Hébergement des aînés : une facture salée pour revenir chez soi

Aîné en résidence.
Photo : Radio-Canada
Des personnes âgées doivent parfois assumer de lourdes sommes pour quitter une résidence privée pour personnes âgées. Ces lieux d'hébergement qui offrent des services et des soins sont soumis aux règles de la Régie du logement et les raisons pour rompre un bail sont peu nombreuses. Trop souvent, malheureusement, les personnes âgées l'ignorent.
Un texte de Joane Bérubé
Partir en résidence est souvent un choix difficile, souligne Michel Côté du Comité vigilance en santé de la Matanie. C’est toujours d’une lourdeur et d’un stress pour l’aîné. Ce sont des personnes qui sont démunies, qui ont des problèmes de santé et là, ils se voient au cœur d'une problématique entre les gens qui s'occupent d'eux et leurs proches et le système de santé.
Ce choix, qui vient souvent avec la maladie, est encore plus ardu quand il oblige la séparation d’un couple ou l'éloignement des proches.
Il peut, de plus, s’avérer coûteux.
Cet hiver, la direction d'une résidence a réclamé le paiement de 10 mois de loyer pour la cession de bail d'une dame que la famille voulait rapatrier à Matane. Ces proches ont pu négocier le montant de la pénalité, mais la facture a atteint plusieurs milliers de dollars.
Cette famille de Matane est parmi la dizaine de familles qui ont déposé ce printemps une plainte à la Commissaire aux plaintes et à la qualité des services du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent, Stéphanie Bush.
Stéphanie Bush, qui n’a pas voulu commenter cette plainte, rappelle néanmoins que les résidences privées pour aînés (RPA) sont des entreprises privées et que ce sont les règles de la Régie du logement qui s’appliquent.
Résidence pour personnes âgées (RPA) : résidences privées accréditées selon des normes par le ministère. Le loyer est fixé par le propriétaire. Les RPA peuvent aussi offrir des services spécialisés : problèmes cognitifs, réadaptation, santé mentale, etc.
Une option d'hébergement
Lorsque la maladie frappe une personne âgée, le CISSS évaluera la personne et la réfère à un lieu d’hébergement approprié à sa condition.
Les RPA, dont la gamme de services et de soins est de plus en plus étendue, font partie des options.
C’est le CISSS qui juge de la qualité de leurs soins et de leurs services et accorde ou non une certification à ces résidences.
Les aînés qui sont hébergés dans des résidences certifiées ont droit à des crédits d’impôt, mais le CISSS n’a pas autorité sur leurs tarifs et leur gestion.
- En 2016, le secteur public représentait 17 % des 155 742 unités d’hébergement pour aînés.
- Les RPA représentent près de 70 % de l’offre du marché pour les aînés ayant besoin d’un logement avec services. Le logement avec services destiné aux aînés constitue ainsi un secteur largement privatisé sur lequel l’État exerce un rôle de supervision et d’encadrement.
Source : la FADOQ
Négocier son bail
Selon les dispositions de l’article 1974 du Code civil, une personne âgée peut résilier son bail si elle est admise de façon permanente dans un CHSLD, dans une ressource pour aînés qui offrent les soins requis par l’état de la santé de la personne.
Deux mois de loyer sont alors versés en compensation au locateur.
Quelques endroits, surtout quand la famille énonce des besoins temporaires, acceptent de négocier un bail de quelques mois. Il faudrait que ce soit plus connu cette possibilité de négocier au préalable le délai du bail ou les conséquences. Qu’est-ce qui va arriver si je veux déménager si je trouve une place qui correspond mieux à ce que j’aspire, plus près de ma famille ou qu’importent les raisons
, commente Stéphanie Bush.
Il s’agit en effet du résultat d’une négociation puisque le rapatriement dans la localité d’origine de la personne âgée ne fait pas partie, a priori, des dispositions qui permettent la rupture d’un bail.
Plusieurs résidences pour personnes âgées, notamment celles qui disposent de plusieurs dizaines, voire de plus d’une centaine d’unités de logements ou de chambres, offrent une gamme de soins médicaux très complète. Il devient alors difficile de résilier le bail si cela n'a pas été discuté au préalable.
Et, rappelle Stéphanie Bush, c’est au propriétaire, et non au CISSS, de déterminer s’il souhaite louer temporairement une place pour une situation urgente ou autre. On peut les inciter, on peut les encourager, mais on ne peut pas les obliger comme organisation à avoir ça
, relève la Commissaire.
Plusieurs autres aspects sont à négocier avec les propriétaires de résidences privées et il est de plus en plus important, souligne la Commissaire aux plaintes, que les personnes âgées soient accompagnées lorsque vient le temps de signer le contrat de location.
Être accompagné
Cet accompagnement est un réel besoin, renchérit Nathalie Lavoie, directrice du Centre d’aide et d’assistance aux plaintes (CAAP) du Bas-Saint-Laurent. On sait que la moyenne d’âge dans les résidences pour aînés est de 84 ans et souvent, c’est le premier bail de leur vie et il y a un manque d’informations.
D’autant plus que chaque soin, chaque service est facturé. Les gens pensent qu’ils doivent accepter les montants suggérés, mais les prix sont aussi très variables, note-t-elle, puisqu’il n’y a aucun critère. D’une résidence à l’autre, les prix peuvent changer, alors c’est possible de négocier au niveau des prix
, souligne Mme Lavoie.
Une personne peut facilement payer un loyer de 1800 $, voire 2000 $ par mois, qui grimpera à plus de 3000 $ avec les soins et les services.
Selon le Regroupement québécois des résidences pour aînés, la moyenne provinciale des loyers avec soins assidus était de 3200 $ par mois en 2017.
Toutefois, en cas de cession de bail, seul le loyer est à payer. Les gens ne le savent pas, relève Mme Lavoie, mais c’est pour ça que les services sont dans une annexe à part [NDLR dans le bail] pour que la personne puisse avoir le prix de son loyer et le prix de ses services à part.
Un projet-pilote
Le Centre d’aide et d’assistance aux plaintes (CAAP) du Bas-Saint-Laurent a pu profiter d’un projet-pilote l’an dernier pour accompagner les aînés et leurs familles dans la négociation de leur bail en résidence privée. Le projet a aussi permis d’organiser des séances d’information. Quelques personnes ont aussi été accompagnées à la Régie du logement.
Les résultats, selon Mme Lavoie, sont probants et les besoins ont été reconnus par Québec. La Protectrice du citoyen, dans un rapport spécial d’enquête, recommandait que les CAAP puissent accompagner les aînés quand ils ont des problèmes avec leur bail
, ajoute la directrice du CAAP.
Avec le vieillissement de la population et l’accès de plus en plus limité en CHSLD, le besoin est là pour rester, selon Mme Lavoie.
C’est aussi ce que croit le directeur général du Regroupement québécois de résidences pour personnes âgées, Yves Desjardins.
Selon ce dernier, compléter un bail et son annexe peut prendre de deux à trois heures. C’est, dit-il, une clientèle qui n’est pas familière avec tous les papiers légaux. On voudrait qu'il y ait un bail simplifié, plus adapté.
Des représentations à cet effet ont été effectuées auprès des ministres responsables.
Le Centre d’aide et d’accompagnement aux plaintes souhaiterait que Québec reconduise le projet-pilote et l’étende à l’ensemble de la province.
Une demande a été déposée. Le financement demandé est de 80 000 $ par Centre d’aide et d’accompagnement.