Les arts chez les jeunes : le témoignage de 4 enseignants

Au-delà des chiffres et des études, qu'est-ce que l'art apporte, en réalité, aux enfants?
Photo : iStock / South_agency
Les experts le disent depuis des années : l'apprentissage et la pratique des arts entraînent de nombreux bienfaits pour le développement psychologique des enfants et des adolescents. Discussion sur l'art, les jeunes et l'école avec quatre professeurs.
Un texte de Camille Laventure
À l’occasion des Journées de la culture, le portail La rentrée a recueilli le témoignage de trois enseignants du programme enrichi en arts à l’école FACE, à Montréal, ainsi que d’une professeure au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui discutent des effets sur les jeunes d’un contact avec l’art à l’école.
Les enseignants
Cynthia Angel, enseignante en théâtre de la 3e à la 5e année du primaire
Marie-Ève Arseneau, enseignante en musique de la 4e année du primaire à la 5e secondaire
Paul Carrière, enseignant en arts plastiques en 1re et 2e année du primaire
Caroline Raymond, professeure au Département de danse de l’UQAM
Favorable aux élèves en difficulté
Les cours d’art, par la nature non conventionnelle de la matière et de son enseignement, sont un moyen de mettre en valeur des élèves qui sont en difficulté dans les matières de base (français, mathématiques, histoire, etc.).
« Un enfant qui a des problèmes de lecture peut être excellent en arts, donne comme exemple Marie-Ève Arseneau. C’est donc d’autant plus motivant pour les élèves en difficulté, parce que dans les cours d’arts, ils sont bons. »
Cynthia Angel a l’avantage d’enseigner une discipline qui fait bouger les enfants : le théâtre. Ceux qui sont plus agités en classe peuvent ainsi se permettre plus de liberté dans les cours d’art dramatique et, selon Mme Angel, ils y réussissent mieux.
Elle croit que cet environnement plus adapté aux élèves en difficulté est aussi un baume pour les parents.
« »
L’esprit d’équipe et de grandeur
Ce sont les expressions qui ont été mentionnées le plus souvent dans les témoignages recueillis : l’art permet de renforcer l’esprit d’équipe, de faire éclater la bulle individualiste et de « participer à quelque chose de plus grand que soi », une formule reprise plusieurs fois par Caroline Raymond, qui est également coauteure du livre Faire danser à l’école.
Marie-Ève Arseneau va jusqu’à dire qu’elle assiste à des moments « magiques » dans ses classes, notamment lors des cours d’orchestration : « Ça peut faire 18 fois qu’on pratique la même chanson, mais cette fois-là, ce sera parfait. Ce sont réellement des moments extraordinaires. Ça fait du bien à l’âme. »
Elle continue en parlant de l’« esprit de famille » et du « pouvoir du nombre ». Dans un groupe de musique ou dans un orchestre, les élèves apprennent qu’ils doivent (bien) faire leur travail individuellement, autrement, c’est un échec pour tout le monde.
Cynthia Angel est du même avis. « En théâtre, nous travaillons les uns avec les autres, dit-elle. Nous sommes un. Nous travaillons la coopération. Si quelqu’un ne fait pas son travail, ça touche tout le monde. »
Les mêmes principes s’appliquent aux travaux d’équipe dans les matières de base, mais différemment : un musicien ou un comédien manquant ne peut être remplacé par un autre membre du groupe.
Créatifs, confiants et matures
« Je ne suis pas là pour former des acteurs. Je forme des êtres humains confiants, qui ont une bonne estime de soi. » Mme Angel a la chance de suivre ses étudiants pendant quelques années, de la 3e à la 5e année du primaire. Elle voit donc l’évolution de chacun, notamment chez les plus gênés, qui vont même parfois jusqu’à décrocher un premier rôle. Sans rien forcer, elle fait participer les élèves les plus réservés et, selon ses dires, ils réussissent presque tous à se dégêner.
Marie-Ève Arseneau décrit le profil des finissants du programme de concentration en arts ainsi : ils n’ont pas peur des défis et ils sont charismatiques. Mme Angel croit, quant à elle, que sa mission « n’est pas de former des artistes, mais bien de les faire grandir grâce à l’art ».
L’enseignant en arts plastiques Paul Carrière aborde le sujet similairement : « [Les élèves] ne deviennent pas tous des artistes, mais ils ont le temps de développer leur pensée artistique et critique, de devenir plus que des exécuteurs de travaux. » Il est convaincu que l’ambiance de « bien-être créatif » qui règne dans ses cours enlève tout stress à ses élèves.
L’ouverture aux différences
Caroline Raymond, comme tous les enseignants consultés, souligne l’importante dimension sociale de l’art. « On apprend aux enfants à ressentir les choses dans le monde social. [...] C’est un acte de description de soi dans la société », explique-t-elle. C’est ce qui provoquerait cette ouverture aux différences chez un enfant qui a été immergé dans les arts. « L’art, dit-elle, c’est avoir le droit à la différence. C’est dire : “Je m’exprime différemment de l’autre.” »
Mme Arseneau, de son côté, affirme que la différence est authentifiée dans les cours d’art. « J’ai des élèves qui n’auraient pas réussi ailleurs, en raison de leur différence, peu importe laquelle, explique-t-elle. Que ce soit l’orientation sexuelle, la langue, le fait de ne pas être sportif pour un garçon… Dans le programme d’art, nous n’avons pas ce problème [de jugement de la part des autres élèves]. »
D’ailleurs, Paul Carrière ne se rappelle pas avoir vu une seule bagarre en plus de 13 ans d’enseignement dans le programme de concentration en arts. De plus, selon lui, le climat de quiétude et de respect qui y règne « agit sur la capacité [des élèves] à apprendre facilement ».
Si les quatre enseignants soulignent des bienfaits différents, mais complémentaires, de l’apprentissage de leur art par les jeunes, ils s’entendent sur un point bien précis : les cours d’arts sont primordiaux pour le développement d’un enfant et doivent être donnés par un personnel spécialisé dans l’enseignement de l’art qu’il transmet.