Des voix réclament la fin de l'emprisonnement pour amendes impayées

Emprisonner des personnes pour des amendes impayées est une pratique courante à Québec. Ce sont généralement des itinérants qui ont accumulé des infractions mineures au fils des années.
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Des organismes de défense des droits de la personne condamnent sévèrement le recours à l'emprisonnement pour des amendes impayées au Québec. Un recours en Cour supérieure du Québec vise d'ailleurs à y mettre un terme.
Un texte de Claude Brunet
Emprisonner des personnes pour des amendes impayées est une pratique courante à Québec. Ce sont généralement des itinérants qui ont accumulé des infractions mineures au fils des années.
Les organismes de défense des droits de la personne s’y opposent, soulignant que les personnes démunies ne représentent aucun risque pour la société.
Un exemple éloquent
Élie Dédès est propriétaire d’un restaurant sur la place Royale dans le Vieux-Québec. Il y a deux semaines, un de ses employés est mis en prison pour des amendes impayées; 3000 $ d’amendes pour vagabondage et ivresse sur la voie publique, des événements survenus il y a sept ans.
L’homme en question a eu des années d’itinérance éprouvantes. Au moment d’obtenir un emploi comme plongeur au restaurant de M. Dédès, il couchait au refuge Lauberivière, à Québec. Ses premières payes lui ont permis de louer un appartement.
Pour le sortir de prison, le restaurateur a payé les amendes accumulées que son employé lui rembourse un peu à chaque paye.
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À ÉCOUTER : Le reportage de Claude Brunet
Le cas de Valérie Brière
Quelques semaines plus tôt, M. Dédès avait été touché par l’histoire de Valérie Brière; mise en prison également pour amendes impayées.
Le 28 mai, un juge de la cour municipale de Québec condamne Mme Brière à 101 jours de prison pour des contraventions impayées de 2100 $.
On lui reproche d’avoir mendié, flâné, uriné dans un endroit public, des gestes commis il y a plus de 10 ans.
Depuis ces événements, elle a eu deux enfants, s’est trouvé un logement et a tenté un retour aux études. Son monde s’écroule avec l’emprisonnement.
Son avocate Florence Boucher-Cossette juge qu’on nuit à sa réhabilitation.
« On réussit à la mettre en prison près de dix ans après ces infractions. Pour elle, c’est une mise en échec », déplore-t-elle.
L’avocate a obtenu sa libération temporairement. Un retour devant les tribunaux est prévu le 19 octobre pour débattre de la légalité de l’emprisonnement.
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Des plaintes
Il faut savoir qu’au Canada, c’est seulement au Québec qu’on emprisonne les personnes pour amendes impayées.
Et pas n’importe quelle amende; celles délivrées en vertu du Code de la sécurité routière ne mènent pas à l’emprisonnement.
Seules les infractions aux règlements municipaux sur la paix et le bon ordre peuvent conduire une personne en prison. La plupart du temps, il s’agit d’une personne itinérante.
Le coordonnateur de la clinique juridique Droit de cité à Québec, Maxime Couillard, accuse les policiers de profilage social et de discrimination à l’égard des itinérants.
« Il y a des plaintes de citoyens. Les policiers ne savent pas comment intervenir et leur réflexe est de donner un constat d’infraction pour que la personne s’en aille, sans qu’elle ait nécessairement commis une infraction », dit-il.
Moratoire réclamé
Maxime Couillard souhaite que la Ville de Québec adopte un moratoire sur l’emprisonnement pour des amendes impayées, comme l’a fait Montréal il y a 14 ans.
Il demande également que le programme de déjudiciarisation des personnes itinérantes de Québec suive l’exemple de Montréal.
À Québec, on exige que les personnes fassent des travaux compensatoires pour rembourser leur dette judiciaire, alors qu’à Montréal, elles doivent démontrer qu’elles ont entamé une démarche de rétablissement. Ensuite, généralement toutes les contraventions sont retirées.
Pour l’avocate Florence Boucher-Cossette, la solution est d’amender le Code de procédure pénal, afin d'interdire l’emprisonnement pour des amendes impayées.
C’est le but de son recours devant la Cour supérieure du Québec le 19 octobre; faire invalider les dispositions qui prévoient l’emprisonnement pour des amendes impayées.
Me Boucher-Cossette plaide que ces dispositions violent la Charte canadienne des droits et libertés.