ArchivesLa voix de René Lecavalier

René Lecavalier à l'animation de « La Soirée du hockey » au Forum de Montréal en 1969
Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Qui dit René Lecavalier dit francisation et excellence dans le domaine du journalisme sportif. Pionnier du Service des sports de Radio-Canada, René Lecavalier a laissé sa marque comme annonceur, commentateur et chef d'antenne, mais saviez-vous qu'il avait aussi été chanteur de charme? Pour le 20e anniversaire de son décès, revisitons son parcours.
Lorsque René Lecavalier fait son entrée à Radio-Canada, en 1937, il ne pense pas pouvoir y assouvir sa passion pour le hockey ni même prendre le micro. Il distribue les feuilles de paie et caresse le rêve d'évoluer comme hockeyeur, lui qui a joué pour le Canadien junior lors de la saison 1936-1937.
Au printemps 1941, un collègue lui propose d'auditionner pour le poste d'annonceur. La guerre fait rage outre-mer. Radio-Canada vient de créer son Service des nouvelles et cherche du personnel. René Lecavalier n'a jamais songé à ce métier pour lequel il ne s'estime pas préparé, mais il se laisse convaincre. Il se révèle doué.
À ses débuts, le jour, il lit des bulletins de nouvelles et présente des disques en français et en anglais, tandis que le soir, il accomplit son travail de bureau. Trois mois plus tard, il devient annonceur permanent.
Le rêve d'une carrière d'annonceur supplante désormais celui d'une carrière sportive.

Montage d'archives du parcours de René Lecavalier
Comme le montre notre montage d’archives, le parcours de René Lecavalier prend bien des détours avant de converger vers le sport.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il est envoyé en Afrique du Nord comme correspondant pour Radio-Canada. Installé à Oran, en Algérie, il produit des émissions à destination des pays occupés de 1942 à 1944.
Au lendemain de la guerre, René Lecavalier donne dans la variété. De 1947 à 1952, il anime Le p'tit train du matin avec Miville Couture, une émission quotidienne où nouvelles du jour, sketches et chansons se côtoient sous le signe de l’humour. Dans l’extrait de notre montage d’archives, on l’entend aussi pousser la chansonnette à l’émission L’escargot d’or en 1945!

En studio, une partie de l'équipe de l'émission « Le p'tit train du matin » en 1950. De gauche à droite : la chroniqueuse Lisette LeRoyer, l'animateur Miville Couture, le réalisateur Roger De Vaudreuil et l'animateur René Lecavalier.
Photo : Radio-Canada / Jac-Guy
Puis, le 11 octobre 1952, René Lecavalier ouvre la première Soirée du hockey à la télévision. Il doit trouver le bon ton pour intéresser les auditeurs habitués aux matchs diffusés à la radio. Son enthousiasme et sa sobriété ainsi que ses mots justes et ses phrases courtes, sans oublier que ses descriptions imagées et émouvantes, en feront un modèle pour plus d’une génération de commentateurs.
René Lecavalier a tout simplement inventé un lexique sportif en langue française pour décrire l’action qui se produisait sous ses yeux.
Le lexique sportif de René Lecavalier
Body check, puck, high sticking, goal... Dans la langue de René Lecavalier, ces mots en anglais autrefois largement utilisés par les commentateurs francophones deviennent : mise en échec, disque ou rondelle, bâton élevé, but.
Il intègre aussi dans son vocabulaire des expressions du jargon militaire, rapportées de son expérience de correspondant : faire une incursion en zone adverse, pousser une attaque, faire une brèche, se replier.
Perfectionniste, René Lecavalier ne cesse d'améliorer son vocabulaire. Longtemps, il emploie la célèbre expression : « Il lance et compte! », traduction littérale de la formule « He shoots, he scores! » popularisée par Foster Hewitt. Après avoir constaté qu'il s'agissait d'un calque de l'anglais, il la remplace par la désormais non moins célèbre phrase : « Et c'est le but! »

René Lecavalier décrivant un match de hockey au Forum de Montréal le 8 octobre 1971
Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty
De la première partie de hockey télédiffusée jusqu'à sa retraite, René Lecavalier est de toutes les Coupes Stanley. Il vit aussi la frénésie de la Série du siècle, en 1972.
Sa longue carrière lui permet de voir évoluer les plus grands joueurs de la Ligue nationale du hockey (LNH)… et d’autres. Comme ce jeune Dupont, interviewé comme pee-wee en 1961 et que René Lecavalier retrouve sur la glace 20 ans plus tard. Une autre trouvaille dénichée dans notre montage d’archives!
Bien qu'il soit surtout connu comme la « voix du hockey », René Lecavalier est de presque tous les grands événements sportifs. Depuis Rome, en 1960, jusqu'à Los Angeles, en 1984, il couvre les Jeux olympiques (JO) d'été et d'hiver ainsi que de nombreux championnats mondiaux et coupes du monde.

