La CAQ dépose un cadre financier « conservateur » à ses yeux, « brouillon » pour d'autres

François Legault a présenté son cadre financier samedi matin.
Photo : Radio-Canada / Mathieu Potvin
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Coalition avenir Québec (CAQ) a déposé samedi son cadre financier qui se veut « équilibré » et « conservateur ». À peine dévoilé, il a été critiqué et jugé irréaliste par ses opposants.
Un texte de Julie Marceau et Yannick Donahue
Le chef de la CAQ François Legault a rendu public ce document financier en conférence de presse au Château Bonne Entente, à Québec, en compagnie des candidats Danielle McCann, Christian Dubé et Éric Girard. Il le qualifie de « conservateur », « responsable » et « prudent ».
Intitulé Faire plus, faire mieux, ce cadre prévoit « remettre près de 1,7 milliard de dollars par année dans le portefeuille des familles », en réduisant principalement les taxes scolaires et en accordant des allocations familiales.
Pour ce faire, le cadre financier caquiste prévoit de redonner aux familles quelque 700 millions de dollars en taxes scolaires, 763 millions de dollars en allocations familiales, 249 millions de dollars pour la prématernelle 4 ans, 245 millions de dollars pour les « Maisons des aînés » ainsi que 200 millions de dollars pour le service de maintien à domicile.
En outre, la CAQ prévoit une croissance de 4,1 % pour le budget de la santé (soit ce qui est prévu actuellement) et de 3,5 % pour celui du réseau de l’éducation.
La formation politique s'engage aussi à rembourser 10 milliards de dollars d'ici le 31 mars 2019 pour réduire la dette « laissée aux prochaines générations ». Elle le fera en puisant cette somme dans le Fonds des générations. Un gouvernement caquiste continuera cependant à financer le Fonds des générations par la suite.
La CAQ tient toutefois à présenter des budgets équilibrés. L’équilibre budgétaire « est essentiel », affirme M. Legault.
L'entente avec les médecins
Pour financer les services à la population, la CAQ mise sur la croissance économique pour accroître les revenus de l’État, mais aussi sur des économies réalisées en raison de mesures d’efficience.
Une des mesures phares de François Legault, la récupération de 1 milliard de dollars provenant de l’entente avec les médecins spécialistes du Québec qu’il souhaite déchirer, ne figure pas dans son cadre financier. Il indique que le parti a préféré adopter la prudence pour l’instant tout en promettant de s’« attaquer au dossier ».
M. Couillard, cela fait des mois qu’il me dit que [mon] cadre financier ne sera pas bon, parce que [je ne suis] pas sûr… Regardez, M. Couillard ne peut plus chialer, on n’a pas prévu de montant.
Tandis que le rapport préélectoral prévoit une croissance économique de 1,3 % en 2021 et 2022, un gouvernement caquiste prévoit que le Québec peut espérer une croissance économique s’élevant à 2 %.
« Durant les deux dernières années du mandat, [...] on va augmenter la croissance économique de 0,5 % grâce à l’équipe économique [de la CAQ] pour aller chercher 700 millions de dollars de plus de revenus », a affirmé François Legault.
Réaliser des économies
La CAQ prévoit épargner 381 millions de dollars par l’abolition de 5000 postes par attrition au sein de la fonction publique. M. Legault dit viser uniquement des postes dans les services administratifs.
Un resserrement des processus d'approvisionnement, en procédant notamment au fractionnement des appels d’offres, entraînera des gains de 10 % sur des dépenses d’environ 6 milliards de dollars, soit 590 millions de dollars.
De plus, le parti s’attend à une hausse de 7 % des dividendes des sociétés d’État comme Hydro-Québec ou Loto-Québec, ce qui générera 350 millions de dollars.
La révision des nouveaux programmes mis en place par le PLQ dégagera 300 millions de dollars supplémentaires et 210 millions proviendront de la remise en ordre du « fouillis informatique » de l’État.
« Si on additionne ces mesures, on voit qu’on va chercher des économies ou des revenus additionnels de 2,6 milliards de dollars qui viennent financer complètement nos mesures [pour les citoyens] de 2,6 milliards », a résumé M. Legault.
Le chef caquiste assure aussi que l'utilisation de la réserve de stabilisation permettrait de pallier des moments difficiles, même si, selon lui, cette situation ne devrait pas se produire.
Si jamais il y avait une récession, il y a une réserve de 8,4 milliards de la réserve de stabilisation.
Couillard et Leitao peu impressionnés
Le chef du Parti libéral n’a pas tardé à réagir au cadre financier de la CAQ en affirmant que « c’est du travail brouillon ».
