Raconter des histoires au cinéma après Black Lives Matter

Les acteurs Russell Hornsby, Regina Hall, Amandla Stenber et Common Sense dans le film The Hate U Give
Photo : ERIKA DOSS
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des Afro-Américains abattus par des policiers à la suite de contrôles à priori anodins... Ce sont des histoires que l'on voit régulièrement aux nouvelles. Cette année au TIFF, trois films donnent une voix aux communautés vulnérables et s'en prennent aux violences policières et au racisme systémique.
Un texte de Claudia Hébert avec la collaboration de Vincent Wallon
C’est l’histoire de Philando Castile, de Freddy Grey, d’Alton Sterling et des manifestations à Baton Rouge en 2016.
C’est l’histoire de Trayvon Martin, de Michael Brown…
C’est l’ensemble de ces morts inutiles qui ont mené à la formation du mouvement Black Lives Matter.
Trois réalisateurs ont décidé de raconter des histoires de la communauté afro-américaine et de donner un visage à ces victimes de violence aux prises avec des situations injustes.
Un jeune père de famille, un policier et un jeune athlète
Dans son premier film Monsters and Men, l’Américain Reinaldo Marcus Green raconte l’histoire de trois destins qui se croisent à New York autour de la mort d’un homme résistant à son arrestation.

Photo extraite du film Monsters and Men de Reinaldo Marcus Green
Photo : Avec l'aimable autorisation du TIFF
Tout d’abord, le jeune père de famille qui a filmé l’altercation et peut ainsi obtenir justice pour son voisin abattu sans raison. Mais cela ne se fera pas sans sacrifices, car les policiers sont déterminés à étouffer l’affaire.
Puis, le policier du quartier, lui-même afro-américain et régulièrement arrêté pour des contrôles routiers non justifiés. Témoin du racisme de ses collègues, comment peut-il servir sa communauté tout en conservant sa position professionnelle?
Et finalement, le jeune athlète, témoin des manifestations à la suite des évènements, décide de se tourner vers le militantisme.
D’une histoire à l’autre, la question reste la même : faut-il protéger sa famille dans l’immédiat ou prendre une décision plus risquée, mais qui pourrait avoir un impact pour le bien de l’ensemble de la communauté dans le long terme?
Le choix n’est pas facile, la voie vers du militantisme a un prix… Ne vaut-il pas mieux lever le poing en solidarité que courber la tête lors de chaque acte policier de profilage racial?
Faut-il compromettre sa propre liberté maintenant pour assurer celle de ses enfants plus tard?
Lors des rencontres avec les forces de l’ordre, le film parvient bien à nous faire ressentir l’anxiété et la honte des protagonistes. Il soulève également d'autres questions importantes sans nous faire la morale.
C’est un film profondément humain. Il nous amène au-delà de la nouvelle et cherche à donner un visage et un nom à tous ces morts, ainsi qu’aux victimes collatérales.
Le rappeur torontois Drake est producteur exécutif de Monsters and Men, lauréat d’un prix spécial du jury au festival de Sundance en 2018.
Une jeune étudiante noire dans une école de blancs
The Hate U Give de George Tillman Jr. est une adaptation du roman pour jeunes adultes à succès de l'Américaine Angie Thomas.

Photo extraite du film The Hate U Give, Megan Lawless (à gauche) et Amandla Stenberg (à droite)
Photo : ERIKA DOSS
Le film s'intéresse à la violence policière à travers l’histoire de Starr, 16 ans, qui vit dans un quartier ouvrier afro-américain.
Toutefois, elle fait ses études dans une bonne école, entourées d’élèves blancs et venant de familles plus aisées.
Starr vit entre deux mondes, deux réalités, et fait le caméléon entre ses deux milieux.
Mais un soir, tout bascule quand un vieil ami d’enfance est abattu sous ses yeux, en réponse à un geste anodin, mal interprété par le policier. Starr doit opposer son témoignage à celui de la police.
Elle se questionne alors sur le système social qui l’entoure et cherche à concilier ses deux identités. Elle se tourne vers le militantisme, vers la communauté, et prend la parole.
The Hate U Give s’adresse à un public plus jeune. Il cherche à conscientiser et à donner une voix aux adolescents aux prises avec ces questionnements.
Des films réalistes
Les films Monsters and Men et The Hate U Give apportent un témoignage réaliste des tensions et du climat anxiogène qui règnent dans les rues.
Toutes proportions gardées, on ne peut éviter de faire le parallèle avec la Ville de Toronto qui connaît présentement une vague de violence par armes à feu.
Alors que la réponse offerte par les élus torontois est d'augmenter les effectifs de la police, ces deux films proposent une solution possible : l'entraide et la solidarité sociale devant l’injustice et la violence.
Deux jeunes amoureux
Lauréat d'un Oscar du meilleur film en 2017 avec Moonlight, Barry Jenkins présente dans son nouveau film l’une des grandes figures du mouvement des droits civiques aux États-Unis.

Les deux acteurs principaux du film If Beale Street Could Talk : KiKi Layne (à droite) et Stephan James (à droite)
Photo : Avec l'aimable autorisation du TIFF
If Beale Street Could Talk est une adaptation d'un roman de James Baldwin, écrivain au centre du film documentaire I Am Not Your Negro de Raoul Peck (2017).
L'histoire se passe à Harlem dans les années 70. Fonny et Tish sont jeunes et amoureux.
Mais Fonny est faussement accusé de viol par un policier raciste et se retrouve en prison. Sa compagne Tish, 19 ans et enceinte, apprendra vite à grandir.
Comment combattre un mensonge, mais surtout comment combattre un système qui ne donne pas de voix à un jeune Afro-Américain? Comment tolérer une justice qui emprisonne la jeunesse avec aussi peu de discernement?
Drame social, If Beale Street Could Talk est aussi une grande histoire d’amour et de solidarité familiale. Ce film présente les défis de vivre aux États-Unis quand on est Noir et sans ressources.
Quand on regarde les rapports entre la communauté afro-américaine et les forces de l’ordre il y a 40 ans, on constate que les choses sont loin d’être réglées.