Comprendre la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis plusieurs semaines, la Chine et les États-Unis menacent mutuellement de s'imposer de nouvelles taxes douanières. Pourquoi les deux plus grandes économies mondiales sont-elles à couteaux tirés?
Un texte de Ximena Sampson
Donald Trump en a fait une de ses promesses de campagne : il veut réduire le déficit commercial des États-Unis coûte que coûte. Pour cela, il s’attaque notamment à la Chine, le pays avec lequel la balance commerciale américaine est la plus déficitaire.
Balance commerciale des États-Unis en 2016

Balance commerciale des États-Unis en 2016.
Photo : Radio-Canada / Banque mondiale
Source : Banque mondiale
La version originale de ce document a été modifiée. Pour des raisons techniques, la version interactive de la carte n'est plus disponible.
Entre 1992 et 2016, le déficit avec la Chine est passé de 20 à 366 milliards de dollars. Il représente actuellement près de la moitié de l’ensemble du déficit commercial américain.
L’accentuation du déficit est directement liée à l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001. La libéralisation des échanges par la réduction des tarifs douaniers et l'élimination des quotas a permis à l'économie chinoise de décoller. Depuis, l’écart ne cesse de se creuser.
Le problème fondamental est que les Américains croient que les Chinois ne respectent pas vraiment les règles du jeu, croit Zhan Su, professeur titulaire de stratégie et de management international à la Faculté d’administration de l’Université Laval.
« M. Trump reproche à la Chine des pratiques déloyales. Sur certains éléments, il a raison », pense le chercheur.
Par exemple, Beijing bloque l’entrée d’entreprises étrangères en Chine, dans des domaines considérés comme stratégiques, et subventionne ses propres entreprises, dans le cadre du programme « Made in China 2025 », qui vise à faire du pays un leader dans les produits de haute technologie, notamment les semiconducteurs et les circuits intégrés.
Il y a également la question du vol de la propriété intellectuelle et de l’espionnage industriel, deux activités qu’on reproche depuis longtemps aux Chinois.

Des employés travaillant dans une usine de puces électroniques dans la localité de Chizhou, en Chine.
Photo : Reuters / China Stringer Network
Cependant, la décision du président américain de s’en prendre à la Chine a aussi une composante idéologique, croit Zhan Su.
Avec l’entrée de la Chine dans l’OMC et l’amélioration du niveau de vie de ses habitants, les pays occidentaux avaient bon espoir de la voir peu à peu s’ouvrir à la démocratie.
« Mais le constat, c’est que le succès économique en Chine n’a pas généré un changement politique tel que voulu par les Occidentaux », soutient M. Su. « Le système politique chinois recule, il y a encore plus de contrôles, alors on définit la Chine comme une rivale. »
Les Occidentaux regardent également avec méfiance la stratégie chinoise visant à se positionner sur l’échiquier mondial, qui se traduit par des projets comme la Nouvelle route de la soie et la création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, deux nouvelles initiatives qui démontrent la place grandissante de la puissance chinoise dans le monde.
Quelle forme prend cette guerre?
Balance commerciale de la Chine en 2016

Balance commerciale de la Chine en 2016.
Photo : Radio-Canada / Banque mondiale
Source : Banque mondiale
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Le président américain a décidé d’imposer une série de tarifs sur les importations chinoises. C’est-à-dire que des biens qui auparavant étaient exemptés de droits de douane en vertu d’accords commerciaux se retrouveront à nouveau imposés.
Depuis le début du mois de mars, une série de produits ont ainsi été taxés entre 15 % et 25 %.
La Chine a répliqué en taxant elle aussi une série d’importations en provenance des États-Unis.
Trois séries de discussions à haut niveau au mois de mai n'ont pas permis de rapprochement.
Est-ce que la méthode américaine pourrait fonctionner?
M. Trump a décidé de contourner les méthodes habituelles de résolution de conflits de l’OMC, soutient M. Su.
« Sa façon de régler les problèmes est de court-circuiter tous les mécanismes multilatéraux, avec une approche un peu cowboy, en disant : "Je vais mettre de la pression jusqu’à ce que vous vous soumettiez à nos demandes". »
À court terme, c’est la Chine qui a le plus à perdre, dans la mesure où elle exporte bien plus vers les États-Unis que ceux-ci n’exportent vers elle.
« Mais, à long terme, cette manière de faire les choses pourrait avoir des effets pervers pour les États-Unis et pour le monde », craint Zhan Su.
À quoi s’attendre?
« S’il y a une guerre commerciale entre les deux pays, personne n’en sortira gagnant », croit Zhan Su.
Les consommateurs seront les premiers touchés, puisqu’ils risquent de devoir payer plus cher leurs produits.
Et si l’économie chinoise subit un contrecoup, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui pourra être touchée.
Cependant, il y encore place à la négociation, croit-il. « La Chine est prête à faire beaucoup plus de concessions, mais il faut trouver des solutions qui lui permettent de sauver la face », affirme M. Su.