Les tarifs américains sur l'acier et l'aluminium canadiens sont entrés en vigueur

Un travailleur de l'acier d'ArcelorMittal Dofasco à Hamilton en Ontario
Photo : Reuters / Mark Blinch
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les tarifs douaniers américains de 25 % sur les importations d'acier et de 10 % sur les importations d'aluminium en provenance du Canada, du Mexique et des 28 pays membres de l'Union européenne sont entrés en vigueur à minuit. Une décision qui pourrait déclencher une guerre commerciale.
Un texte de François Messier
Les tarifs en question avaient été annoncés en mars, mais ils avaient été suspendus de façon temporaire pour le Canada, le Mexique, l'Union européenne (UE), le Brésil, l'Argentine, l'Australie et la Corée du Sud avant même d'entrer en vigueur, afin que des négociations avec ces pays puissent avoir lieu.
Lors d'une séance téléphonique de breffage technique jeudi matin, le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a toutefois confirmé à la presse que le président Donald Trump a finalement décidé de ne pas prolonger ces exemptions au-delà du 31 mai pour le Canada, le Mexique et l'UE.
Dans le cas du Canada, du Mexique et de l’Union européenne, il a décidé de ne pas prolonger ces exemptions. Conséquemment, ils seront soumis aux tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium à compter de minuit, ce soir.
Le Brésil, l'Argentine, l'Australie et la Corée du Sud n'y seront toutefois pas assujettis, a précisé M. Ross, puisqu'ils ont accepté de réduire leurs exportations d'acier et d'aluminium aux États-Unis. Le principe de cette entente avec les Sud-Coréens avait été révélé fin mars.
Dans le cas du Canada et du Mexique, l'administration Trump avait lié les exemptions de tarifs douaniers à des progrès dans les négociations en vue d’un nouvel accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Selon M. Ross, ces progrès ont cependant été insuffisants jusqu'ici.
Ces pourparlers prennent plus de temps que nous l'espérions. Il n'y a plus de date très précise sur leur conclusion. Conséquemment, ils [le Canada et le Mexique] ont été ajoutés à la liste de ceux qui devront subir les droits de douane.
Des discussions de nature commerciale avec la Commission européenne ont aussi eu lieu ces dernières semaines, a aussi dit le secrétaire Ross, mais, malgré « quelques progrès », elles « n'ont pas atteint le point où il était justifié de prolonger l'exemption temporaire ou d'accorder une exemption permanente ».
Pas d'impact sur le sommet du G7, croit Ross
Le secrétaire américain au Commerce a dit croire que la décision américaine ne nuira pas aux discussions qui auront lieu lors du sommet du G7 à La Malbaie, dans la région de Charlevoix, les 8 et 9 juin, même si six des pays membres de l'organisation – le Canada, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et l’Italie – seront dorénavant touchés par ces nouveaux tarifs douaniers.

Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross lors d'un discours le 12 avril 2018 à Lima, au Pérou.
Photo : Reuters / Andres Stapff
« Il y a régulièrement des désaccords entre deux pays sur un enjeu ou un autre. Cela ne signifie pas nécessairement que ça fait dérailler d'autres discussions. Cela dépend de la façon dont les différentes parties réagissent », a laissé tomber Wilbur Ross.
Dans une entrevue publiée jeudi dans Le Figaro, M. Ross avait clairement indiqué que les partenaires des Américains seraient à blâmer pour toute détérioration des relations commerciales. S'il y a une escalade, ce sera parce que l'UE aura décidé de riposter », avait-il fait valoir.
Pour mettre en vigueur ces droits de douane sur l'acier et l'aluminium, les États-Unis invoquent un article rarement utilisé dans une loi sur le commerce datant de 1962 qui permet au président de décréter des tarifs douaniers sur certaines importations, si cela est jugé nécessaire pour la sécurité nationale.
« Sans une économie forte, la sécurité ne peut pas être forte », a expliqué M. Ross à ce sujet. Les États-Unis ont donc étudié cette question en considérant « l'impact global » sur l'industrie américaine de la « surcapacité d'acier et d'aluminium » sur les marchés.
Aucun pays visé par les sanctions n'est ainsi considéré comme un risque pour la sécurité nationale américaine par lui-même, a-t-il précisé.
Dans une déclaration publiée quelques heures après l'annonce de M. Ross, la Maison-Blanche a précisé que l'administration Trump va « poursuivre les discussions » avec le Canada, le Mexique et l'UE afin de régler les problèmes de sécurité nationale engendrés selon elle par leurs importations d'acier et d'aluminium.
