ArchivesPauline Julien, la pasionaria du Québec

La chanteuse Pauline Julien est décédée le 1er octobre 1998.
Photo : Radio-Canada / Francis J. Menten
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 1er octobre 1998, la chanson québécoise a perdu une de ses plus remarquables interprètes. Condamnée par une maladie dégénérative, Pauline Julien a décidé de tirer sa révérence. Radio-Canada a suivi son parcours tout le long de sa carrière.
Bonjour, mesdames et messieurs. On commence par une bien triste nouvelle aujourd'hui. Celle qu'on appelait la pasionaria par excellence au Québec, la chanteuse Pauline Julien, a été retrouvée morte ce matin à sa résidence de la rue Pontiac.
C’est ainsi que l’animateur Pierre Craig de l’émission Le midi annonce, le 1er octobre 1998, le décès de Pauline Julien, une des icônes de la chanson québécoise. La journaliste Francine Bastien résume en quelques minutes sa carrière qui s’est étendue sur plus de trois décennies.

Annonce par l'animateur Pierre Craig du décès de Pauline Julien et reportage de la journaliste Francine Bastien sur sa carrière
De Trois-Rivières aux scènes à l'étranger
Pauline Julien est née à Trois-Rivières le 23 mai 1928. Émile, son père, était un cousin germain de Maurice Duplessis. Ce premier ministre du Québec l’a beaucoup encouragé au début de sa carrière.
Il a en effet accordé à Pauline Julien une bourse d’études qui lui a permis de séjourner à Paris de 1951 à 1957.
La journaliste Judith Jasmin l'a rencontrée à la fin de son séjour dans la capitale française.

Reportage de la journaliste Judith Jasmin avec la chanteuse Pauline Julien à Paris
Dans le reportage de Judith Jasmin présenté à l’émission Carrefour le 27 septembre 1957, on voit une toute jeune Pauline Julien. Elle y parle des auteurs qu’elle interprète dans les boîtes de la rive gauche et de Saint-Germain-des-Prés.
L’année 1964 constitue un tournant pour la chanteuse. Elle représente la Société Radio-Canada au Festival international de la chanson de Sopot, en Pologne.
Elle y gagne le deuxième prix d'interprétation avec la chanson Jack Monoloy écrite par Gilles Vigneault.
Après ce festival, Pauline Julien fait une tournée fort remarquée en Pologne. S’ouvre alors pour la chanteuse une carrière sur la scène internationale.
Elle se produit sur les scènes les plus prestigieuses du Canada, de la France et de l’Europe. En 1975, elle représente le Québec au premier festival de la chanson populaire tenu à Cuba. On la voit aussi en URSS, où elle effectue des tournées.
À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le répertoire de Pauline Julien se concentre sur les textes d'auteurs et de compositeurs québécois. C’est un choix professionnel influencé par ses convictions politiques.
En complément :
La pasionaria de l'indépendance québécoise
En effet, si Pauline Julien est artiste, elle est également très engagée dans la lutte pour l’indépendance du Québec.
En 1964, elle refuse de chanter devant la reine Élisabeth II, alors en visite officielle au Canada.
Le 17 février 1969, à Niamey, au Niger, Pauline Julien provoque un scandale.
Ce sont les propos de Gérard [Pelletier] qui parlait du français et qui ne mentionnait jamais le Québec, qu’il disait toujours comment le Canada, c’était extraordinaire. […] Je ne vais pas laisser passer ça. C’est une honte.
Elle interrompt avec un sonore « Vive le Québec libre! » le discours du secrétaire d’État canadien Gérard Pelletier lors d’une conférence ministérielle sur la Francophonie.
Ce qui fait monter la moutarde au nez de Pauline Julien, c'est que Gérard Pelletier omet de mentionner la contribution du Québec dans la francophonie canadienne.
L’intervention de la chanteuse fait le tour du monde.
Cet engagement politique se manifeste jusque dans sa vie privée. Elle a été pendant plus de 30 ans la compagne du poète indépendantiste Gérald Godin, qui a aussi été ministre du Parti québécois dans les années 1980.
Le 26 novembre 1988, l’animateur de l’émission Impact, Robert Guy Scully, reçoit le couple. Pauline Julien et Gérald Godin se confient.

L'animateur Robert Guy Scully s'entretient avec Pauline Julien et Gérald Godin.
Ils discutent de leur engagement politique et des mutations de la société québécoise.
Ils partagent aussi des moments plus intimes de leur vie. Ils révèlent notamment comment ils ont respectivement vécu l'épreuve de Gérald Godin quand on lui a découvert une tumeur au cerveau.
Gérald Godin est décédé en 1994. Ce fut alors au tour de Pauline Julien d'être frappée par la maladie. Férocement indépendante, elle l’est restée jusque dans ce dernier geste qui a mis fin à ses jours.
On garde la mémoire de sa voix chaleureuse et de ses émotions à fleur de peau. On conserve aussi ses chansons qui font partie du répertoire classique québécois.
Pensons à Mommy ou à Ce soir, j’ai l’âme à la tendresse, qui constituent deux facettes indissociables de la militante et de la femme qu’était Pauline Julien.