L’immigration sera le sujet décisif de l’élection, juge Couillard

Pour Philippe Couillard, parler d'une augmentation des seuils d'immigration est un « mauvais débat ». Il veut mettre l'accent sur les partis qui préconisent une baisse.
Photo : Radio-Canada / Frederic Deschenes
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour le chef du Parti libéral (PLQ), la différence d'approche entre son parti, qui veut maintenir les seuils d'immigration, et ses principaux adversaires, qui veulent les diminuer, est devenue l'enjeu principal du scrutin du 1er octobre. Mais pour le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), c'est plutôt le bilan des libéraux dans tous les domaines qui sera la « question de l'urne ».
Un texte de Romain Schué (Nouvelle fenêtre) et Yannick Donahue
« On est en train d’éviter la principale question », a jugé le chef libéral, assailli lundi de questions par les journalistes, afin de connaître les cibles réelles d’un éventuel nouveau gouvernement libéral.
Chaque parti a déjà dévoilé ses intentions. Alors que le Québec a accueilli l’an passé près de 52 000 nouveaux arrivants, la CAQ propose de limiter l’accès à la province à 40 000 immigrants.
Le Parti québécois (PQ), de son côté, entend suivre des recommandations de la vérificatrice générale, mais Jean-François Lisée a déjà évoqué les chiffres de 35 000 à 40 000 personnes. Quant à Québec solidaire (QS), il n’entend pas toucher aux seuils actuels.
Contactée par Radio-Canada, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) est claire. Alors que 103 000 postes vacants ont été répertoriés au début de 2018 dans le secteur privé, le Québec devrait désormais accueillir 60 000 immigrants par an pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, indique le milieu des affaires.
Cette cible avait d’ailleurs été mise en avant par le gouvernement Couillard en 2016, mais aucun engagement n’avait été pris en ce sens.
La « survie économique » du Québec en jeu
Une nouvelle fois, le chef libéral s’est contenté d’affirmer qu’un « débat démocratique » se fera « chaque année » à l’Assemblée nationale pour tôt ou tard revoir ces seuils d’immigration.
Soutient-il une hausse à 60 000 nouveaux arrivants? « Je n’ai pas dit ça. La réponse est non. Ce qu’on va faire d’abord, c’est maintenir le niveau actuel », a-t-il répondu, tout en admettant qu’« éventuellement, bien sûr », une augmentation « planifiée » pourrait se faire ultérieurement.
« La question de 2018 », la « ballot question », a-t-il précisé, « c’est : est-ce qu’on accepte la proposition de certains partis de diminuer l’immigration? Je réponds : non, c’est une erreur grave ».
La question de l’élection, ce n’est pas d’augmenter. C’est de porter un jugement sur ceux qui veulent diminuer. Ma proposition, c’est de ne pas diminuer.
Jugeant qu’une diminution des seuils « va limiter le développement économique à long terme » et « va mettre un cercle noir autour du Québec » en montrant « un endroit où l’on n’est pas accueillant et où l’on ferme les portes », le chef libéral a multiplié les qualificatifs pour dénoncer les propositions de ses adversaires.
La « survie économique » du Québec mais aussi « la survie » des entreprises sont en jeu, a-t-il clamé.
Des mesures pour aider les régions
Philippe Couillard a promis d’investir 135 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour aider les régions à accueillir ces nouveaux arrivants, afin de répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Le PLQ compte accorder 50 millions sur cette période aux municipalités pour qu’elles dressent un portrait des besoins. Le parti compte ensuite accorder 25 millions par an pour bonifier les services de francisation dans les entreprises et aider les organismes communautaires chargés de faciliter l’arrivée de ces personnes.
« Ensemble »
Indiquant vouloir attirer davantage les nouveaux arrivants dans les régions, Philippe Couillard a reconnu que des « craintes existent » au Québec, avant d’appeler les chefs politiques à revoir leur discours.
« Je comprends et je trouve légitime les craintes qu’ont certaines personnes entourant l’arrivée de travailleurs venus d’ailleurs. Ce n’est pas parce qu’un discours fait mouche qu’il faut s’en servir. Mon devoir, c’est d’atténuer ces craintes », a-t-il confié, avant de faire référence au slogan de sa campagne électorale victorieuse en 2014.
« Il faut faire le Québec ensemble, a-t-il répété. Ou bien on agit pour répondre à ces craintes et ces préoccupations légitimes, ou on agit, à l’opposé, pour en faire des vecteurs de discours politiques. Je préfère être dans la première catégorie. »
Le bilan des libéraux est la vraie question, dit Legault
Le chef de la CAQ, François Legault, croit que la question centrale de ces élections est plutôt une évaluation du bilan du gouvernement libéral.
« M. Couillard essaie d'inventer une question de l'urne en disant que la question de l’urne sera seulement à propos de l’immigration. Je m’excuse, M. Couillard, mais la question de l’urne, le 1er octobre prochain, ça va être autour de l’immigration, de l’économie, de l’éducation, de la santé. Et ce sera surtout : "Est-ce que les Québécois veulent faire un autre quatre ans avec les libéraux?" », a-t-il rétorqué.
François Legault accuse Philippe Couillard de vouloir résumer le débat sur l’économie à seulement une question sur l’immigration.
Il a souligné de nouveau que 58 % des immigrants reçus au Québec l’année dernière ne parlaient pas le français. Il a répété que 26 % des immigrants accueillis quittent le Québec après leur arrivée, ce qui correspond à 13 000 immigrants sur 50 000, une statistique qu'il ramène souvent dans ses discours.
Je pense que c’est assez clair qu’on a excédé notre capacité d'intégration.
M. Legault insiste sur l’importance de bien intégrer les immigrants. « On va mieux sélectionner. On va mieux intégrer, étant donné qu’on va garder les mêmes budgets, mais avec 40 000 immigrants. Chaque personne va recevoir un service individuel d’Emploi-Québec. Chaque personne va avoir un programme de francisation », a-t-il expliqué.
Lutter contre la pénurie de main-d’œuvre
M. Legault a reconnu qu’il existe effectivement une pénurie de main-d’œuvre au Québec.
Or, selon lui, il existe divers moyens pour y faire face : lutter contre le décrochage scolaire, accroître le nombre de personnes en formation professionnelle et technique, créer des emplois bien rémunérés, investir dans la modernisation des entreprises et déployer des immigrants qualifiés dans toutes les régions du Québec.
Il estime aussi qu’il faut développer davantage l’intelligence artificielle et les technologies de l’information.
« On va mettre des programmes pour aider à l’achat d’équipement, à moderniser les équipements, à robotiser les entreprises manufacturières, à augmenter avec l’intelligence artificielle la productivité. C’est ça dont on a besoin. C’est ça le vrai défi au Québec », a-t-il détaillé.
Le leader de la CAQ croit que M. Couillard est en pleine contradiction, puisqu’il mise sur l’immigration pour régler la pénurie de main-d’œuvre sans chiffrer ses cibles. « Il n’est pas capable de nous dire combien il en veut d’immigrants par année. C’est quand même spécial. Combien? 60 000? 70 000? Combien il en veut? Il ne veut pas le dire », a-t-il opiné.