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L'attaque de lundi à Toronto était-elle un acte terroriste?

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale

Photo : La Presse canadienne / Chris Young

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

À Toronto, l'enquête sur l'attaque au camion-bélier de lundi se poursuit, mais la police écarte toujours pour l'instant la possibilité qu'un acte terroriste ait été commis. Les autorités semblent donc être réticentes à décrire le geste de l'auteur présumé de l'attaque, Alek Minassian, comme un acte terroriste.

Un texte de Jean-Philippe Nadeau

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, le répète depuis lundi : rien ne prouve pour l'instant que l'attaque de lundi était un acte terroriste, malgré toute la terreur qu'il inspire. « La sécurité nationale n'a pas été menacée », a-t-il dit.

Le directeur du Réseau canadien de la recherche sur le terrorisme, la sécurité et la société, Lorne Dawson, pense qu'il y a lieu d'être circonspect avec tout ce qui circule sur les réseaux sociaux de nos jours. « Les autorités sont maintenant plus prudentes, parce qu'elles sont beaucoup plus sensibles aux préjugés portés contre certains groupes minoritaires, lesquels peuvent rapidement fausser la réalité. »

Au Canada, l'article 83 du Code criminel définit le terrorisme comme « un acte commis au nom, exclusivement ou non, d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique » en vue d'intimider la population « quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s'en abstenir ».

M. Dawson ajoute que dans un tel contexte, l'attaque de lundi ne correspond pas tout à fait à cette définition, parce que l'accusé ne semble avoir agi que selon des intérêts personnels encore obscurs, « à moins qu'il n'avoue explicitement dans les prochains jours qu'il a agi au nom d'un groupe en particulier ».

Il mentionne néanmoins qu'il existe une zone grise qu'il faudra peut-être mieux éclaircir dans la loi.

«  »

— Une citation de  Le directeur du Réseau canadien de la recherche sur le terrorisme, la sécurité et la société, Lorne Dawson

M. Dawson reconnaît qu'il existe de la confusion dans le public lorsque se produit une attaque d'une ampleur aussi tragique, qu'on associe parfois faussement à un acte terroriste. « Il y a des gens qui ont pensé dès le début que l'accusé provenait du Proche-Orient à cause de la consonance de son nom, mais il est inquiétant de constater que certains individus dans la société, voire certains médias, associent immédiatement un attentat de ce genre à la religion musulmane ou un groupe ethnique en particulier. »

L’avocat Ari Goldkind
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L’avocat Ari Goldkind

Photo : Radio-Canada

L'avocat-criminaliste de la défense Ari Goldkind n'hésite pas à parler d'un acte terroriste, mais cette appellation ne signifie pas selon lui que les autorités doivent déposer pour autant des accusations liées au terrorisme.

Il applaudit d'ailleurs à la décision des autorités de ne pas l'avoir fait. Il doute que de telles accusations voient le jour dans l'avenir. « Un acte terroriste est plus difficile à prouver au sens de la loi devant un tribunal; cela ne ferait que prolonger le processus judiciaire. »

«  »

— Une citation de  L'avocat-criminaliste de la défense, Ari Goldkind

Me Goldkind ajoute que la loi accorde aux juges la discrétion d'imposer des peines consécutives aux individus qui sont reconnus coupables de multiples meurtres. Dans l'éventualité où Alek Minassian serait reconnu coupable au terme d'un procès, il risquerait une peine de 250 ans de prison uniquement pour les dix principaux chefs d'accusation de meurtre prémédité. « Le public peut donc dormir tranquille, justice sera faite et il ne sortira jamais de prison. »

L'avocat souligne que le prévenu pourrait en revanche être acquitté au terme d'un procès pour terrorisme, parce qu'il faudra prouver au-delà de tout doute raisonnable ses motivations idéologiques.

Me Goldkind ajoute que des accusations de terrorisme ouvriraient par ailleurs la porte « à des arguments politiques qui seraient utilisés par des extrémistes de gauche comme de droite pour leurs propres intérêts », ce qui n'est pas nécessaire selon lui.

Il explique que les procureurs de la Couronne auraient notamment pour tâche dans ce cas-ci d'expliquer la position du Canada au sujet de ses relations avec certains pays ou certains groupes, comme le groupe armé État islamique ou Al-Qaïda. « Si des accusations relatives au terrorisme devaient être déposées, cela sera seulement pour des raisons purement politiques. »

Des policiers devant une fourgonnette blanche.
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La camionnette blanche qui a frappé des dizaines de piétons lundi 23 avril 2018 dans le centre-ville de Toronto.

Photo : La Presse canadienne / Aaron Vincent Elkaim

Dans un procès pour meurtre prémédité, la Couronne aura au contraire la tâche facile, selon lui, de prouver au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé, puisqu'elle possède l'arme du crime, le corps des dix victimes et de nombreux témoins oculaires, sans compter des photos et des vidéos de l'attaque. « Si on ne tient pas compte de la douleur que ce procès risque de raviver, c'est le procès rêvé de tout procureur, même si la Couronne fera croire au public que sa tâche est complexe », conclut-il.

Un bandeau annonçant le dossier de Radio-Canada sur l'attaque au camion-bélier

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