Bissonnette aurait planifié une autre tuerie, selon un psychologue

Une illustration d'Alexandre Bissonnette lors de son passage devant le juge le 26 mars 2018
Photo : Radio-Canada / Francis Desharnais
L'auteur de la tuerie à la mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, se serait rendu dans un centre commercial du secteur Sainte-Foy à l'automne 2016 dans l'intention d'y abattre des personnes.
C’est ce qu’il a raconté au psychologue Marc-André Lamontagne, qui a témoigné lundi au palais de justice de Québec dans le cadre des recommandations sur la peine du tueur.
M. Lamontagne a rencontré Alexandre Bissonnette à deux reprises, les 3 et 6 avril derniers, afin d’évaluer son risque de récidive. Le psychologue l’a dépeint comme une personne narcissique et fragile, obsédée par l’idée de vieillir, d’avoir une famille et de mourir.
Lors d’un entretien, le jeune homme lui aurait confié s’être rendu au centre commercial Laurier Québec, 2 mois avant la fusillade au Centre culturel islamique, avec 2 armes, notamment un pistolet de type Glock, et de 5 chargeurs contenant 10 balles chacun.
Bissonnette aurait alors jonglé avec l’idée de tuer des gens et celle de mettre fin à ses jours. Toujours selon le psychologue, il se serait rendu au café Starbucks du centre commercial, où il aurait travaillé sur son ordinateur personnel un certain temps avant de repartir chez lui, se sentant incapable de passer à l’acte.
Avant de se rendre au centre Laurier Québec, il aurait envisagé de perpétrer une tuerie de masse à l’Université Laval.
Bissonnette aurait par ailleurs menti pour obtenir ses permis de port d’armes. Marc-André Lamontagne affirme que le jeune homme n’avait pas déclaré ses antécédents psychologiques aux autorités délivrantes.
Élément déclencheur
Au cours de son témoignage, Marc-André Lamontagne est revenu sur les idées suicidaires qu’entretient Alexandre Bissonnette depuis l’adolescence ainsi que sur les médicaments qu’il prend pour contrôler son anxiété. Le psychologue a également parlé de la proximité du tueur avec son père et de la relation distante qu’il a avec sa mère.
C’est à la suite de la tuerie de masse survenue à Isla Vista, en Californie, le 23 mai 2014, que Bissonnette aurait commencé à développer des idées meurtrières. Il se serait identifié à l’auteur de la fusillade, Elliot Rodger, qui a abattu 6 personnes en plus d’en blesser 14 autres pour ensuite s’enlever la vie.
L’idée de s’en prendre à des « terroristes » lui serait venue après la fusillade qui a fait une cinquantaine de morts, dont le tueur, le 12 juin 2016 dans une boite de nuit d’Orlando.
Bissonnette était persuadé qu’en ouvrant le feu à la mosquée de Québec, il avait de bonnes chances de tuer « un fanatique dangereux » ou un « terroriste » susceptible de se trouver parmi les fidèles.
Comme il l’a révélé lors de son interrogatoire, il croyait pouvoir sauver des vies en prévenant la perpétration d’attentats en sol québécois.
Risque de récidive
Dans l’éventualité où Alexandre Bissonnette retournait rapidement à la vie en société, Marc-André Lamontagne qualifie son risque de récidive de modéré.
« Je doute que les conséquences psychologiques de l'intimidation dont a été victime M. Bissonnette se soient totalement dissipées », a-t-il écrit dans son rapport.
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L’expert appelé à témoigner pour la défense croit qu’il soit possible, éventuellement, de réhabiliter Alexandre Bissonnette. Il refuse toutefois de se prononcer sur le temps qu’il faudra pour y arriver.
Victime d’intimidation
Plus tôt en matinée, la défense a fait témoigner Lucie Côté, une enseignante à la retraite qui a donné des cours à Alexandre Bissonnette en 2e et 4e secondaire.
Elle a raconté que son élève était constamment victime d’intimidation. L’ex-enseignante, qui a dit regretter de ne pas être intervenue davantage, a aussi confié avoir été bouleversée d'apprendre qu'il était l'auteur de la fusillade à la mosquée de Québec.
Lucie Côté a invité le juge à laisser à Alexandre Bissonnette un peu d'espoir de réhabilitation. « Alexandre, ce n'était pas un monstre, monsieur le juge », a déclaré Lucie Côté.
La retraitée dit avoir contacté elle-même l'aide juridique pour offrir son témoignage.
« Il n’est pas fou, Alexandre. Il en était à son deuxième bac. Sauf qu’à partir du primaire, il a été traité avec malveillance », a-t-elle mentionné à sa sortie de la salle d’audience.
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Vibrants témoignages
La défense prévoit faire entendre jusqu'à cinq témoins cette semaine, principalement pour établir l'état de santé mental de l'auteur de la fusillade et les risques de récidive violente.
La semaine dernière, la Couronne a fait entendre de nombreuses victimes de l’attentat, des proches et des personnes blessées. La famille Belkacemi, la fille d’Azzedine Soufiane et Aymen Derbali, notamment, ont rendu de vibrants témoignages devant le juge François Huot.
Alexandre Bissonnette a plaidé coupable à six accusations de meurtre au premier degré et à six chefs de tentatives de meurtre relativement à la fusillade de la grande mosquée de Québec.
Il sera condamné à la prison à vie. Les recommandations sur la peine visent à déterminer le temps qu'il devra passer en prison avant de pouvoir faire une demande de libération conditionnelle.
Cette période d'un minimum de 25 ans pourrait théoriquement atteindre 150 ans, soit 25 ans par meurtre.
Avec les informations de Yannick Bergeron
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