Et si le prochain premier ministre ontarien ne parlait pas français?

De gauche à droite : Doug Ford, Andrea Horwath (photo : Radio-Canada/CBC/John Rietiet), Kathleen Wynne
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang et Sean Kilpatrick
La possibilité que le prochain premier ministre ne parle pas couramment la langue de Molière est bien réelle en Ontario : deux des trois chefs des principaux partis ne parlent pas français. Ce serait une première en 15 ans, mais qu'est-ce que cela signifierait pour les électeurs francophones?
Un texte de Jérémie Bergeron
Doug Ford, du Parti progressiste-conservateur, ne parle pas français. Andrea Horwath, la chef néo-démocrate, utilise quelques mots d’usage dans ses discours, mais préfère rapidement revenir à la langue de Shakespeare. Seule Kathleen Wynne peut tenir un discours en français.
Les récents sondages donnent tour à tour l’avance aux conservateurs ou au NPD. Aussi, il semble de plus en plus probable que le prochain premier ministre puisse être un anglophone unilingue.
Mais même sans parler le français, cela ne veut pas pour autant dire que les Franco-Ontariens seront oubliés, croit la professeure adjointe au Département de sciences politiques du Collège militaire royal Stéphanie Chouinard. Il s'agit davantage d'une sensibilité à la cause franco-ontarienne, selon elle.
« Quelqu’un qui ne parle pas français, ça ne veut pas dire que c’est quelqu’un qui n'a aucune habileté à comprendre les enjeux des francophones en Ontario », soutient Mme Chouinard.
« »
Des gains sous des règnes d'unilingues anglophones
Les exemples du passé prouvent d’ailleurs qu’il ne faut pas nécessairement parler français pour faire avancer les droits des francophones en Ontario.
« La plupart des grands gains qui ont été faits pour les Franco-Ontariens [se sont déroulés lorsque] des premiers ministres qui ne parlent pas un mot de français [étaient en poste] », rappelle l’historien Serge Dupuis.
Par exemple, et ce, malgré la crise de l’Hôpital Montfort, les conservateurs de Mike Harris ont instauré les conseils scolaires francophones.
Les libéraux, eux, ont inauguré la Loi sur les services en français dans les années 1980, sous le règne de David Peterson, qui ne parlait pas beaucoup français.
Chaque fois, les leaders étaient toutefois entourés dans leur caucus de quelques députés francophones.
D'hier à aujourd'hui, même situation?
De leur côté, les chefs unilingues Andrea Horwath et Doug Ford ont-ils un intérêt pour assurer la vitalité des 600 000 francophones en Ontario?
« Pour les néo-démocrates [...], le programme politique actuel, c’est certainement celui qui est le plus ambitieux », considère Serge Dupuis.
« On parle notamment de donner à l'université de langue française proposée à Toronto [un mandat] à l'échelle de la province. On parle même de rendre l’Ontario officiellement bilingue. »
À la lumière d'un questionnaire de l’Assemblée générale de la francophonie de l’Ontario (AFO), auquel les chefs des partis ont répondu, Stéphanie Chouinard croit que Doug Ford et son équipe ont beaucoup de devoirs à faire.
Chaque leader devait, entre autres, énumérer pour l’AFO ses trois grandes priorités à titre de potentiel futur premier ministre.
Dans ses réponses, le Parti progressiste-conservateur donne peu de précisions sur les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour les francophones.
« »
Mais selon la professeure adjointe, quel que soit le nom du vainqueur des élections provinciales le 7 juin prochain, les Franco-Ontariens devront continuer à militer pour se faire entendre. « Les organismes représentatifs de la communauté franco-ontarienne vont avoir du pain sur la planche, c’est certain », conclut Mme Chouinard.