Trump et l’art de négocier

Les 16 premiers mois du président Trump à la Maison-Blanche n’ont pas mis en évidence ses talents de négociateur.
Photo : Reuters / Carlos Barria
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Donald Trump répète inlassablement être le maître de la négociation. Son livre, The Art of the Deal (L'art de négocier), paru en 1987, a d'ailleurs contribué à faire de lui une supervedette du monde des affaires aux États-Unis et à l'étranger.
Un texte de Christian Latreille, correspondant à Washington
Trump a ensuite convaincu les Américains d’élire un négociateur à la Maison-Blanche et non un politicien professionnel. Tout au long de sa campagne électorale, il s’est vendu comme étant le plus grand des négociateurs. Une majorité d’électeurs l’ont cru et le croient toujours.
Cependant, le président Trump peut-il encore prétendre au titre d’as du marchandage après plus d’un an à la Maison-Blanche? Difficilement, écrit le site Politico, qui a posé la question à plusieurs experts en négociation.
« Il n’était pas bon négociateur en affaires et encore moins comme président », affirme Marty Latz, dont le livre The Real Trump Deal sera publié ce mois-ci.
Il n’a pas l’empathie ni la créativité qui caractérisent les grands négociateurs.
Négocier en affaires vs en politique

Donald Trump lors du lancement de son libre "Think Big and Kick Ass" en octobre 2007 à New York
Photo : Getty Images / Spencer Platt
Donald Trump a connu ses heures de gloire dans la trentaine au moment où il a réussi à convertir le vieil hôtel Commodore de Manhattan en très luxueux Grand Hyatt à Grand Station. Sans compter la construction de la Trump Tower, un autre de ses grands succès.
Mais ce qui fonctionne dans le secteur privé ne fonctionne pas toujours dans le secteur public. « Quand vous manquez de retenue dans le privé, vous en payez le prix personnellement; mais quand vous échouez dans le secteur public, ce sont les autres qui écopent », soutient Deepak Malhotra de l’Université Harvard et auteur du livre Negotiating the Impossible (Négocier l'impossible).
Par contre, les 16 premiers mois du président Trump à la Maison-Blanche n’ont pas mis en évidence ses talents de négociateur. Trump a été incapable de négocier avec le Congrès l’abolition et le remplacement d’Obamacare. Impossible aussi, pour lui, de convaincre le Mexique de payer son mur à la frontière. Et il n'a toujours pas pu conclure une entente pour le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Faute d’en arriver à des ententes, Donald Trump a démontré qu’il sait comment les défaire. Il a sorti les États-Unis de l'accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique, de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire et de l’entente transpacifique sur le libre-échange.
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De plus, Trump ne serait pas très doué dans ses négociations personnelles, selon Politico.
Jeff Zucker, ex-dirigeant de NBC, actuel patron à CNN, raconte que Donald Trump gagnait 50 000 $ pour animer la populaire émission The Apprentice. Il a réclamé un million dollars par épisode pour la deuxième saison. « Nous lui avons offert 60 000 $ par émission, c’est-à-dire le prix que nous voulions le payer », affirme Zucker à Politico.
L’auteur de The Art of the Deal (livre paru en français sous le titre Trump par Trump), Tony Schwartz, explique qu’il avait facilement convaincu Donald Trump de lui offrir la moitié des 500 000 $ d’avance de l’éditeur en plus de 50 % des redevances, ce qui est exceptionnellement généreux pour un contrat de livre. « L’entente sur la publication de son propre livre illustre bien que Trump est un mauvais négociateur », affirme Deepak Malhotra.
Tact, diplomatie et relations internationales

Donald Trump attend le début de la session de travail du G20 à Hamburg, en Allemagne, le 8 juillet 2017.
Photo : AFP/Getty Images / AFP Contributor
À l’heure où le président des États-Unis s’apprête à s’asseoir avec le leader de la Corée du Nord, plusieurs experts remettent en question les capacités de négociateur de Donald Trump. « Il s’est déjà placé en position intenable en démontrant qu’il souhaitait absolument en arriver à une entente avec Kim Jong-un », constate Marty Latz.
Depuis, le président américain s’est montré plus réaliste quant à ses attentes avec la Corée du Nord. Vendredi dernier, il concluait que plusieurs rencontres pourraient être nécessaires pour aboutir à un accord sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. « On verra ce qu’on verra », a-t-il lancé après un tête-à-tête, à Washington, entre le bras droit de Kim Jong-un et le secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Au moment où le président Trump s’apprête à négocier avec Pyongyang, il en va de l’intérêt du monde entier qu’il retrouve ses réflexes de négociateur d’antan. Le sommet du 12 juin à Singapour sera l’occasion de prouver qu’il maîtrise encore l’art de négocier. Il sera alors en face d’un jeune dictateur dans la trentaine rompu à l’art de la propagande et de la tactique.