Plus d'aide pour les familles d'accueil d'enfants handicapés que pour les familles naturelles, selon une étude

Une femme s'occupe d'une enfant handicapée
Photo : iStock
Des parents d'enfants handicapés du Québec sont estomaqués par les résultats d'une étude révélant qu'ils sont financièrement désavantagés par rapport aux familles d'accueil. Ces dernières, selon cette étude, reçoivent des sommes de 70 % plus élevées que celles accordées aux familles naturelles.
Injustice et iniquité : tels sont les mots employés par des parents qui s'occupent eux-mêmes de leur enfant handicapé pour décrire les écarts entre l'aide qu'ils reçoivent et celle accordée aux familles d'accueil. Pour étoffer leurs demandes de parité avec les familles d'accueil, les familles naturelles d'enfants handicapés disposent désormais d'une étude menée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Leurs enfants sont trisomiques, handicapés physiques ou autistes. Ils ont choisi de les garder auprès d'eux. Mais, selon l'analyse économique de la firme comptable, les compensations que reçoivent ces parents de la part des gouvernements provincial et fédéral sont nettement moins élevées que celles que recevrait une famille d'accueil pour s'occuper jour et nuit de leurs enfants.
Un exemple : une famille naturelle reçoit en moyenne 25 632 $ par an pour s'occuper d'un enfant handicapé, comparativement à une moyenne de 44 254 $ pour une famille d'accueil.
Un enfant qui vit en milieu hospitalier entraîne pour l'État des déboursés variant de près de 48 000 $ à environ 81 000 $.
De « vrais chiffres » qui choquent
L'étude a été réalisée à la demande des organismes L'Étoile de Pacho et Parents jusqu'au bout.
La directrice générale de L'Étoile de Pacho, Nathalie Richard, ne se surprend pas des données. N'empêche, « c’est là qu’on s’est rendu compte qu’il y a vraiment une grande différence. C’est 70 % de plus que les familles d’accueil reçoivent, c’est énorme », s'exclame-t-elle.
Mme Richard est mère d'un garçon atteint de paralysie cérébrale, d’épilepsie, de diabète de type 1, de déficience intellectuelle, d’un trouble de digestion sévère, d’un trouble sévère du langage et de troubles de la vision. Elle se demande pourquoi elle obtient moins qu'une famille d'accueil qui s'occuperait de son fils.
« »
Des années durant, elle a élevé seule son petit David, ce qui l'a obligée à laisser son emploi.
« On est en survie quand on a un enfant handicapé. J’ai été monoparentale longtemps, j’ai dû être sur l’aide sociale », explique-t-elle.
La mère de Zacharie, Marie-Ève Tétreault est aussi scandalisée. Cette infirmière auxiliaire est devenue la soignante de son fils. Et elle paie des factures qu'elle n'aurait pas à régler si elle était famille d'accueil.
« Ça me coûte environ 500 $ de lait par mois, même un peu plus que ça, et ça n’est pas remboursé. C'est de nos poches parce que c’est un lait spécial. S’il était dans une famille d’accueil, ce serait fourni », dit-elle.
Les analystes de RCGT soulignent n'avoir pu inclure dans leur calcul le salaire perdu par ces parents qui renoncent au marché du travail pour se consacrer aux nombreux besoins de leur progéniture. Les familles d'accueil, elles, bénéficient de congés payés en vertu de la Loi sur les normes du travail.
Les familles comptant deux enfants handicapés ne reçoivent pas le double des indemnités offertes pour le premier enfant.
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Une rencontre avec le ministre
En juin, les représentants de L'Étoile de Pacho et de Parents jusqu'au bout ont présenté au ministre Luc Fortin et à son équipe les résultats de l'étude.
Le ministre les a écoutés, mais ne s'est pas engagé à quoi que ce soit, selon Anouk Lanouette Turgeon, porte-parole de Parents jusqu'au bout.
Le ministre Fortin aurait promis de revoir les critères d'admissibilité pour le Supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels (SEHNSE), créé en 2016 par le gouvernement Couillard après que des familles d'enfants handicapés eurent publiquement témoigné de leurs difficultés.
Dans un communiqué publié mercredi, le ministre assure avoir agi. « Afin d'offrir le soutien financier que procure le SEHNSE à plus de familles tout en conservant le caractère exceptionnel de ce supplément, un assouplissement des critères d'admissibilité pour les enfants âgés d'au moins 4 ans a été annoncé le 20 juin 2018. Celui-ci fait principalement en sorte de réduire le nombre de limitations absolues des habitudes de vie requis pour l'obtention du SEHNSE et il est rétroactif au 1er avril 2016 pour l'ensemble des familles admissibles », a-t-il-indiqué.
Par ailleurs, alors qu'il participait à une activité extérieure mercredi, le premier ministre a été interpellé sur les conclusions de l'étude, Philippe Couillard a été réservé. « Lorsqu'on est une famille d'accueil, on accueille plus d'un enfant [...] Je pense qu'il n'est pas très juste de faire la comparaison entre des familles d'accueil et des familles naturelles », a-t-il plaidé.
Néanmoins, la comparaison des compensations financières gouvernementales dans l'étude est bel et bien basée sur le montant par enfant.
Les réactions à l'étude de l'opposition
Le porte-parole péquiste en matière de services sociaux, Dave Turcotte, a qualifié la situation de « désolante. »
« On se doutait qu'il y avait un déséquilibre, mais pas à ce point. Il faut aider davantage les parents qui ont la capacité et qui font le choix de garder leur enfant parce que sinon, en bout de ligne, ça va coûter plus cher à l'État et de toute façon, garder l'enfant avec ses parents, c'est la décision la plus humaine. »
Le Parti québécois promet de bonifier le chèque emploi-service qui permet aux parents de payer une aide à domicile selon les besoins. Le PQ promet enfin d'investir dans les haltes-garderies pour enfants handicapés.
À la Coalition avenir Québec (CAQ), le porte-parole en matière de Santé, François Paradis, a pris le relais d'un combat qu'il mène depuis longtemps. « Les parents d'enfants handicapés qui demeurent à la maison méritent un meilleur statut », a-t-il réitéré.
La CAQ a réclamé à maintes reprises une bonification de l'aide financière pour les parents d'enfants handicapés mineurs, mais aussi que cette aide s'étende au-delà de la majorité, alors que plusieurs programmes de soutien prennent fin lorsque l'enfant atteint la majorité.
Le député de Lévis se dit également en faveur de « plus d'équité pour les familles naturelles par rapport aux familles d'accueil, qui reçoivent plus de soutien de l'État. »
Le Québec compte quelque 36 000 enfants reconnus comme étant handicapés. Les parents de 4000 d'entre eux ont réclamé le SEHNSE. Seules 2120 familles l'ont obtenu.