Quelques membres de l'équipe de Radio-Canada qui se rendront au Japon pour couvrir les Jeux olympiques de Tokyo, en octobre 1964. De gauche à droite : Raymond Lebrun, commentateur, Paul-Marcel Raymond, chef du Service des reportages et des émissions sportives, Jean-Maurice Bailly, René Lecavalier et Richard Garneau, commentateurs.
Photo : Radio-Canada / André Le Coz
Aux JO de Montréal de 1976, il agit comme chef d’antenne. Des studios de la Maison de Radio-Canada, il communique les résultats aux téléspectateurs, réalise des entrevues et reste en contact permanent avec l'impressionnante équipe de commentateurs déployée sur les sites de compétition.
S’il a su donner au sport ses lettres de noblesse, son élégance naturelle, sa syntaxe irréprochable et sa vaste culture auront sans doute également contribué au succès de cet événement d’envergure pour la métropole québécoise.

Les commentateurs Lionel Duval, Richard Garneau, Raymond Lebrun et René Lecavalier réunis sur le plateau de l’animateur Pierre Dufault en 1996
Photo : Radio-Canada / Jeux de mémoire, 29 juin 1996
René Lecavalier prend sa retraite en 1983, mais demeure actif sur la scène sportive. Il est même rappelé par Radio-Canada pour remplir la fonction de chef d’antenne aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984!
Le 29 juin 1996, à la veille des JO d’Atlanta, il participe à l’émission Jeux de mémoire. L’animateur Pierre Dufault a rassemblé sur son plateau les commentateurs qui ont marqué l'histoire des Jeux olympiques à Radio-Canada. Lionel Duval, Richard Garneau, Raymond Lebrun et René Lecavalier racontent leurs souvenirs depuis Rome, en 1960.
De ses derniers Jeux olympiques comme chef d’antenne en 1984, René Lecavalier confie :
« J’ai fait à ce moment-là la constatation qu’au fond, ce n’étaient pas les Jeux qui m’attiraient premièrement; c’était le travail, c’était l’ambiance. Je le constate ce matin à retrouver les amis. Ça aussi, pour moi, c’est une énorme satisfaction. »
Cette camaraderie et cette passion de transmettre sont d’ailleurs bien tangibles entre les commentateurs réunis autour de la table. Comme pionnier du Service des sports avec son collègue Jean-Maurice Bailly, René Lecavalier a formé et influencé chacun d’entre eux.

Le journaliste sportif et chef d'antenne René Lecavalier, en 1982
Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty
Malgré cela, René Lecavalier a toujours refusé le rôle de précurseur qui lui est attribué. Il se percevait comme un serviteur dont la fonction était de mettre les joueurs et les athlètes en valeur. Il se considérait comme l'élément d'un tout et ne manquait jamais de souligner l'importance et l'excellence du travail des équipes dont il faisait partie.
Modeste et discret, René Lecavalier n'aimait pas qu'on parle de lui. Célébrées le 9 septembre 1999, ses funérailles sont privées. Conformément à son souhait, il n’y a pas d’éloge funèbre.
De sa remarquable influence dans le monde du journalisme sportif, René Lecavalier aura malgré tout légué un héritage bien vivant.
En complément :
Prix et distinctions
C'est en 1959 que René Lecavalier reçoit un premier prix pour l'excellence de son travail. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal lui décerne alors le Prix du journalisme pour sa contribution à la francisation et à l'ennoblissement du langage des sports. Deux ans plus tôt, son collègue René Lévesque recevait le même hommage.
René Lecavalier a été le premier lauréat du prix Foster Hewitt, qui le désignait meilleur commentateur sportif au Canada en 1966. Le nom du légendaire Foster William Hewitt est notamment associé à l'émission Hockey Night in Canada.
Au fil des ans, René Lecavalier s'est vu décerner notamment le trophée Laflèche (1960), le Mérite franco-ontarien (1967), l'Ordre du Canada (1970), l'Ordre de la fidélité française (1973) et l'Ordre des francophones d'Amérique (1979). Il a reçu des doctorats honorifiques de l'Université du Québec à Montréal (1979) et de l'Université de Montréal (1982). Par ailleurs, il a été intronisé au Temple de la renommée du hockey (1984).
Le Gala des prix Gémeaux avait aussi voulu lui remettre un prix spécial pour l'ensemble de son œuvre, mais il avait décliné l'offre.