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De l'apathie à l'enthousiasme, le bilan du PLQ en matière d'éducation

Philippe Couillard et Sébastien Proulx entourés d'enfants

Le gouvernement Couillard a présenté sa nouvelle Politique de la réussite éducative.

Photo : Radio-Canada / Nicole Germain

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Dans sa plateforme électorale de 2014, le Parti libéral du Québec (PLQ) avait fait près de 30 promesses en matière d'éducation. À l'aube des élections, qu'en est-il de son bilan? A-t-il respecté ses engagements? Nous nous sommes penchés sur ces questions.

Un texte de Joëlle Girard

Des chercheurs de l’Université Laval ont réalisé un Polimètre (Nouvelle fenêtre) recensant les promesses du gouvernement de Philippe Couillard afin d’en faire le suivi et d’établir si elles ont été tenues. Au terme de cet exercice, ils lui ont décerné une note de 92 % en matière d’éducation.

Parmi les engagements recensés, ils estiment que :

  • 69 % ont été réalisés;
  • 23 % ont été partiellement réalisés;
  • 8 % n’ont pas été réalisés.

« Oui, ils ont tenu leurs promesses, mais c’est vraiment un mandat en deux temps », nuance Lisa Maureen Birch, directrice du Centre d’analyse des politiques publiques de l’Université Laval et cofondatrice du Polimètre.

«  »

— Une citation de  Lisa Maureen Birch, directrice du Centre d’analyse des politiques publiques, Université Laval

Ce bilan à l’allure étincelante comporte donc plusieurs bémols. Le gouvernement Couillard a priorisé les compressions et la restructuration bureaucratique en début de mandat, au détriment des services aux élèves, qu’il avait pourtant promis de protéger.

Les compressions ont créé une sorte de « décalage » dans l’accomplissement des engagements, selon Mme Birch. « En 2014-2015, concernant 50 % des promesses, il n’y avait rien de fait. En 2015-2016, on a bougé sur deux d’entre elles. Puis, en 2016-2017, ça a commencé à décoller. Enfin, en 2017-2018, une majorité des promesses sont soit réalisées en entier, soit en processus », résume-t-elle.

Sans parler de mesures électoralistes, François Pétry, professeur associé au Département de science politique à l’Université Laval et l'un des créateurs du Polimètre, estime que l’austérité a été excessive. « C’est la perception de beaucoup de Québécois. Oui, on a enlevé au début pour redonner ensuite et probablement qu’on a enlevé des choses qu’on n’aurait pas dû. »

Radio-Canada a fait son propre recensement des promesses en éducation au terme de la dernière session parlementaire, avant le déclenchement des élections.

Réduction et restructuration de la bureaucratie

En 2014, le Parti libéral entame son mandat sous le signe de l’austérité, souhaitant revoir en profondeur les structures de l’État afin de réduire ses dépenses de 3,2 milliards de dollars, tous secteurs confondus.

Le gouvernement Couillard a un plan bien précis en éducation : réduire la bureaucratie et utiliser les économies pour financer les services aux élèves. Les choses ne se déroulent toutefois pas comme prévu.

Comme promis, le ministre de l’Éducation de l’époque, Yves Bolduc, ferme les bureaux des directions régionales de son ministère en prévoyant qu’une telle mesure lui permettra d’épargner 15 millions de dollars annuellement.

« Il y avait dans toutes [les directions régionales] à peu près une centaine d’employés qui ont été redéployés un petit peu partout. Il n’y a pas véritablement d’économies qui ont été faites », estime Jean Bernatchez, professeur en administration et politiques scolaires à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR).

Les libéraux n’arrivent pas non plus à générer les 37,5 millions promis en abolissant 500 postes sur cinq ans au ministère de l’Éducation.

Loin de leur objectif global de 187,5 millions de dollars d’économies sur cinq ans, les libéraux ne tiennent donc pas, pendant les deux premières années de leur mandat, leur engagement d’augmenter le financement de l’éducation de 3,5 % par année. Pire, l'augmentation de leurs dépenses est inférieure à la hausse normale des coûts de fonctionnement du ministère, évaluée entre 3 % et 4 %.

« Non seulement les libéraux devaient maintenir le financement, mais ils devaient l’accroître », explique Mme Birch, qui a également codirigé l’ouvrage Bilan du gouvernement Couillard : 158 promesses et un mandat contrasté.

Rompre cette promesse en particulier a donc rendu difficile la possibilité de tenir les autres, ajoute-t-elle.