Ces tarifs « ont déjà eu des impacts positifs majeurs pour les travailleurs de l'acier et de l'aluminium et cela se poursuivra pendant encore longtemps », écrit-elle. « En même temps, les actions de l'administration Trump soulignent son engagement envers des négociations de bonne foi avec nos alliés pour renforcer notre sécurité nationale tout en soutenant les travailleurs américains ».
Wall Street clôture en baisse
Les marchés boursiers ont réagi négativement à l'annonce du secrétaire Ross. La Bourse de New York a terminé dans le rouge, jeudi.
Le Dow Jones a perdu 252 points, ou 1 %. Le Nasdaq a cédé 0,27 %, alors que l'indice S&P 500 a abandonné 0,69 %.
« Si le marché pensait vraiment que les États-Unis entrent dans une guerre commerciale frontale avec non seulement l'Union européenne, mais aussi le Canada et le Mexique, ses deux principaux partenaires commerciaux, les indices chuteraient beaucoup plus », a commenté Gregori Volokhine de Meeschaert Financial Services à l'AFP.
Les investisseurs ont pris l'habitude de volte-face de la part de l'administration Trump et considèrent sans doute les dernières décisions comme une nouvelle tactique dans un processus de négociations encore en cours.
Des mesures de rétorsion annoncées
L’Union européenne et le Mexique ont confirmé dans les minutes qui ont suivi l'annonce de M. Ross qu'ils mettront en oeuvre des mesures de rétorsion en imposant des tarifs douaniers sur certaines importations américaines, et le Canada a aussi annoncé clairement ses intentions à ce sujet.
Le premier ministre canadien Justin Trudeau et sa ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland ont commenté la décision américaine en après-midi. Le Canada a annoncé qu'il imposera des surtaxes, ou d'autres mesures similaires visant à restreindre le commerce, sur des importations d'acier, d'aluminium et d'autres produits provenant des États-Unis, et ce, à un montant allant jusqu'à 16,6 milliards de dollars canadiens.
« S'il y a des tarifs qui sont imposés sur l'acier et sur l'aluminium, on va avoir, oui, de la difficulté pour les travailleurs et pour les compagnies ici, au Canada », a reconnu mercredi M. Trudeau, après une discussion avec le vice-président américain, Mike Pence.
« Ça va aussi faire mal à des consommateurs, à des travailleurs et à des industries aux États-Unis, puis je pense que c'est une mauvaise chose », a-t-il ajouté.
Mme Freeland avait pour sa part réitéré mardi que le Canada répliquerait si les États-Unis imposaient des tarifs douaniers sur les importations d'acier et de l'aluminium.
Notre gouvernement est toujours très disposé et très prêt à répondre de manière appropriée à chaque action. Nous sommes toujours disposés et prêts à défendre nos travailleurs et notre industrie.
La Commission européenne a pour sa part annoncé depuis longtemps qu’elle imposera des tarifs douaniers de 3,4 milliards de dollars sur des exportations américaines si les droits de douane sont exigés.
À lire aussi:
- Les tarifs frapperont d’abord les consommateurs
- 7 questions à Jean Charest sur les hostilités commerciales entre les États-Unis et le Canada (et le monde)
- Tarifs américains sur l'aluminium et l'acier canadiens : l'industrie crie à l'injustice
- L’UE et le Mexique répliquent à la hausse des tarifs douaniers américains
L'importance de l'industrie de l'acier et de l'aluminium
Le Canada est depuis de nombreuses années le plus important fournisseur d'acier des États-Unis. Selon les chiffres officiels du département américain du Commerce, les firmes canadiennes ont exporté 5,8 millions de tonnes métriques d'acier chez leur voisin du Sud l'an dernier, ce qui représente 17 % de toutes les importations américaines.
Suivent ensuite le Brésil (14 %), la Corée du Sud (10 %), le Mexique (9 %), la Russie (8 %), la Turquie (6 %), le Japon (5 %) et l'Allemagne (4 %).
Le Canada est aussi le premier fournisseur d’aluminium primaire des États-Unis, avec des importations totalisant 2,76 millions de tonnes métriques en 2016, selon un rapport du département américain du Commerce publié en février. Cela représente plus de 80 % de toute la production canadienne.
Cette production provient essentiellement du Québec, où se trouvent 9 des 10 alumineries du pays.