
Pour la dernière pièce de sa 50e saison, le Théâtre français de Toronto s'attaque au répertoire classique, mais avec une forte résonance contemporaine. La comédie Le menteur, de Pierre Corneille, est présentée du 11 au 22 avril.
Un texte de Camille Feireisen
Il s'agit d'une des rares comédies baroques du dramaturge, plus connu pour ses pièces tragiques.
Le menteur raconte l'histoire du jeune Dorante qui s'éprend de Clarice, mais en pensant que celle-ci s'appelle Lucrèce.
Une méprise qui le conduira à inventer une cascade de mensonges auprès de son entourage qui le presse pourtant d'épouser Clarice, mais que Dorante pense ne pas connaître.
La comédie se bâtit sur une erreur qui s'amplifie à mesure que le personnage s'enfonce dans ses mensonges, entraînant famille et amis dans le tourbillon.
Mais au-delà de l'histoire, le menteur narre surtout une révolte contre les normes établies et l'autorité.
Aussi la pièce a beau avoir été écrite au 17e siècle, elle sonne encore d'actualité, selon le metteur en scène, Joël Beddows.
« C'est une pièce de jeunes, c'est une comédie avec beaucoup de revirements. On s'est fait plaisir à faire des comparaisons avec des personnages de la télévision américaine et populaire », explique-t-il.
Ses comédiens abondent dans le même sens.
« C'est une pièce du 17e siècle, c'est vrai, mais la nature humaine n'a pas changé tant que cela. On a des téléphones et différentes affaires qui ont évolué techniquement, mais à l'intérieur on est pas mal pareil », pense Guy Mignault, qui incarne Géronte, le père de Dorante.

On passe notre vie à mentir. Des fois par omission, des fois par gentillesse, des fois par peur de blesser, des fois par appât du gain.
Pour Guy Mignault, qui a été directeur artistique du TfT avant de passer le flambeau à Joël Beddows en juin 2016, passer du côté des planches est une expérience « formidable ».
Il ne souhaiterait d'ailleurs pas revenir du côté des coulisses et de la mise en scène. « J'ai moins de responsabilités, et ce sont de nouveaux défis », confie-t-il.
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Le mensonge
Joël Beddows espère aussi élargir les horizons des spectateurs et faire réfléchir au mensonge, au-delà des notions du bien et du mal.
« Le mensonge est une stratégie comme la vérité est parfois une stratégie pour obtenir des choses avec des objectifs en tête. Alors c'est important de se poser la question : pourquoi je mens? Car tout le monde ment. Et avec quels objectifs, vraiment : est-ce que je veux ménager les sentiments de quelqu'un ou est-ce que je cherche à blesser? C'est tellement omniprésent dans la société actuelle et chez nos politiciens. »

Je voudrais faire un petit retour sur le pourquoi on ment chez l'individu, parce que c'est là que ça commence et peut-être que si notre culture politique dérape c'est peut-être parce que, comme citoyen, on ne se pose pas assez cette question-là.
Cette réflexion est également portée par la beauté de la langue de Corneille selon le metteur en scène, qui n'a pas changé un mot aux vers du dramaturge.
Une écriture poétique
De son côté, Valérie Descheneaux, qui incarne Clarice, évoque les défis que pose l'écriture en vers de Corneille.
« On se laisse séduire par la beauté des vers, des rimes, il faut malgré tout ça, soutenir un propos et être le plus véridique possible. C'est comme un tiraillement durant le travail, entre partir dans la poésie ou être là et livrer l'action et l'émotion », décrit-elle.

Entre disco française, chansons populaires et musique techno, le barème musical s'étend sur 30 ans, « avec pour fil conducteur la frénésie », explique Joël Beddows.
Une frénésie qui, comme le mensonge, emporte le public dans un imbroglio de situations parfois comiques ou plus tragiques.
Mais comme il s'agit avant tout d'une comédie, les ingrédients habituels ne sont pas omis : jeu de miroirs, quiproquos, comique de mots, de gestes et de situations.
Et comme dans toute pièce classique, y a-t-il une morale?
« À chacun de trouver sa morale. Parce que, faisons un acte de conscience, tout le monde ment à un moment. Mais est-ce que quand on est le moindrement diplomate, on n'est pas complètement hypocrite? C'est le genre de question qu'on peut se poser. Et ce genre de spectacle là nous amène à nous poser ces questions, c'est le fun, hein? », conclut, tout sourire, Guy Mignault.

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