Changements climatiques : des cibles ambitieuses, un échec annoncé?

Québec a réduit de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, alors que l’objectif fixé pour 2020 est de 20 %.
Photo : iStock / rui_noronha
Un groupe d'universitaires lance un cri du cœur pour que le gouvernement du Québec fasse de l'environnement une priorité. L'initiative bénévole et non partisane « Le climat, l'État et nous » vise à repenser complètement l'action publique en environnement.
Un texte de Catherine Mercier, de La semaine verte
Issus d’horizons variés, ces experts universitaires soulignent un paradoxe : tous les partis politiques québécois et la majorité de la population reconnaissent la nécessité de limiter le réchauffement climatique et, pourtant, malgré ce consensus, la province s’enlise.
« L’échec qu’on vit aujourd’hui a un coût, un coût monétaire, c’est-à-dire qu’on gaspille de l’argent, on perd de l’argent, dans des efforts qui ne mènent à rien », explique Normand Mousseau, professeur à l’Université de Montréal et l’un des instigateurs de l’initiative.
Le gouvernement du Québec a déjà dépensé plus de 1 milliard de dollars pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020 par rapport à 1990. Pourtant, selon les dernières données disponibles, les réductions stagnent autour de 8 %, encore très loin du compte.
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Dépenser ainsi peut « décourager » ou « démobiliser » les citoyens, estime le professeur, qui ajoute que ces fonds ne servent pas à améliorer la situation du Québec en matière d’économie, d’environnement ou de santé.
Changements au ministère et dans la loi
Soutenu par le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, le groupe « Le climat, l'État et nous » propose notamment la création d’un poste de ministre du Développement durable dont le rôle, semblable à celui du président du Conseil du Trésor, permettrait d’assurer la cohérence des actions gouvernementales.
« Ce qu’on voit ailleurs, c’est que les décisions liées à ces grands engagements-là doivent être sorties du ministère de l’Environnement et ramenées auprès des centres de décisions économiques », note M. Mousseau.
Car, une fois que les objectifs environnementaux ont été fixés, « ce n’est plus un problème environnemental, c’est un problème économique », explique-t-il.
Le groupe d’experts suggère également des changements législatifs.
L’actuelle Loi sur le développement durable « ne couvre que 40 % des interventions du gouvernement du Québec », peut-on lire sur la plateforme web du groupe « Le climat, l'État et nous ».
À sa création en 2006, cette loi ne devait pas s’appliquer immédiatement aux ministères de la Santé et de l’Éducation, les deux plus importants postes budgétaires du gouvernement. Douze ans plus tard, la situation n’a pas changé. Une loi révisée devrait, selon les scientifiques, toucher l’ensemble de la société.
Inspirés par le Royaume-Uni
Pour arriver à ces suggestions, les scientifiques ont invité les citoyens à réagir, par l’entremise de leur plateforme web, l’hiver dernier.
Ils se sont également inspirés de ce qui se fait ailleurs dans le monde, notamment au Royaume-Uni.
Là-bas, la création d’un comité indépendant sur les changements climatiques, qui suggère au gouvernement un « budget carbone », donne des résultats fort intéressants, selon Normand Mousseau.
« On s’assure de dire : voici le total des émissions dans ma société, voici où je vais être dans 2 ans, 10 ans, 20 ans et voici maintenant comment je vais attacher mes fils, d’une année à l’autre, pour y arriver. »
Ainsi, contrairement au Québec, le Royaume-Uni « a suivi année après année le chemin qu’ils ont annoncé il y a 10 ans pour arriver à leurs objectifs et à leurs cibles ».
« Le climat, l'État et nous » proposera sous peu une déclaration aux divers partis politiques les exhortant à s’engager sur les questions environnementales à l’approche des élections. Le groupe de scientifiques a déjà reçu l’appui de nombreux représentants de la société civile.
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