
La chef du Parti vert, Elizabeth May, a appelé le gouvernement à protéger la gestion de l’offre avec une loi bannissant l’utilisation des produits comprenant de l’hormone de croissance bovine.
Elle a de plus jugé préoccupant que la nouvelle entente ne fasse aucunement référence aux changements climatiques.
Elle a cependant souligné les circonstances politiques difficiles dans lesquelles le Canada avait négocié.
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Mme May a remercié « mille fois » la ministre Freeland pour la disparition des « clauses les plus antidémocratiques de l’ALENA », comme celle qui autorisait les grands investisseurs américains à poursuivre le Canada.
Faisant bande à part, Maxime Bernier, qui a quitté les rangs conservateurs pour fonder le Parti populaire du Canada, s’est dit « heureux » de constater que le gouvernement avait pu conclure une entente en mettant la gestion de l’offre sur la table.
« Le Canada aurait pu avoir une meilleure entente s’il avait proposé l’abolition de ce cartel », a-t-il toutefois déclaré.