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Présence autochtone : un combat depuis près de 30 ans

André Dudemaine pose devant des éléments décoratifs inspirés de la culture autochtone.

André Dudemaine aux bureaux de Terres en vues, dans le Mile End, à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Gabrielle Paul

Radio-Canada

Près de 30 ans après sa création, le festival Présence autochtone a réussi à s'imposer comme un incontournable de l'été montréalais, mais pas sans embûches. Rencontre avec son cofondateur et directeur, André Dudemaine, véritable ambassadeur de la culture autochtone.

Un texte de Gabrielle Paul

À l'aube du 28e festival Présence autochtone, qui débute mardi, les employés s'affairent dans les bureaux du quartier Mile End de Terres en vues, l’organisme qui est le maître d’œuvre de l'événement.

Au coeur de l'excitation des derniers préparatifs, bien assis au centre de la pièce, le directeur André Dudemaine pose un regard hardi sur son festival, qui présente aujourd'hui plus d'une soixantaine de longs métrages et donne une vitrine à des dizaines d'artistes.

Né d'une mère innue de Mashteuiatsh (Saguenay–Lac-Saint-Jean) et d'un père abitibien, André Dudemaine a combattu toute sa vie pour faire rayonner la culture autochtone.

Je suis un Innu qui est né et qui a grandi en territoire algonquin et aujourd’hui je suis un warrior culturel en territoire mohawk, énonce fièrement celui qui a grandi en Abitibi.

Un festival né pendant la crise d'Oka

Présence autochtone est la plus longue bataille de sa vie. Le festival a été le premier du genre en Amérique du Nord.

Il n’y avait rien du genre qui existait à l’époque. Il y avait moins de productions cinématographiques autochtones qu’aujourd’hui et, côté musical, les gens ne connaissaient que Kashtin. Mais nous tenions à présenter quelque chose, rappelle celui qui travaillait auparavant pour la télévision.

C’est en 1990 qu’est né Terres en vues. André Dudemaine s'est alors associé avec Daniel Corvec et Pierre Thibault, rencontrés en Abitibi.

Le festival à Montréal est un complot abitibien, dit-il à la blague.

L'année 1990 était toutefois chargée de revendications pour les Autochtones au Québec. Alors que survenait la crise d’Oka, l’idée de festival d’André Dudemaine s’est frappée à plusieurs portes closes.

« C’est devenu très dur, se souvient-il. Les réactions étaient très vives, très émotives. Les nerfs étaient à fleur de peau. Les préjugés enfouis ressortaient. »

Quand on arrivait avec notre idée de festival autochtone, les gens trouvaient cela un peu futile dans le climat d’affrontement.

Une citation de André Dudemaine, directeur de Présence autochtone

Beaucoup de gens doutaient que Présence autochtone pourrait être un festival viable.

On me demandait si on pouvait avoir assez de matériel pour un festival annuel, les productions autochtones étaient encore très marginales, raconte M. Dudemaine.

Aujourd'hui, le festival présente des dizaines de films et d'artistes. Son budget, initialement de 7000 $, est d'ailleurs passé à quelques centaines de milliers. Notre réalité change. Il faut trouver de nouveaux repères pour l'identité autochtone et ce sont les artistes qui peuvent faire ça, estime André Dudemaine.

Le cofondateur et directeur avait espoir que le festival prenne un jour une telle ampleur.

On rêvait d’atteindre cette envergure, mais ç'a été beaucoup plus long et ardu qu’on pensait, souligne celui qui a reçu un doctorat honorifique de l'Université de Montréal, l'an dernier.

Lorsqu'il constate la richesse de longs métrages désormais présentée, il s'enchante. Les productions sont d'une qualité exceptionnelle!

Le festival présentera entre autres, en première nord-américaine, Ukamau Y Ké, le premier film tourné entièrement en aymara, l'une des principales langues autochtones d'Amérique latine. Preuve que l'éveil culturel autochtone est un phénomène continental, croit André Dudemaine.

C'est avec les yeux brillants qu'André Dudemaine parle du théâtre de rue « Ioskeha et Tawiscara : le grand jeu de la création », un incontournable, selon lui.

Des marionnettes géantes suivent une quinzaine de danseurs pour qui la foule fait place.

Le Festival présence autochtone lors de la représentation théâtrale: Ioskeha et Tawiscara: le grand Jeu de la création et qui prendra place à 20h30 les 10 et 12 août 2018 sur la Place des festivals de Montréal.

Photo : Mario Faubert

C'est ma grande fierté, surtout dans le contexte actuel, puisqu'il s'agit d'une création de collaboration entre Autochtones et non Autochtones.

André Dudemaine faisait d'ailleurs partie des signataires de la lettre ouverte concernant la pièce Kanata de Robert Lepage et d'Ariane Mnouchkine, qu'il a rencontrés avec ses cosignataires.

Le directeur du festival compare cette situation à ce qu'a vécu le dramaturge français Jean Genet dans les années 1960.

Lorsque Jean Genet souhaitait présenter sa pièce Les Paravents [qui critique l'armée française au moment de la guerre d'Algérie], l'armée est intervenue pour empêcher la représentation. Ils ont quand même joué la pièce sans crier à la censure et à l'intimidation.

Alors, quand je vois ces gens pleurer à la censure et à l'intimidation, je dis : crotte de boeuf!, affirme-t-il en laissant tomber sa main sur la table.

Une bataille pour être à la Place des festivals

Présence autochtone est le seul festival à caractère ethnique à se tenir à la Place des festivals.

André Dudemaine a toujours tenu à ce que Présence autochtone ait lieu au centre-ville de Montréal.

Nous ne bougeons pas du centre-ville, c’est un lieu stratégique et symbolique, au coeur de la cité.

Une citation de André Dudemaine, directeur de Présence autochtone

La Place des festivals se destinait auparavant à n'accueillir que des productions artistiques contemporaines.

M. Dudemaine pense que ce sont les installations extérieures du festival qu'il a proposées, avec ses tipis et sa maison longue, qui a permis à Présence autochtone d'y trouver sa place.

Je leur ai montré les plans et quand j’ai vu leurs yeux s’illuminer, j’ai su que j’avais gagné, se souvient-il visiblement ému.

Présence autochtone se tient du 7 au 15 août au Quartier des spectacles, à Montréal.

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