Résultat? Quelque 250 postes de professionnels ont été supprimés, ce qui touche directement les élèves, contrairement à la promesse du gouvernement d’épargner les services.

Le mécontentement s’est clairement fait sentir. Le 1er septembre 2015, 20 000 parents, élèves, professeurs et citoyens de 16 régions administratives se sont réunis pour former des chaînes humaines autour de 200 écoles afin de les « protéger » des compressions.

Une jeune fille tient une pancarte sur laquelle est écrit : « Je protège mon école publique ». On peut voir de nombreuses personnes former une chaîne humaine en arrière-plan.
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Des élèves, parents et professeurs forment une chaîne humaine devant l'école primaire Rose-des-Vents, à Montréal, afin de protester contre les compressions budgétaires, lors de la rentrée 2015.

Photo : Julien Royal

Ces manifestations n’ont toutefois pas impressionné le ministre d’alors, François Blais, qui déclare que si les services aux élèves sont touchés, c’est en raison de la mauvaise gestion des commissions scolaires.

Quelques mois plus tard, Philippe Couillard a fini par admettre que son gouvernement avait eu tort de s’égarer dans des chicanes stériles sur les élections scolaires et les structures. Devant ce constat d’échec, le premier ministre a enterré le projet de loi 86 modifiant la gouvernance et l’organisation des commissions scolaires, moins de cinq mois après son dépôt par François Blais.

Un feu roulant de ministres

Le ministère de l’Éducation a vu défiler cinq ministres en quatre ans de règne libéral. D’abord Yves Bolduc, ensuite est arrivé François Blais, puis est venu Pierre Moreau pour un mandat de moins d’un mois en raison de problèmes de santé. Enfin, depuis février 2016, Sébastien Proulx et Hélène David se partagent la tâche de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

Un montage photo fait défiler des portraits des cinq ministres en train de s'exprimer à l'Assemblée nationale ou devant les médias.
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Yves Bolduc, François Blais, Pierre Moreau, Sébastien Proulx et Hélène David se sont succédé à la tête du ministère de l'Éducation pendant le mandat libéral.

Photo : Radio-Canada

Il y a eu un changement de cap avec l’arrivée de Sébastien Proulx, concèdent Lisa Birch et Égide Royer, professeur au Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage de l’Université Laval. De toute évidence, il fallait arrêter de jouer dans les structures, affirme ce dernier.

À l’automne 2016, M. Proulx dépose le projet de loi 105, qui mise davantage sur la réussite scolaire. Son adoption permet notamment de maintenir les élections scolaires et de donner plus d’autonomie aux écoles sur le plan budgétaire. Même si certains y voient un projet de loi sans grande portée, c’est le premier jalon d’une nouvelle ère axée sur la consultation.

M. Royer dresse par ailleurs un bilan peu reluisant du passage de MM. Bolduc, Blais et Moreau à la tête du ministère. « [Disons] que l’éducation manquait d’amour au Québec, affirme-t-il. Et là est arrivé M. Proulx en 2016, un homme qui prend ça à coeur, qui veut changer les choses et qui écoute les milieux scolaires. »

Lutte contre le décrochage

Le Parti libéral s’était engagé à assurer le service d’aide aux devoirs dans toutes les écoles primaires, de l’étendre aux écoles secondaires et d’en élargir les périodes grâce à plus de séances.

Or, les compressions imposées ont plutôt obligé des commissions scolaires à couper ce type de services, faute de personnel.

Les efforts du ministre Proulx pour changer de cap ont toutefois abouti en juin 2017 avec le dépôt de la Politique de la réussite éducative, un plan ambitieux qui projette d’augmenter de 68 % à 85 % le taux de diplomation chez les moins de 20 ans d’ici 2030.

Un financement accru dans les budgets 2017-2018 et 2018-2019 a permis d’amorcer le virage, prévoyant 1,8 milliard pour l’embauche de 7200 personnes-ressources, dont 1500 dès l’automne 2017.

«  »

— Une citation de  Égide Royer, professeur, Université Laval

La Politique de la réussite éducative mise aussi sur le diagnostic hâtif des élèves de 0 à 8 ans qui présentent des difficultés – un autre engagement du PLQ –, en planifiant l’embauche de 500 professionnels supplémentaires, comme des orthophonistes et des psychoéducateurs.

Selon un bilan effectué en janvier 2018 par le ministère de Sébastien Proulx, 1535 personnes, dont 242 professionnels, avaient déjà été engagées à temps complet au courant de l’automne 2017 afin d’assurer ces services directs aux élèves.

