Trans Mountain : Bill Morneau blâme le processus d'évaluation « vicié » du gouvernement Harper

Le ministre des Finances, Bill Morneau, blâme le processus d'évaluation environnementale du gouvernement Harper pour le jugement défavorable rendu par la Cour d'appel fédérale.
Photo : La Presse canadienne / Chris Young
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le ministre canadien des Finances, Bill Morneau, impute au gouvernement conservateur de Stephen Harper la défaite encaissée jeudi par Ottawa dans l'affaire du prolongement de l'oléoduc Trans Mountain, à la suite d'une décision de la Cour d'appel fédérale.
Dans le cadre d'une conférence de presse donnée en début d'après-midi, jeudi, le ministre Morneau a indiqué qu'Ottawa aurait besoin d'un peu de temps pour analyser les 275 pages de la décision de la Cour d'appel fédérale, mais que le gouvernement avait toujours besoin de « diversifier les marchés pour exporter ses ressources naturelles », afin d'assurer son développement économique.
Ce renvoi du gouvernement fédéral à la table à dessin survient par ailleurs le même jour où les actionnaires de Kinder Morgan, actuel propriétaire du projet d'oléoduc, votaient à 99 % en faveur de la vente du projet pétrolier et de ses biens connexes.
M. Morneau a d'ailleurs fait savoir qu'Ottawa s'attendait à ce que ce processus soit accompli dès vendredi.
« Le projet Trans Mountain représente des milliers d'emplois bien payés pour les Canadiens de la classe moyenne » et permettra « d'obtenir le juste prix pour nos ressources naturelles », en plus de « diversifier les marchés d'exportation » de l'or noir albertain, a assuré le ministre.
La faute, a encore dit M. Morneau, incombe au processus d'évaluation environnementale remontant aux années Harper, un processus « dysfonctionnel », a-t-il soutenu.
« Nous tentons d'améliorer [ce système]; la Cour nous a donné de bons conseils pour les prochaines étapes du projet, et nous tentons de l'améliorer », y compris en ce qui concerne les consultations effectuées auprès des communautés des Premières Nations.
Dans son jugement, la Cour soutient que l'évaluation du projet par l'Office national de l'énergie (ONE) était tellement imparfaite que le cabinet de Justin Trudeau n'aurait pas dû s'y fier lorsqu'il a donné son approbation finale en novembre 2016.
Le tribunal mentionne par ailleurs que les Premières Nations n'ont pas été suffisamment consultées dans le cadre du développement du projet.
Questionné à ces sujets, le ministre Morneau a réitéré qu'Ottawa souhaitait « aller de l'avant » avec le projet, et que le processus d'évaluation environnementale faisait l'objet « d'améliorations ».
Il n'a toutefois pas offert de précisions sur ces améliorations ni sur les méthodes qui seraient employées pour s'assurer d'obtenir l'approbation des tribunaux, y compris en matière de consultation des Premières Nations.
Pour le ministre Morneau, il ne fait néanmoins aucun doute qu'Ottawa trouvera preneur pour son projet, « lorsque le gouvernement aura éliminé les risques politiques ». M. Morneau parlait ici des vives tensions entre les gouvernements de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, après que le gouvernement de Victoria eut entamé des recours judiciaires contre Edmonton pour bloquer l'oléoduc, en invoquant la protection environnementale.
L'affaire a failli dégénérer en guerre commerciale interprovinciale, l'Alberta menaçant ainsi de boycotter le vin britanno-colombien, voire de cesser d'alimenter la province voisine en pétrole.

Le projet permettra l'acheminement de 890 000 barils de bitume vers la côte de la Colombie-Britannique, soit trois fois plus qu’à l’heure actuelle.
Photo : Reuters / Dennis Owen
« Échec total », clament les conservateurs
Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, n'a pas raté l'occasion de critiquer le gouvernement Trudeau pour ses déboires dans le dossier Trans Mountain.
Réagissant d'abord sur Twitter, M. Scheer a martelé que « Justin Trudeau a fait un énorme gâchis. Les Canadiens paient littéralement pour son immense échec à défendre l’énergie la plus propre, la plus éthique et la plus écologique au monde. Cela doit changer ».
À noter que les sables bitumineux albertains représentent un peu moins de 10 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada.
Lors d'un point de presse donné quelques minutes après l'allocution du ministre Morneau, le chef conservateur a parlé de la décision de la Cour d'appel comme d'une « nouvelle dévastatrice pour les travailleurs du domaine de l'énergie ».
Les Canadiens sont très frustrés; le gouvernement Trudeau n'a aucun plan pour construire Trans Mountain.
M. Scheer en a rajouté, estimant que le gouvernement libéral « n'avait même pas pu suivre ses normes auto-imposées », et que le « travail de base » n'avait pas été accompli dans ce dossier.
C'est un « exemple d'échec total du gouvernement Trudeau » en matière d'énergie, a-t-il réitéré.
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Négligence libérale
Pour le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, la décision de la Cour d'appel fédérale « est une bonne nouvelle pour notre pays et notre avenir ».
Ce jugement « confirme ce qu'ont dit les communautés autochtones et les Canadiens et Canadiennes tout au long de ce processus », a ajouté M. Singh.
C'est un échec du gouvernement libéral quant au devoir de respecter les droits des peuples autochtones et une réconciliation véritable.
Ottawa n'a pas évalué l'impact de ce développement sur le littoral fragile et sur les emplois touristiques et l'industrie marine qui dépendent d'un environnement sain, a-t-il avancé.

Des activistes de l'organisation Greenpeace ont déployé une banderole le 19 juillet 2018 le long du mât du stade olympique à Montréal, après l'avoir escaladé.
Photo : Radio-Canada / Alexandre Letendre
Appel à l'abandon
Aux yeux de Greenpeace Canada, la décision de la Cour d'appel est l'occasion idéale, pour Ottawa, de se retirer du projet. « Il est temps que le premier ministre Trudeau se rende à l’évidence et prenne les milliards de dollars publics prévus pour ce projet et les investisse pour accélérer la transition vers une économie basée sur les énergies renouvelables », a ainsi déclaré Patrick Bonin, porte-parole de l'organisme environnemental.
Avec les feux de forêt, les inondations et la fumée étouffante de cet été, le premier ministre ne peut plus ignorer les coûts de l’inaction en matière de climat et doit saisir l’opportunité créée par la décision d’aujourd’hui pour se placer du bon côté de l’histoire.
M. Bonin estime par ailleurs que la décision d'Ottawa d'acheter le projet d'oléoduc, pour un montant de 4,5 milliards de dollars, allait à l'encontre des engagements canadiens dans le dossier de l'Accord de Paris, qui vise à restreindre le réchauffement climatique mondial.