Quand la technologie se met au service des aînés

Environ 34 % des personnes âgées de plus de 65 ans utilisent un téléphone intelligent, une proportion appelée à croître.
Photo : iStock / Yongyuan Dai
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le gouvernement de Philippe Couillard entend investir plus de 12,3 milliards de dollars au cours des prochaines années pour « soutenir le vieillissement actif ». Parmi les 85 mesures annoncées lundi par la ministre responsable des Aînés, Francine Charbonneau, on trouve l'intention de soutenir les « innovations en gérontechnologie ».
Un texte de Vincent Champagne
Chaque jour, à 10 h du matin, la Magogoise Marthe Gaudette reçoit un appel téléphonique. Ce n’est pas un membre de sa famille ou une amie qui veut prendre des nouvelles : c’est un robot. Mme Gaudette, 91 ans, est abonnée au programme Pair.
Si elle ne répond pas, le système téléphonique tente de la rappeler 10 minutes plus tard. S’il n’y a toujours pas de réponse, un troisième appel est lancé. Par la suite, un proche, qu’il s’agisse d’un ami ou d’un voisin, est appelé par la centrale pour aller voir si tout se passe bien. En dernier recours, c’est la police qui débarque.
Je trouve que c’est une prudence, même si je ne suis pas peureuse. Ça soulage les proches de ces soucis de nous savoir vivre seule, et de craindre qu’il arrive quelque chose.
Surtout qu’elle connaît des gens qui ont eu des accidents à la maison et qui ont été secourus tardivement. « J’en connais même une qui est décédée, et on l’a retrouvée trois jours plus tard », dit Mme Gaudette.
Le système téléphonique auquel est abonnée Mme Gaudette, comme environ 6000 autres personnes au Québec, est un bon exemple de ce que l’on nomme une gérontechnologie, soit une technologie au service des personnes âgées.
C’est l’entreprise Somum Solutions qui a développé le logiciel au début des années 1990. « Depuis 30 ans, on a fait à peu près 500 sauvetages, affirme Yves Cournoyer, vice-président de l'entreprise. « On a sauvé plusieurs vies », renchérit-il.
Le problème du service, c’est qu’il est peu connu, admet M. Cournoyer, qui aimerait voir plus de 100 000 personnes âgées en bénéficier.
La grande région de Montréal, notamment, n’est pas desservie.
« Pour environ 2,5 millions de dollars par année, le Québec serait couvert au complet, dit M. Cournoyer, qui surveillera attentivement l’annonce du gouvernement dans le domaine des aînés. Ce n’est pas si cher que ça, pour s’occuper de nos personnes âgées. Souvent, c’est le seul appel qu’ils ont dans la journée. »
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Une offre en forte croissance
Des produits technologiques destinés aux personnes âgées, Jeff Proteau en a vu beaucoup, la semaine dernière, à la Paris Healthcare Week.
« Il y en avait tellement, c’était impressionnant », dit le fondateur de Virus Santé communication, une agence de marketing spécialisée dans le domaine de la santé.
M. Proteau a été particulièrement amusé par une peluche en forme de bébé phoque, toute blanche, avec de grands yeux noirs attendrissants.
Le petit robot est programmé pour détecter les réactions faciales des personnes âgées, ainsi que leurs émotions. Il réagit en se blottissant, à la manière d’un chat, en émettant des ronrons.
Selon l’entreprise qui le fabrique, le petit phoque contribue à faire diminuer le sentiment de solitude chez les personnes âgées seules qui ne sont pas en mesure de s’occuper d’un animal de compagnie bien vivant.
Le Québec n’échappe pas au vieillissement de la population qui frappe le monde occidental. Environ un cinquième de la population a, en ce moment, plus de 65 ans. En 2060, ce sera presque un tiers.
À cette date, il y aura presque 30 fois plus de centenaires qu’aujourd’hui, indique le gouvernement. C’est dire qu’il y a un marché à prendre pour les entreprises qui offrent aux personnes âgées des produits et services technologiques.
La population est vieillissante, alors les technologies médicales qui sont développées en ce moment sont beaucoup influencées par ce facteur-là.
« L’usage du numérique par nos aînés, ça ne fait que commencer », estime pour sa part Mélanie Normand, directrice de projets au Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO). Mais, « les aînés sont intéressés, sont curieux, ils ne voient plus ça comme quelque chose qui ne s’adresse pas à eux », dit-elle.
Mme Normand a contribué à une étude commandée par le Secrétariat aux aînés du ministère de la Famille, qui a permis de recenser plus d’une centaine d’initiatives québécoises liées à la gérontechnologie.
Ça peut être utilisé à toutes sortes de fins, par exemple pour briser l’isolement, inviter les gens à communiquer entre eux, à s’exercer de façon interactive. Il y a toutes sortes d’applications qui peuvent contribuer à rendre un aîné plus autonome ou plus actif dans son milieu de vie.
Selon le CEFRIO, le nombre de personnes de plus de 65 ans qui utilisent des outils technologiques ne fait qu’augmenter d’année en année. En 2016, plus de 63 % des aînés utilisaient Internet au moins une fois par semaine. Plus de 40 % d’entre eux possédaient une tablette. Plus d’un tiers communiquaient régulièrement par courriel. Un cinquième utilisait Facebook.
Ces données ne font qu’augmenter chaque année.
Les jeunes d’aujourd’hui, déjà habiles avec la technologie, sont les personnes âgées de demain, rappelle Mme Normand. Il est à prévoir qu’ils chercheront à répondre à leurs besoins d’abord par la technologie, puisque c’est avec ce réflexe qu’ils auront vécu.