Une carte manuscrite du fleuve Saint-Laurent refait surface

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a fait l'acquisition d'une carte du fleuve Saint-Laurent datée du 18e siècle.
Photo : BAnQ
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une carte ancienne qui décrit le fleuve Saint-Laurent de l'Outaouais à l'île d'Anticosti a récemment été acquise par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Les cartothécaires ont dû longuement étudier et analyser le document pour découvrir son auteur.
Un texte d'André Bernard, de Découverte
L’histoire commence par une entrevue à l’émission Désautels le dimanche, en novembre 2016. Le collectionneur montréalais Alfred Van Peteghem, aujourd’hui décédé, y annonce la mise à l’encan d’objets rares, dont une carte manuscrite du fleuve Saint-Laurent.
La nouvelle ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd.

Le bibliothécaire de la BAnQ, Daniel Chouinard
Photo : Radio-Canada
Une pièce de cette importance-là, ça ne repasserait peut-être plus jamais, si on ne réussissait pas à l'acheter à ce moment-là.
La vente a lieu deux jours plus tard. Il fallait rapidement estimer la valeur potentielle de la carte, débloquer les fonds et faire une offre.
Il y avait urgence, se rappelle Daniel Chouinard, responsable des achats de documents patrimoniaux à BAnQ. 48 heures plus tard, il fait une mise de 14 000 $.

Daniel Chouinard est responsable des achats de documents patrimoniaux à la BAnQ.
Photo : Radio-Canada
Le lendemain, il reçoit un courriel de la maison qui a mené l’encan à Toronto.
« Le courriel commence par "Congratulations" qui est évidemment le mot qu'on a envie de lire quand on a misé aux enchères », raconte-t-il.

Les trois feuillets de la carte décrivent le fleuve Saint-Laurent de l’Outaouais à l’île d’Anticosti.
Photo : BAnQ
La carte décrit le fleuve Saint-Laurent en trois feuillets distincts, de l’Outaouais à l’île d’Anticosti, à trois échelles différentes. C’est une carte manuscrite, un objet rare. Des quelque 90 000 cartes contenues dans la réserve de BAnQ Rosemont–La Petite-Patrie, quelques-unes seulement sont manuscrites.
On ne sait pas dans quel contexte la carte achetée par BAnQ a été produite, ni même à qui elle était destinée. On ne connaît ni son auteur ni le moment de sa création. On présume que d’autres documents devaient à l’origine l'accompagner et fournir ces informations. Ils ont sans doute été séparés de la carte à un moment dans son parcours.
Pour les cartothécaires Jean-François Palomino et Alban Berson, le mystère reste entier.
En regardant la carte, on voit bien qu'elle est ancienne, mais on a envie de lui dire : "Tu n'es pas datée, tu n'es pas signée... Tu es qui, toi?"
Le reportage d'André Bernard et Louis Faure a été présenté à l'émission Découverte, à ICI Radio-Canada Télé.
Percer les mystères de la carte

Les cartothécaires Jean-François Palomino (gauche) et Alban Berson (droite) examinent le document.
Photo : Radio-Canada
C’est l’examen minutieux du papier, du filigrane du papetier, des toponymes, de la calligraphie et des représentations de certains éléments graphiques qui va les mener à l’auteur présumé de la carte.
Son nom? Jacques-Nicolas Bellin. Cartographe français, il a produit plusieurs cartes de la Nouvelle-France. Il aurait produit celle-ci autour de 1733.
« Bellin est un cartographe de cabinet, explique le cartothécaire Jean-François Palomino. Il a fait des cartes très précises du monde sans avoir lui-même voyagé. Il est toujours resté à Paris, mais il avait l'avantage d'avoir accès à une masse considérable de documents qui étaient envoyés au ministère de la Marine (notamment au Dépôt des cartes et des plans de la Marine), en France, où on organise et on consigne l'information avant de la transmettre aux représentants du Roi. »

La carte est précieusement conservée à la BAnQ.
Photo : Radio-Canada
Le Saint-Laurent était, à l’époque, le fleuve de tous les dangers. Des navires y faisaient régulièrement naufrage.
Dès le début de la colonie, bien avant l’époque de Jacques-Nicolas Bellin, une série d’hydrographes et de cartographes se relaient pour cartographier les routes de navigation les plus sûres. Cette cartographie naissante du fleuve Saint-Laurent était cruciale pour le ravitaillement de la colonie, le commerce et la défense.
Dans ce contexte, quelle place cette carte de Jacques-Nicolas Bellin occupe-t-elle? À quel usage était-elle destinée? Autant de questions qui restent pour l’instant sans réponse.
Je ne dirais pas que c'est la carte la plus importante de l'époque de la Nouvelle-France. C'est une carte qui se situe dans une évolution pour mieux connaître le fleuve et ensuite diffuser cette information de façon très ciblée.
La valeur de cette carte réside sans doute ailleurs, dans le regard que les historiens et les amateurs de navigation poseront sur elle.
BAnQ l’a mise en ligne pour que le public puisse en apprécier tous les détails.