Confrontée à des pénuries d'eau, Sao Paulo doit développer ses infrastructures

Les réservoirs de Sao Paulo à sec en 2015
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une saison particulièrement sèche a presque vidé les réservoirs d'eau de la ville de Sao Paulo au Brésil, faisant craindre le pire à ses millions d'habitants. Cette crise survient alors que deux nouveaux systèmes d'approvisionnement viennent d'être inaugurés. Ces infrastructures seront-elles suffisantes?
Un texte de Jean-Michel Leprince
Une telle crise de l’eau surprend dans un pays qui possède 13 % des réserves mondiales d’eau douce. Mais le problème date de plusieurs décennies : moins de précipitations, combiné à une population de plus en plus importante et à de mauvaises politiques publiques de gestion de l'eau.
En 2014, le gigantesque système de Cantareira, construit à la fin des années 1970, qui approvisionne en eau 45 % des 20 millions d'habitants de Sao Paulo et de sa banlieue, est tombé à un minimum historique. Même chose pour les réservoirs des deux autres bassins, comme celui de Guarapiranga.
L’eau couvre plus de 70 % de la surface de la Terre, et pourtant, il s'agit d'une ressource en péril. Toute la semaine, nous explorons différents angles liés à ce sujet dans notre série « L'eau, cette ressource menacée ».
Le manque de précipitations, accompagné de températures élevées en été comme en hiver qui accélèrent l'évaporation des barrages, explique cette première crise. Les précipitations pendant la saison des pluies d'octobre à mars étaient insuffisantes. En novembre, il était tombé 90 mm, contre une moyenne habituelle de 161,2 mm.
La population a paniqué. Les plus riches se sont fait creuser des puits. La majorité des foyers doivent désormais penser à leur consommation d'eau et utiliser pour la première fois l’eau avec parcimonie.

Sao Paulo et sa banlieue comptent 22 millions d'habitants
Photo : Radio-Canada
Les autorités, dont la SABESP, la compagnie des eaux, sixième en importance du monde, qui dessert 26 millions d’habitants dans la grande région de Sao Paulo, n'arrivaient pas à gérer la crise.
La présidente de la compagnie a été renvoyée et remplacée par un ingénieur en hydrologie, Jerson Kelman, qui a pris la barre au pire de la crise; il restait à peine un mois d'eau en réserve. La SABESP a qualifié la fin des réserves de « plan de fin du monde ».
Pour ne pas être de nouveau prise de cours, la SABESP a accéléré ses plans d’expansion, mais ils n’étaient pas tout à fait prêts en mars 2018. Heureusement, la pluie est venue calmer le jeu.

Une application permet de suivre le niveau quotidien de l'eau des réservoirs.
Photo : Radio-Canada
Capter l’eau de plus en plus loin
Pourtant, autrefois, la grande région de Sao Paulo n'avait aucun problème d’accès à l’eau.
Mais aujourd'hui, la bruine (garoa en portugais) a disparu et on estime que 5000 sources naturelles ont été asséchées.
Le grand fleuve Tietê, emblème de la ville de Sao Paulo qu’il traverse, est un égout à ciel ouvert qu’il sera impossible de dépolluer avant 10 ou 20 ans, si on y met les moyens.
Alors l’eau, il faut la chercher ailleurs, de plus en plus loin.

Le Rio Tietê traverse la ville de Sao Paulo.
Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince
Ce sont des travaux titanesques : l’usine de traitement de Sao Lourenço va chercher de l’eau à 50 km au sud-est de Sao Paulo, lui fait gravir une pente de 330 mètres grâce à des pompes puissantes et ajoute 6,5 mètres cubes par seconde aux réserves de la grande ville.
Un autre système permet de raccorder les réservoirs de Rio de Janeiro avec ceux de Sao Paulo. Une canalisation de 20 kilomètres, avec six tunnels.
Ainsi, grâce à un système de pompes réversibles, on peut faire passer de l’eau de Rio de Janeiro à Sao Paulo, ou vice versa, quand le besoin se fait sentir. Jusqu’à cinq mètres cubes par seconde sont alors ajoutés aux réserves. Les deux infrastructures ont été inaugurées en avril 2018.
Avec tout ça, la SABESP pense être tranquille pour les 20 prochaines années.
Sauf si la nature se déchaîne. D'ailleurs, elle devient de plus en plus imprévisible. En mars 2016, des pluies torrentielles ont fait au moins 19 morts dans la région de Sao Paulo. De telles sécheresses et de telles tempêtes ne se voyaient pas dans le passé.
SOS forêts
L’urbanisation massive et l’agriculture extensive ont pratiquement éliminé la « mata atlantica », comme on appelle la forêt native de la côte brésilienne.
« Ce qu’on voit, c’est que la forme de pluie a changé dans ces villes, explique Pedro Roberto Jacobi, professeur à l’Institut énergie et environnement à l’Université de Sao Paulo. À cause de quoi? De la déforestation autour des réservoirs et de l’expansion de l’agriculture dans l’État de Sao Paulo, principalement celle de la canne à sucre pour l’alcool. »

La forêt «mata atlantica» disparaît au profit de terres agricoles.
Photo : Radio-Canada
La seule solution : reboiser. Ce qui se fait, mais encore trop timidement. L’ONG SOS Mata Atlantica en a fait sa mission.
D’autres vont plus loin encore pour trouver les causes des changements climatiques de Sao Paulo : la déforestation en Amazonie.
« L'Amazonie exporte de l'humidité et apporte des pluies dans le sud-est, le centre-ouest et le sud du Brésil, mais aussi dans d'autres régions de Bolivie, du Paraguay et d'Argentine, à des milliers de kilomètres, précise Antonio Donato Nobre de l'Institut national de recherches spatiales. La sécheresse exceptionnelle que vit la région sud-est du Brésil, spécialement Sao Paulo, peut déjà être le résultat de la destruction de l'Amazonie. »
Les scientifiques soulignent également que les fortes pluies en Asie-Pacifique, la température plus élevée des océans et la sécheresse en Californie sont interconnectées et font partie du même déséquilibre mondial.