Agression sexuelle : peu de victimes remettent une trousse médico-légale à la police, selon une étude

L’étude a montré que 77 % des 262 patients ayant été agressés sexuellement pouvaient constituer une trousse médico-légale. Seulement 129 des personnes l'ont fait et seulement 60 d'entre elles ont transmis par la suite les preuves médico-légales à la police.
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Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Seulement les deux tiers des victimes d'agression sexuelle qui pourraient faire des prélèvements pour constituer une trousse médico-légale choisissent de le faire, selon des chercheurs ottaviens. Moins d'un tiers la remettent à la police par la suite.
Kari Sampsel, la médecin qui dirige le Programme de soins aux victimes d'agression sexuelle ou d'abus par un partenaire à l'Hôpital d'Ottawa, voit un nombre important de patients qui viennent suivre des soins.
De nombreuses victimes refusent toutefois de se soumettre à un examen médico-légal, qui peut durer de huit à dix heures et être vécu comme un second viol, explique-t-elle. Faire des prélèvements pour constituer une trousse médico-légale peut être « insurmontable pour des personnes qui ont été agressées », indique-t-elle.
Les salles d'urgence des hôpitaux sont souvent le premier contact après une agression sexuelle, affirment les chercheurs, qui veulent encourager les urgentologues partout au Canada à redoubler d'efforts pour aider les victimes d'agression sexuelle à obtenir justice dans ce qui est considéré comme un système juridique souvent complexe et stigmatisant.
Qu'est-ce qu'une trousse médico-légale?
La trousse médico-légale est l'outil utilisé pendant l'examen médico-légal. Ce dernier est proposé à toute victime d’agression sexuelle récente, femme ou homme, peu importe si elle décide de porter plainte ou non.
Le patient n’est pas obligé de l’accepter, mais le devrait s’il ou elle souhaite déposer une plainte aux autorités. La trousse sera une preuve de plus pour étayer l’enquête policière et éventuellement poursuivre l’agresseur présumé.
Cette trousse permet d'uniformiser l'information recueillie et la manière d'effectuer les prélèvements, afin d'obtenir des preuves scientifiques objectives. Les prélèvements ont pour but de trouver des substances biologiques laissées par l’agresseur présumé sur le corps ou les vêtements de la victime, comme du sperme, de la salive ou du sang.
Sources : Calacs et Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal
Peu de trousses médico-légales fournies à la police
L’étude, basée sur les données de 2015 du programme de l’hôpital, a montré que 77 % des 262 patients ayant été agressés sexuellement pouvaient constituer une trousse médico-légale, qui doit être préparée entre 24 heures et 12 jours après les faits.
Seulement 129 des personnes l'ont fait et seulement 60 d'entre elles ont transmis par la suite les preuves médico-légales à la police.
Plus de 90 % des patients étaient des femmes. Les victimes avaient de 16 à 80 ans, et 24 ans en moyenne.
La drogue ou l'alcool sont présents dans plus de la moitié des cas, ce qui peut affecter le souvenir précis des faits et qui est souvent utilisé pour miner la crédibilité de la victime devant les tribunaux, soulignent les chercheurs.
Dans près de 55 % des cas, l'auteur des violences était connu de la victime ou était un partenaire intime. Dans 16 cas, plusieurs agresseurs ont été impliqués. La plupart des agressions sexuelles ont eu lieu dans la maison de la victime ou de l'agresseur, tandis qu'une agression sur 20 s'est produite dans des résidences d'étudiants.
Les victimes qui ne connaissaient pas leur agresseur, ou qui étaient incertaines de leur identité, étaient plus de trois fois plus susceptibles de divulguer à la police les preuves de la trousse médico-légale, tout comme celles qui avaient été agressées à l'extérieur.
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Des changements à apporter
Des changements doivent être faits pour que les victimes puissent faire confiance au système judiciaire, soutiennent des organismes.
Nicole Pietsch, coordonnatrice de la Coalition des centres d'aide pour victimes de viol de l'Ontario, rappelle que si les preuves médico-légales sont utiles pour vérifier qu'un contact sexuel a eu lieu, elles ne peuvent pas prouver s'il y avait consentement ou non.
« Les problèmes ne résident pas dans le fait que les victimes ne souhaitent pas se manifester. Je dirais que le problème le plus important réside dans le fait que notre système de justice pénale n'a pas la volonté farouche de faire avancer les dossiers », juge Mme Pietsch.
Selon Sheila Macdonald, directrice du Réseau ontarien des centres de traitement des victimes d'agression sexuelle et de violence familiale, les victimes estiment souvent que le système judiciaire ne sert pas leurs intérêts.
Au Canada, seulement 33 cas d'agression sexuelle sur 1000 sont signalés à la police; six d'entre eux mènent à des poursuites, dont trois aboutissent à une condamnation, selon une étude publiée en ligne mardi dans le Emergency Medicine Journal.