Le 4 juin 2018, le ministre Proulx annonce aussi 130 millions de dollars sur cinq ans pour la création de 111 classes de maternelle 4 ans dans les milieux défavorisés, portant à 400 le nombre de classes implantées au Québec.

Cette mesure, qui ne faisait pas partie de ses engagements de base, a toutefois été critiquée par des intervenants du milieu de l’éducation. « Ces classes ne devraient pas seulement être en milieu défavorisé. La majorité des jeunes qui sont en difficulté absolue à 4 ans ne sont même pas en milieu défavorisé », affirme Égide Royer.

Développement d’un milieu de vie sain

Dans sa plateforme électorale, le PLQ accordait une importance toute particulière à ce qu’il appelle « un milieu de vie attrayant, sain, stimulant et enrichissant ». Ses engagements par rapport à ce thème ont toutefois beaucoup évolué depuis 2014.

Sa principale promesse concernait la qualité de l’air dans les écoles primaires. Le gouvernement libéral n’a pas annoncé une deuxième phase au programme Réno-Écoles lancé par le gouvernement péquiste de Pauline Marois.

Des enfants marchent devant l'école Baril où, sur les fenêtres condamnées, des affiches montrent des écoliers qui ont du mal à respirer.
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En 2016, on estimait que les trois quarts des écoles de la Commission scolaire de Montréal étaient dans un état préoccupant; 67 avaient besoin de travaux de réhabilitation majeurs et 27 devaient être démolies. Sur cette photo, l'école Baril, fermée de juin 2011 à septembre 2017.

Photo : Fernando Calderon

« Il y a eu carrément une forme de négligence au niveau de l’entretien. [...] On a pris les infrastructures pour acquis », se décourage le professeur Égide Royer.

À mi-mandat, le PLQ a fini par multiplier les annonces pour la rénovation, mais aussi pour l’agrandissement et la construction de nouvelles écoles, allant au-delà de ses engagements électoraux.

« Depuis 2016, plus de 5,9 milliards de dollars ont été investis dans les infrastructures scolaires du Québec pour l'ajout d'espace, le maintien des bâtiments et la résorption du déficit de maintien », peut-on lire dans un communiqué du ministère de l’Éducation, diffusé le 1er juin 2018.

«  »

— Une citation de  Égide Royer, professeur, Université Laval

« Ça devrait être une priorité dans un plan d’infrastructure. [...] On a tout à fait les moyens que tous les enfants du Québec puissent aller dans une école agréable, sécuritaire et propre », dit pour sa part Jean Bernatchez.

Le professeur dénonce les inégalités dans les investissements et se montre « très, très critique » du projet Lab-École, en particulier.

Pilotée par le chef Ricardo Larrivée, l’architecte Pierre Thibault et l’athlète Pierre Lavoie, cette initiative s’ajoute elle aussi aux engagements électoraux de 2014. Un investissement de 60 millions de dollars a été octroyé au projet, dont l’objectif est de favoriser la réussite grâce à de saines habitudes de vie, à une bonne alimentation et à des aménagements novateurs.

« Dans les milieux scolaires, les gens sont très déçus des choix qui ont été faits dans cette perspective », affirme le professeur de l’UQAR, déplorant le fait que le développement de l’initiative ait été confié à des personnalités publiques « extra scolaires », à des « hommes d’affaires », plutôt qu’à des gens « compétents et dévoués » du milieu. « Moi, ce que je vois, ce sont des gens qui font leur propre promotion », dit-il.

Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie sont assis sur le plateau de « Tout le monde en parle ».
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Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie

Photo : Radio-Canada / Karine Dufour

S’il dit ne pas être en désaccord avec le fait que le Québec se dote de belles écoles où l’on mange bien, il déplore que ces investissements ne ciblent pas les jeunes qui « auraient le plus intérêt à se retrouver dans un environnement scolaire séduisant », soit ceux qui vivent dans des quartiers défavorisés où se trouvent le plus d'écoles vétustes.

En ce qui concerne l’intimidation, le PLQ a d’abord annulé la campagne de sensibilisation qui était prévue, dans l’objectif d’économiser 1 million de dollars pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire, avant de faire volte-face en 2015-2016.

Renforcer l’apprentissage des langues

Le PLQ a bel et bien tenu son engagement d’insister sur l’importance de la lecture et de l’écriture chez les jeunes, mais seulement après un cafouillage du ministre Yves Bolduc.