Il y a deux catégories dans un budget : les revenus et les dépenses. Dans les deux cas, il y a des choses qui ont disparu, qui ont été sous-évaluées de façon massive. Il y a très peu de détails sur les infrastructures ou quasiment pas. Ça ne marche pas, mais je ne suis pas surpris.
Il a ajouté : « Je pense qu’on peut donner une chance à M. Legault et à son équipe de se reprendre d’ici le débat, de refaire le travail et de nous présenter un véritable cadre financier et de permettre aux gens de comparer parce que […] le travail qui a été fait ne permettra pas aux citoyens de juger. »
Après la sortie de M. Couillard, le candidat libéral Carlos Leitao a commenté le cadre financier de la CAQ plus en détail, affirmant que le document « n’est pas un cadre financier ».
En première analyse, c’est plutôt la qualité du travail et son manque de sérieux qui sont en question et donc la crédibilité même du document.
Il note deux failles importantes. D’abord, du côté des engagements, il affirme que plusieurs ne figurent pas dans le cadre financier. Il cite en exemple la francisation des immigrants, les repas en CHSLD et la hausse de salaire des enseignants. Dans la même veine, il estime que d’autres engagements sont sous-estimés, comme celui de la maternelle 4 ans.
La deuxième faille, selon M. Leitao, concerne le financement des engagements. Il souligne que la CAQ entend « couper 4 milliards dans les dépenses de l’État » pour financer ses engagements. « Ce n’est pas réaliste, de réduire le budget d’opération de l’État de 4 milliards de dollars », a-t-il déclaré.
M. Leitao s’est défendu de cacher des informations au sujet des coûts de système. « Nous n’avons pas plus d’information que la CAQ. Tout ce dont on a besoin est présent dans le rapport préélectoral », a-t-il argué.
C'est de la pensée magique, dit le PQ
De son côté, le chef du Parti québécois ne croit pas que M. Legault sera en mesure de récupérer de l’argent découlant de l’entente avec les médecins spécialistes.
« Ça ne me surprend pas qu’il n’aille pas chercher d’argent chez les médecins, parce que d’abord, il va attendre deux ans, il va attendre l’étude comparative. Ensuite, Doug Ford (le premier ministre de l'Ontario), lui, il va augmenter le salaire des médecins ontariens alors comme M. Legault veut être calé sur les médecins ontariens, ça se peut qu’il y ait zéro dollar d’économisé. Il est totalement inconstant là-dessus », a affirmé Jean-François Lisée.
Il renchérit : « Il y a la ligne 6/49 à la CAQ. Ils vont gagner à la loterie en trouvant beaucoup d’argent dans le gaspillage. Et il y a la ligne effet caquiste. C’est exactement ce que nous disait M. Couillard : "dès que je vais être au pouvoir, la croissance va augmenter". Eh bien, ça n’a pas augmenté les deux premières années et c’est de la pensée magique. »
Le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, s’est pour sa part dit sous le choc de constater que « pas une seule ligne dans ce cadre financier ne porte sur l’environnement ».
Voir qu’un parti qui aspire à gouverner est incapable de mettre un seul dollar en environnement, cela me dépasse.
Il ajoute : « Pour moi, c’est un test de crédibilité que la CAQ vient d’échouer ».
Gabriel Nadeau-Dubois doute que la CAQ puisse respecter l’équilibre budgétaire et estime que les moyens pour réaliser des économies demeurent imprécis et flous.
« On sent que la CAQ compte sur des effets un peu magiques pour faire équilibrer son cadre financier », a-t-il déclaré.
Québec solidaire a déposé une partie de son cadre financier au début de la campagne.
En prévision du débat
Par ailleurs, M. Legault avait préalablement annoncé qu’il dévoilerait son cadre financier après celui des libéraux, en raison d’un manque d’information, selon lui, sur les coûts prévisionnels des 3e et 4e années du prochain mandat gouvernemental.
Le chef caquiste a reproché vendredi au parti de Philippe Couillard sa « lenteur » à le faire, tandis que le débat des chefs est prévu dans quelques jours.
Il a appelé vendredi tous les partis à déposer leur cadre financier avant ce débat.
« Les libéraux semblent lents et je ne sais pas s'ils essaient de me coincer, mais on sait qu'il y aura un débat la semaine prochaine et je pense que c'est important que tous les partis aient déposé leur cadre financier », a-t-il dit.
Samedi, M. Lisée a pour sa part estimé que le gouvernement possède des informations sur les infrastructures qui sont « plus fines » et il préfère donc attendre le dépôt du cadre financier libéral avant de fournir le sien.
Il appelle aussi le premier ministre à dévoiler ces données d’ici les prochains jours. Philippe Couillard n'a pas indiqué le moment où il prévoit déposer son cadre financier.