Prix des libraires 2018 : La bête creuse et Betty Boob récompensés

Le romancier Christophe Bernard, la dessinatrice Julie Rocheleau et l'essayiste Jonathan Durand Folco
Photo : Radio-Canada / Pascale Fontaine
Le roman La bête creuse, de Christophe Bernard, et la bande dessinée Betty Boob, de Julie Rocheleau et Véronique Cazot, font partie des gagnants des prix des libraires du Québec 2018, remis mercredi soir à Montréal.
Un texte de Pascale Fontaine et Antoine Aubert
Un premier roman, 10 ans d’écriture et, finalement, une grande réussite. La folle fresque gaspésienne de Christophe Bernard, sortie en octobre, a conquis les libraires d’ici dans la catégorie du roman québécois.
« Avec un prix comme celui-ci, il y a cette impression soudaine d’avoir des portes ouvertes et un public qui se met en place. Je n’ai plus l’impression d’écrire seul dans mon bureau pour mes tiroirs. C’est très motivant. »
La bête creuse, où l'on suit les tribulations de la famille Bouge sur plusieurs générations, entre ruée vers l’or et alcoolisme, a été préféré à De bois debout (Jean-François Caron), Le jeu de la musique (Stéfanie Clermont), Le palais de la fatigue (Michael Delisle) et Noms fictifs (Olivier Sylvestre).
Se retrouver dans le panthéon des Gaétan Soucy, Dany Laferrière, Anaïs Barbeau-Lavalette et Samuel Archibald est à la fois encourageant et intimidant pour ce traducteur qui vit maintenant à Burlington, dans le Vermont.
Le Suédois Jonas Gardell est l’autre romancier heureux des résultats. Son N'essuie jamais de larmes sans gants a été distingué parmi les romans de la catégorie hors Québec. L’auteur y raconte les hauts et les bas de plusieurs homosexuels dans le Stockholm années 1970-1980.
Du côté de la poésie, Les adieux a remporté la mise. Pour son onzième recueil, René Lapierre pose la question de la définition et de la signification de l’amour, évoquant ce thème sur un siècle à travers différentes histoires.
La bande dessinée enfin récompensée
La soirée a également vu le triomphe d’une bande dessinée aux couleurs flamboyantes, mais au sujet sombre. Betty Boob a fait beaucoup parler dès sa parution, en septembre dernier. Dans une série de dessins exempts de dialogues, l'auteure Véro Cazot et la dessinatrice Julie Rocheleau ont imaginé le destin de Betty, femme qui, atteinte d’un cancer du sein, doit subir une mastectomie. L’univers du burlesque lui permet de surmonter l’épreuve et de se sentir de nouveau à l’aise avec son corps.
« C’était un défi d’aborder un sujet très délicat [comme le cancer du sein], avec une bande dessinée muette et, en plus, slapstick. On aurait pu tellement se planter. Mais finalement, les retours vont bien au-delà de nos espérances. »
Les deux filles ont travaillé très fort, malgré cet énorme doute, parce que, ultimement « vivre, c’est le fun », rappelle Julie Rocheleau, fière de ce bouquin réconfortant et honorée d’être choisie parmi plusieurs autres bédéistes québécois talentueux.
Une sœur, de Bastien Vivès, a pour sa part gagné le prix de la BD hors Québec. Le Français y raconte la relation amoureuse à part de deux adolescents pendant les vacances estivales.
L’essai qui a fait jaser durant les élections à Montréal
Enfin, Jonathan Durand Folco et son ouvrage À nous la ville!, dont les idées ont résonné au moment des élections municipales l’automne dernier, ont été récompensés dans la catégorie du meilleur essai. La nouvelle réjouit particulièrement ce jeune professeur de l’Université Saint-Paul, à Ottawa, puisqu’il s’agit de son tout premier essai et d’une distinction nouvellement créée.
« J’ai lu la plupart des très bons essais en lice – des Alain Denault, Bernard Émond –, je m’attendais à les voir parmi les finalistes, et c’est moi, le jeune, qui me retrouve là. »
Si la lune de miel semble avoir pris fin entre Valérie Plante et les Montréalais, ce professeur en philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa se dit « assez surpris des choses que les élus sont capables de faire avancer ». Il encourage les citoyens à saisir les occasions de pousser de nouveaux projets, au lieu de regarder agir les politiciens en place.
Les gagnants (en gras) et les finalistes des Prix des libraires du Québec 2018
Roman québécois
La bête creuse, Christophe Bernard (Le Quartanier)
De bois debout, Jean-François Caron (La Peuplade)
Le jeu de la musique, Stéfanie Clermont (Le Quartanier)
Le palais de la fatigue, Michael Delisle (Boréal)
Noms fictifs, Olivier Sylvestre (Hamac)
Roman hors Québec
N’essuie jamais de larmes sans gants, Jonas Gardell (Gaïa)
Nos richesses, Kaouther Adimi (Seuil)
Dans l’épaisseur de la chair, Jean-Marie Blas de Roblès (Zulma)
Les fantômes du vieux pays, Nathan Hill (Gallimard)
Le séducteur, Jan Kjærstad (Monsieur Toussaint Louverture)
Bande dessinée québécoise
Betty Boob, Véro Cazot et Julie Rocheleau (Casterman)
Titan, François Vigneault (Pow Pow)
L’esprit du camp, t.1, Michel Falardeau et Cab (Studio Lounak)
Bande dessinée hors Québec
Une sœur, Bastien Vivès (Casterman)
La terre des fils, Gipi (Futuropolis)
Oublie mon nom, Zerocalcare (Cambourakis)
Poésie québécoise
Les adieux, René Lapierre (Les Herbes rouges)
Ne faites pas honte à votre siècle, Daria Colonna (Poètes de brousse)
Là où fuit le monde en lumière, Rose Eliceiry (Éditions de l’écrou)
911, Daniel Leblanc-Poirier (L’Hexagone)
Essai québécois
À nous la ville!, Jonathan Durand Folco (Écosociété)
Le Québec n’existe pas, Maxime Blanchard (Varia)
Le principe du cumshot, Lili Boisvert (VLB)
Le piège de la liberté, Denys Delâge et Jean-Philippe Warren (Boréal)