Des murales pour tromper l'errance en CHSLD

Mais où est l'ascenseur? Un camouflage dans l'unité 4-sud du CHSLD François-Joseph Perrault
Photo : Radio-Canada / Myriam Fimbry
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un nombre croissant de centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) utilisent des murales en trompe-l'oeil dans leurs locaux pour camoufler les ascenseurs et les portes de sortie, en guise de réponse au phénomène de l'errance chez les résidents.
Un texte de Myriam Fimbry
À Montréal, Gatineau, Magog ou Coaticook, cette technique permet notamment de contrer les tentatives de fugue et de réduire l'anxiété des personnes atteintes de troubles neurocognitifs.
Au quatrième étage, aile sud, du CHSLD Joseph-François Perrault, à Montréal, il n'y a plus d'ascenseur, mais un buffet d'autrefois, avec un petit cheval de bois. Juste à côté, c'est le magasin général avec, sur les tablettes, des pots de bonbons vendus à l'unité, des bouteilles de lait en verre, un sac de farine, une balance à poids et une affiche publicitaire pour de la mélasse.
« On essaie d'utiliser des peintures qui favorisent la réminiscence de souvenirs anciens », commente Nathalie Boudart, chef d'unité du 4-sud. « On sait qu'avec la démence, la mémoire ancienne reste beaucoup plus longtemps que la mémoire récente. C'est quelque chose qui a une signification pour eux, le magasin général. »

Le magasin général, mirage d'autrefois dans un couloir du CHSLD Joseph-François-Perrault, à Montréal
Photo : Radio-Canada / Myriam Fimbry
L'unité regroupe 32 résidents atteints de tous types de démence, qui font de l'errance. Ils marchent toute la journée de long en large dans les couloirs, sans but précis ou, au contraire, avec une idée fixe en tête. « Souvent les gens veulent retourner chez eux, ne savent pas où ils sont. Ils disent qu'ils s'en vont chez leur fille ou que leur mari les attend... », décrit Mme Boudart.
Au bout du corridor, un bouquet de fleurs est posé sur un guéridon blanc. À moins que ce ne soit une porte de sortie, celle qui mène à l'aile nord? L'illusion est parfaite, quand la vue baisse. « C'est sûr que nous, on voit la porte et on sait très bien que c'est un camouflage, mais pour le résident qui présente des troubles neurocognitifs, il se dit qu'il n'y a pas d'issue ici, et continue son chemin », explique la chef d'unité.

Voie sans issue pour les résidents qui font de l'errance: une sortie camouflée par un trompe-l'oeil au CHSLD Joseph-François Perrault.
Photo : Radio-Canada / Myriam Fimbry
Tout l'édifice est muni d'un système antifugues. Les résidents ont des bracelets et les portes sont munies de codes ou de détecteurs magnétiques. Impossible de s'échapper, en principe, sauf en emboîtant le pas à un visiteur. Alors, pourquoi empêcher les résidents d'essayer d'ouvrir la porte si, de toute façon, la porte est fermée?
Écoutez la réponse de la chef d'unité Nathalie Boudart :
Essayer d'ouvrir une porte, ça peut générer beaucoup d'anxiété.
« Imaginez que vous voulez sortir de votre maison, mais que vous n'êtes pas capable de sortir, vous allez vous sentir prisonnier et ça va générer une anxiété. Donc, de simplement passer devant la porte, sans tenter de l'ouvrir parce qu'il y a un trompe-l'oeil, évite de générer cette anxiété-là. »

Ce trompe-l'oeil ne tromperait pas tout le monde, mais il peut leurrer une personne atteinte de troubles neuro-cognitifs dont la vue baisse...
Photo : Radio-Canada / Myriam Fimbry
En somme, les murales agissent comme des antidotes préventifs à la frustration. Comme les résidents atteints de démence peuvent être perturbés facilement, on essaye le plus possible, en agissant sur leur environnement, de favoriser le calme et l'apaisement.
Et ce, sans médicaments. « On développe de plus en plus une approche non pharmacologique, ce qui veut dire d'essayer toutes les stratégies autres que la médication », poursuit Nathalie Boudart. « En fait, la médication n'est utilisée qu'en dernier recours, quand le résident met en péril sa propre sécurité ou la sécurité d'un autre résident. »
Ce stratagème diminue aussi le nombre de fois où le personnel doit intervenir pour rediriger la clientèle. Il doit veiller toutefois à ce que les résidents ne s'épuisent pas, dans leurs allées et venues.
Une forme d'errance est invasive ou intrusive, lorsque des résidents pénètrent dans les chambres d'autres résidents par exemple. Madame X peut se coucher dans le lit de Madame Y ou se retrouver avec la chaussure de Madame Z à son pied gauche.
« Sur une unité plus régulière, ça peut poser problème », dit Nathalie Boudart. Mais ici, c'est habituel et on n'en fait pas grand cas. « On utilise plutôt des stratégies de diversion, des objets pour attirer l'attention vers autre chose. Des fois, la crème glacée fait bien des miracles! »