Comment éviter la pénurie annoncée de sable?

Ce n'est qu'une question de temps avant que l'utilisation massive de sable pour le développement des villes partout dans le monde ne cause une pénurie de ce matériau indispensable.
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Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
[2e de 2] L'urbanisation et le développement rapide de l'Asie et du Moyen-Orient ont fait exploser la demande en sable. L'humain en utilise aujourd'hui plus que la Terre n'en produit. Des mesures s'imposent le plus tôt possible pour éviter la pénurie mondiale.
« Cette pénurie de sable est clairement liée à l’explosion des populations, en particulier des populations urbaines », explique le professeur Éric Chaumillon, associé au Centre national de la recherche scientifique.
« Depuis 1950, on a multiplié la population urbaine d’un facteur 5, poursuit-il. Pour loger tout ce monde dans les villes, on construit des tours, des immeubles, des maisons. On construit aussi des voies de communication, des routes, des aéroports. »
Toutes ces infrastructures contribuent à la consommation massive de sable et de granulats à travers le monde. C’est le cas autant en Asie et en Afrique qu’en Amérique du Sud, dont le développement se poursuit à grande vitesse.
« Les quantités de sédiments sont malgré tout importantes, mais vu la consommation effrénée qu’il y a à l’heure actuelle, et sachant que les lieux de consommation doivent être proches des lieux d’extraction, il y a des endroits où on est presque en pénurie, voire même déjà en pénurie », estime Éric Chaumillon.
Le monde regorge peut-être de sable, mais celui des déserts ne peut être utilisé industriellement. Certains pays, comme en Asie et au Moyen-Orient, ont donc épuisé le sable local qu’ils pouvaient utiliser pour construire.
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Qu’en est-il au Canada?
« On est assez choyé au Québec d’avoir de grandes accumulations de sable », illustre par exemple le professeur en géomorphologie à l’Université Laval Patrick Lajeunesse.
« Les ressources que nous avons sont principalement reliées à la sédimentation par les glaciers, donc 10 000 à 15 000 ans avant aujourd’hui. Lorsque les glaciers se sont retirés, ils ont laissé de grands amas de sable », poursuit-il.
« »
Les ressources en sable au Québec et au Canada sont donc abondantes, mais elles s’éloignent de plus en plus des grandes villes où elles sont utilisées.
D’ici 30 à 50 ans, il faudra aller chercher de nouvelles sources de sable, estime Claudiane Ouellet-Plamondon, professeure au département de génie de la construction à l’École de technologie supérieure.
D’ailleurs, le Canada importe déjà du sable des États-Unis, et en même temps il y en exporte. Ces échanges mutuels s’expliquent par l’accès de plus en plus restreint à un sable de qualité à proximité.
« Il y en a encore dans le sol, mais les distances d’approvisionnement augmentent », explique la professeure. S’il n’y a pas d’activités commerciales à proximité, ajoute-t-elle, c’est plus facile de se tourner vers son voisin. Ouvrir une carrière, par exemple, est plus coûteux qu’importer le sable désiré.
Réutiliser, récupérer, recycler
L’industrie de la construction considère également de plus en plus le recyclage du béton, qui emprisonne d’énormes quantités de sable ne pouvant être utilisé autrement.
« Oui, on utilise des matières recyclées, mais non le béton n’est pas une poubelle, prévient Luc Bédard, le directeur général de l’Association béton Québec. Ces matières recyclées ont été largement mises à l’essai pour s’assurer de ne pas nuire à la capacité du béton ni à sa durabilité et de ne pas mettre la vie des gens en danger. »
D’importantes normes canadiennes régissent d’ailleurs l’utilisation du sable en construction.
De plus en plus de producteurs concassent en outre de la pierre pour lui donner la granulométrie du sable. « Ils vont corriger leur sable naturel avec des ajouts de roches fragmentées, donc un granulat manufacturé pour fabriquer un "sable synthétique" », avance Luc Bédard.
Du verre recyclé est même utilisé dans certains projets. Il peut d’ailleurs servir à renflouer les plages, qui se vident en raison du pompage de sable dans les océans du monde.
Réduire notre consommation
Toronto, Montréal, Vancouver. Les grandes villes canadiennes se sont développées en engloutissant d’énormes quantités de béton… et donc de sable.
« On a beaucoup construit à Montréal. Est-ce que c’était nécessaire? On pourrait se questionner », suggère Claudiane Ouellet-Plamondon, pour qui une plus grande réflexion s’impose avant de délivrer des permis de construction dans les grandes villes.
Reste que, selon elle, dans bien des cas, le béton est le meilleur choix. C’est le cas pour les fondations et les autoroutes, par exemple.
Il y a des moyens d’avoir une consommation beaucoup plus « raisonnée », estime à son tour Éric Chaumillon.
« Il y aura toujours des sables naturels de très grande qualité dont on aura besoin. Mais si on les consomme de façon très raisonnée, et très limitée, on peut envisager avoir de la ressource pour longtemps. »
Comme la croissance mondiale n’est pas en voie de perdre son élan, cette réflexion sur le sable s’impose avant qu’il ne soit trop tard.