Conversation Nord-Sud

Justin Assevak tenant la casquette offerte par un étudiant d'une école secondaire de Gatineau grâce à l'organisme J'aime les Premiers Peuples.
Photo : Trudy Ferguson/I Love First Peoples
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des élèves d'une école de Beaconsfield, en banlieue de Montréal, ont noué des liens particuliers avec des jeunes Inuits dont ils n'avaient jamais entendu parler auparavant. L'expérience n'est pas unique, elle s'est même répandue à travers le Canada à l'initiative de l'organisme J'aime les Premiers Peuples.
Un reportage d'Anne-Marie Yvon
Quand Justin Assevak a ouvert la boîte à chaussures qui lui était destinée, un grand sourire a illuminé son visage. Pas de souliers à l’intérieur, mais une casquette et quelques autres objets spécialement choisis pour lui par un jeune de son âge qu’il ne connaît pas.
La boîte, préparée à l'école secondaire de Gatineau, a parcouru 1615 km (à vol d’oiseau) avant d’atterrir sur son pupitre de l’école Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq au Nunavik.
Quelques mois plus tard, à l’école primaire St Edmunds de Beaconsfield, Camilla admire un bricolage que lui a envoyé Joey, un garçon de 4e année de l’école Ulluriaq. Son dessin représente des mocassins. Au verso, il écrit avoir été heureux de recevoir, dans sa boîte à chaussures, des cartes de Uno. Il en profite pour lui raconter qu’il aime la chasse… et la pizza!

Josée Lusignan et Ian Speirs de l'organisme J'Aime les Premiers Peuples distribuent les bricolages préparés par les élèves de l’école Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq au Nunavik aux élèves de l’école primaire St. Edmunds de Beaconsfield.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Yvon
Un peu partout au Canada, des échanges du genre ont lieu, instaurés en 2013 par Josée Lusignan. Cette année-là, elle réalise qu’à moins de 300 km de chez elle se trouve une communauté autochtone, une des plus pauvres au Canada. Les Algonquins de Lac Barrière ne sont pas branchés au réseau d’Hydro-Québec. L’électricité est fournie par un générateur central, quand il n’est pas en panne.
Dur constat pour Josée qui s’était jusqu’alors impliquée dans des organismes provinciaux d'aide humanitaire et de bienfaisance.
« J'aime les Premiers Peuples »
Elle crée donc I Love First Peoples/J’aime les Premiers Peuples dans l’espoir de briser le cycle de la pauvreté dans la vie des jeunes Autochtones.
Pour Josée Lusignan, le changement doit commencer à l’école, la persévérance scolaire est son atout gagnant. Elle s’entoure de modèles autochtones et se tourne aussi vers des non-Autochtones pour l’aider à accomplir sa tâche. Des écoles participent, mais pas seulement, des entreprises, des universités, des centres d’amitié s’y mettent aussi.
« Un message d’amitié pas de charité »
Des milliers de boîtes ont été distribuées depuis cinq ans, des boîtes à chaussures devenues des boîtes-cadeaux ont égayé la vie de nombreux jeunes Autochtones à travers le pays. Des vidéos et des photos ont également été échangées.
« On vise les régions éloignées ou semi-éloignées où les jeunes souvent se sentent seuls », précise Josée Lusignan en ajoutant qu’« ils ne savent pas, justement, qu’il y a ce désir de connexion de la part des jeunes vivant dans le sud. »
Elle se souvient d’un garçon qui lui disait : « moi j’pensais jamais qu’il y avait des gens, il a dit d’autres races, qui se souciaient de moi ou qui s’intéressaient à moi. » Ce jeune et bien d’autres sont étonnés et bien contents de savoir qu’on veut les connaître.
Keven, Camilla, Sofia et Alexandra de la classe de Jennifer Hayden, à l’école primaire St. Edmunds de Beaconsfield, ont rempli leurs boîtes-cadeaux, comme leurs autres petits camarades de classe. Ils y ont mis des jeux, des bonbons, des brosses à dents ou du ruban gommé qui ont été remis dans le cadre du projet de jumelage avec l’école Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq.
Par la même occasion, ils ont appris comment on vit dans le Nord. Mais ils ont encore plein de questions à poser. Et puis Keven aimerait bien y aller pour chasser avec ses nouveaux amis. Camilla pense qu’une virée dans le Nord serait une belle expérience.

Dans le cadre de l'activité organisée en collaboration avec l'organisme J'Aime les Premiers Peuples, les jeunes de l'école primaire St. Edmunds de Beaconsfield ont appris les us et coutumes de leurs nouveaux amis de l’école Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq au Nunavik.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Yvon
Pendant ce temps, dans le Nord, la directrice adjointe de l’école Ulluriaq, Nancy Etok, considère elle aussi que cet échange ne peut être que fructueux. Le Nunavik n’étant pas vraiment connu, il s’agit pour elle d’une belle occasion pour que les jeunes puissent apprendre les uns des autres.
« Ils connaissent les Premières Nations, mais des fois ils disent : les Inuits, c’est quoi ? Des fois ils font l’association qu’on est des Premières Nations mais nous sommes des Inuits. » Nancy Etok
Pour cette première incursion en terre inuite, J’aime les Premiers Peuples s’est associé à la commission scolaire Kativik et à Johnny Issaluk. Athlète des Jeux arctiques et acteur, en vedette dans le film Indian Horse, Johnny Issaluk a animé des ateliers, autant au Nord qu’au Sud, où il a raconté ses nombreuses aventures personnelles et professionnelles.
En plus d’ouvrir le dialogue avec des jeunes d’horizons bien différents, le projet de J'aime les Premiers Peuples a aussi pour but d’éveiller l’espoir chez les jeunes Autochtones et l’envie de persévérer pour à leur tour aider leur communauté.
Quand l’univers s’en mêle
Et quand les boîtes-cadeaux ont été distribuées, la joie était à son comble. Nancy Etok se rappelle d’une étudiante, dont le surnom est Chewbacca comme le héros de Star Wars, tombée des nues en ouvrant sa boîte pour y découvrir un toutou chewbacca. « Comme si l’univers s’en était mêlé », rigole Nancy en parlant aussi de la boîte remplie d’équipements de camping destiné à un jeune du primaire grand amateur de camping.
Pour tous ces jeunes, un lien d’amitié venait d’être créé, lien que tous souhaitent durable, précise Josée Lusignan, présidente et membre fondatrice de J’aime les Premiers Peuples qui a constaté que les jeunes ne voulaient plus vivre dans l’ignorance. « J’ai vraiment espoir que eux ensemble, avec nos amis qui vivent dans les communautés, vont faire changer les choses. »
Les projets de J’aime les Premiers Peuples se poursuivent partout au Canada avec une nouveauté, une incursion dans les communautés francophones.

Des élèves de l'école primaire St. Edmunds de Beaconsfield viennent de recevoir les bricolages préparés par des élèves de l’école Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq au Nunavik.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Yvon