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Familles séparées : le Canada devrait se regarder dans le miroir, disent des Autochtones

Une manifestation lors de l'audition de la cause en août

Des survivants de la rafle des années 60 se rassemblent à Toronto, le mardi 23 août 2016.

Photo : La Presse canadienne / Michelle Siu

Radio-Canada

Au moment où les États-Unis suscitent une vague d'indignation partout dans le monde avec leur politique migratoire, le Canada doit mettre fin à ses propres politiques de séparation des familles autochtones, estime Cindy Blackstock, professeure à l'Université McGill qui milite depuis des décennies pour les droits des enfants.

Un texte de Laurence Niosi

Depuis avril, près de 2000 enfants migrants ont été séparés de leurs parents arrêtés à la frontière américaine pour l'avoir franchie sans papiers. Une politique que l'administration de Donald Trump revendique au nom d’une « tolérance zéro » contre l'immigration illégale.

Au Canada, les Autochtones ont également connu les traumatismes de la séparation de leur famille et de leur culture. Entre la fin du 19e siècle et 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats dirigés par des religieux.

« Plusieurs des enfants envoyés aux pensionnats étaient emmenés sans que leurs parents le sachent. Ils jouaient dehors, par exemple, et ils étaient enlevés puis envoyés aux pensionnats. Certains ne revenaient jamais », souligne en entrevue à Radio-Canada la professeure et directrice de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, qui est membre de la Nation Gitksan, en Colombie-Britannique.

Pendant les années 60, 70 et 80, 20 000 enfants autochtones ont en outre été enlevés de leur famille et placés dans des familles non autochtones dans le cadre de la rafle des années 60 (« Sixties Scoop »).

« Ça ressemble beaucoup à ce qui se passe aux États-Unis », souligne la professeure Blackstock, tout en déplorant le manque d’empathie des Canadiens à l’égard des enfants qui grandissent dans leur propre pays.

« C'est beaucoup plus facile pour les Canadiens de voir l'injustice envers les enfants à l’international que d'assumer la responsabilité que nous avons envers les enfants canadiens. L’indignation atteint son paroxysme quand ça vient d’ailleurs. Avec les enfants autochtones et les terribles injustices qu’ils subissent de la part des gouvernements canadien et provinciaux, le public ne fait pas preuve d’autant de vigilance », ajoute-t-elle.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, devant Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières Nations.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, devant Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières Nations.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Aujourd’hui encore, les enfants autochtones représentent 52 % des enfants placés en famille d’accueil, alors qu’ils ne constituent que 7,7 % de la population canadienne. Un phénomène que plusieurs personnes surnomment le « Millennial Scoop », référence à la rafle des années 60.

La surreprésentation des Autochtones en foyer constitue le cheval de bataille de Cindy Blackstock, qui a déposé une plainte en 2007 contre le gouvernement du Canada devant le Tribunal canadien des droits de la personne, dénonçant la discrimination raciale à l’endroit des enfants autochtones.

« Tout ce que ça prend pour que les enfants grandissent dans leur famille, c’est assurer l’égalité des chances. Il faut aussi cibler les impacts intergénérationnels, les problèmes de dépendance, et fournir aux enfants la base, comme de l’eau propre et du logement », souligne la professeure.

« Extrêmement honteux »

Outre Cindy Blackstock, d'autres observateurs ont fait le parallèle entre les séparations des familles à la frontière américaine et celles imposées aux familles autochtones au Canada et aux États-Unis.

« On dirait que ces deux États coloniaux ont de la difficulté à respecter les droits des Autochtones. Ils n'ont pas appris des erreurs du passé, c'est comme une boucle infinie », a déploré la militante mohawk Ellen Gabriel en entrevue à Radio-Canada.

Des élèves du pensionnat autochtone Brocket, en Alberta, en 1930, sont debout en uniformes d'élèves derrière deux religieux assis.

Des élèves du pensionnat autochtone Brocket, en Alberta, en 1930.

Photo : Archives provinciales de l'Alberta

Sur son compte Twitter, elle dénonçait les politiques du président Trump, « qui rappellent la politique des pensionnats autochtones. Extrêmement honteux », écrivait-elle.

Et la séparation des familles autochtones n'est pas une chose du passé, ajoute-t-elle. « Il y a plus d'enfants dans les services de protection de l'enfance que dans les pensionnats », rappelle celle qui s'est fait connaître pendant la crise d'Oka.

Ellen Gabriel cite également à titre d’exemple la séparation des enfants inuits au cours d’évacuations médicales au Québec, une pratique qualifiée de « barbare » par des médecins et des leaders inuits.

Sur son compte Twitter, la politicienne américaine d'origine anichinabée Peggy Flanagan comparait quant à elle la politique migratoire au régime de pensionnats autochtones (les « Indian boarding schools ») aux États-Unis. « Le geste d'arracher les enfants à leurs parents n’est pas nouveau aux États-Unis. Le fait de séparer les enfants de leurs familles afin de “tuer l'Indien pour sauver l'homme” en envoyant des enfants autochtones dans des pensionnats, et en le faisant au nom de la religion, remonte à une seule génération », écrivait-elle dimanche dernier.

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