Ce dernier avait soulevé la controverse en soutenant que les commissions scolaires devaient acheter moins de livres pour compenser les compressions budgétaires.

«  »

— Une citation de  Yves Bolduc, en entrevue au quotidien « Le Devoir », en août 2014

Son successeur Sébastien Proulx a corrigé le tir dans sa Politique pour la réussite éducative. L’objectif est de porter à 90 % le taux de réussite de l’examen d’écriture de la quatrième année, qui varie présentement de 80 % à 87 %. Il prévoit également que les enfants aient accès à un plus grand nombre de livres adaptés à leur niveau, une initiative qui contraste avec la position de son prédécesseur.

Les ministres Bolduc et Blais comptaient rendre obligatoire l’enseignement intensif de l’anglais en cinquième ou sixième année du primaire. Ce n’est toutefois toujours pas le cas.

En janvier 2017, le gouvernement estimait que 1626 élèves de cinquième année du primaire et 11 169 élèves de sixième année du primaire profitaient du programme d’anglais intensif dans les écoles publiques.

« C’est peut-être un jeune sur huit qui a de l’anglais intensif. Au mieux, deux jeunes sur huit. Ça m’apparaît assez peu », note Égide Royer.

Formation professionnelle et enseignement supérieur

Après le mouvement de grève des étudiants, le PLQ a voulu éviter autant que possible de s’embourber dans la délicate question des droits de scolarité universitaires.

Une marée de manifestants et de pancartes envahit une rue du centre-ville de Montréal.
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Plusieurs manifestations de grande envergure ont eu lieu au printemps 2012 afin de dénoncer la hausse des frais de scolarité prévue par le gouvernement libéral de Jean Charest. La grogne avait conduit à l'élection d'un gouvernement péquiste minoritaire en 2013.

Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz

Philippe Couillard a donc respecté son engagement électoral de maintenir l’indexation, comme convenu par le Parti québécois dans son entente avec les étudiants en 2013.

Le gouvernement a également tenu sa promesse de revoir à la hausse les frais de scolarité payés par tous les universitaires étrangers issus de la francophonie. Dès 2015, les nouveaux inscrits au premier cycle devaient donc débourser 6650 $ plutôt que 2200 $ par année.

Les étudiants à la maîtrise et au doctorat ont toutefois bénéficié d’une exemption, une mesure chiffrée à 90 millions de dollars.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, a aussi présenté une réforme du financement des universités. Sa politique inclut des engagements électoraux comme simplifier la reddition de comptes et favoriser une augmentation des revenus autonomes des universités, grâce à des brevets, des investissements privés et la philanthropie.

En outre, des investissements additionnels de 121 millions de dollars sont prévus en 2018-2019 pour appuyer cette nouvelle politique.

« C’est une espèce de bulle, cette volonté de valorisation commerciale de la recherche », affirme Jean Bernatchez, qui parle d’un jeu à somme nulle pour les universités en raison des coûts des brevets et du peu de recherches qui finissent par être commercialisées. « Ça ne rapporte strictement rien », dit-il.

En ce qui concerne la philanthropie et les investissements privés, « à partir du moment où tu es financé par un organisme quelconque, il y a toutes les chances du monde que tu ne dises pas de mal de cet organisme », note également le professeur, qui affirme toutefois ne pas avoir remarqué de grands changements sur le terrain.

En ce qui concerne la formation professionnelle et technique, le gouvernement avait aussi fait plusieurs promesses. Devant la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, il s’était notamment engagé à implanter le modèle allemand qui mise sur les stages en entreprises et à adapter la formation aux besoins du marché du travail.

Ces promesses ont été tenues grâce au dévoilement de la Stratégie nationale de la main-d’oeuvre en mai dernier. La politique, qui bénéficie d’une enveloppe globale de 1,3 milliard sur cinq ans, a été généralement bien accueillie.

Méthodologie

Radio-Canada a compilé et analysé, selon sa propre méthodologie, les promesses formulées dans la plateforme électorale du Parti libéral du Québec de 2014 (Nouvelle fenêtre).

  • « Réalisée » : promesse entièrement remplie.
  • « Partiellement réalisée » : promesse en bonne voie d’être remplie.
  • « Non réalisée » : promesse bloquée par l’opposition, ou qui n’a donné lieu à aucune action officielle, ou qui a été suspendue à la fin des travaux à l’Assemblée nationale.

Avec les informations de Nathalie Lemieux

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