Révolution dans le traitement de la migraine

Une femme aux prises avec un intense mal de tête.
Photo : Getty Images
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
De nouveaux traitements préventifs, à base d'anticorps, se sont montrés capables de réduire la fréquence et l'intensité des crises chez la majorité des patients migraineux qui les ont utilisés. Un vent d'espoir pour des millions de personnes aux prises avec ces maux de tête intenses.
Un texte de Jean François Bouthillette, de l'émission Les années lumière
C’est l’aboutissement d’années de recherche et la plus grande percée des dernières décennies, dit-on, dans le traitement de la migraine.
Dans de récents essais cliniques de phase III, menés auprès de centaines de patients dans divers pays du monde, trois groupes pharmaceutiques ont pu noter une réduction majeure de la fréquence des migraines et de leur intensité, grâce à leurs nouveaux traitements qui s’attaquent à la cause de ces intenses maux de tête.
Nancy Mc Dermott compte parmi les patients atteints de migraine chronique à avoir testé pendant quelques mois l’un de ces anticorps, mis au point par le groupe Eli Lilly. Cette Montréalaise, normalement aux prises avec la migraine plus de 20 jours par mois, a vu le nombre de ses crises chuter rapidement.

Nancy McDermott ressent une douleur intense à la tête lorsqu'elle souffre de migraine.
Photo : Radio-Canada / Martin Thibault
Un mois après la première injection, mes migraines ont vraiment diminué, je dirais des deux tiers. En fréquence, mais aussi en intensité.
Pour Mme Mc Dermott, qui avait essayé sans trop de succès de multiples traitements jusque-là, c’est un apaisement qu’elle n’osait même plus espérer.
Ce succès est d’autant plus réjouissant qu’il n’est pas l’exception, affirme son neurologue, le Dr Martin Veilleux de l’Hôpital neurologique de Montréal. Celui-ci a pu observer pareils bénéfices chez plus de la moitié des participants aux essais de l’anticorps Galcanezumab qu’il a supervisés lui-même.
Les résultats préliminaires de l’étude, qui doit être publiée sous peu, sont aussi encourageants, dit-il, que ceux obtenus par les concurrents Teva (Fremanezumab) et Amgen-Novartis (Erenumab), publiés récemment dans le New England Journal of Medicine.
Pour écouter le reportage de Jean François Bouthillette, rendez-vous sur la page de l'émission Les années lumière.
Un traitement prometteur
Les anticorps ne fonctionnent malheureusement pas pour tout le monde, mais ils aident considérablement une majorité de patients.
C’est nettement prometteur. Vraisemblablement, 60 % à 70 % des gens souffrant de migraine chronique vont en bénéficier.
Les essais cliniques montrent aussi que ces traitements causent peu d’effets secondaires, contrairement à la plupart des médicaments utilisés jusqu’à maintenant pour prévenir les migraines.
C’est là une autre avancée majeure, souligne la neurologue Elizabeth Leroux, directrice du programme des céphalées à l’Université de Calgary.
En effet, explique la spécialiste des migraines, les antidépresseurs, antihypertenseurs et autres médicaments contre l’épilepsie qui aident aussi (parfois) les migraineux sont associés à des effets secondaires majeurs, comme des pertes de mémoire, de la somnolence ou encore une importante prise de poids.
La migraine, pas qu’un simple mal de tête
La migraine se caractérise par des maux de tête qui peuvent être très intenses et durer de quatre heures à plusieurs jours. Les céphalées sont souvent accompagnées de nausées, d’étourdissements, de troubles visuels et d’hypersensibilité au bruit ou à la lumière. Dans les cas de migraine chronique, les crises ont lieu plus de 15 jours par mois.
Ce traitement représente une grande percée dans le monde de la migraine pour deux raisons, explique la Dre Leroux. « L’efficacité, l’absence d’effets secondaires, ça va changer la qualité de vie pour beaucoup de gens. Mais ça va changer aussi la perception de la maladie, parce que c’est le premier traitement qu’on a qui cible la cause de la migraine », poursuit-elle.

Un anticorps
Photo : iStock
Tous ces anticorps de synthèse ont été créés en laboratoire pour bloquer spécialement une protéine, le CGRP (acronyme anglais de « peptide associé au gène calcitonine »), un neuromédiateur dont les scientifiques ont découvert qu’il joue un rôle important dans la genèse de la crise migraineuse et la sensation de douleur.
En neutralisant les CGRP – ou en bloquant leurs récepteurs, selon le cas –, les anticorps monoclonaux préviennent les crises.
La Dre Leroux se réjouit du fait que ces découvertes permettent d’avancer encore dans la compréhension de la migraine, une maladie sous-traitée, parfois même négligée par les médecins.
Bientôt approuvé?
Santé Canada, comme les agences réglementaires d’autres pays, étudie les demandes d’approbation pour certains de ces nouveaux médicaments – qui devraient être offerts d’ici un an, selon les médecins.
La migraine touche environ 850 millions de personnes dans le monde, d'après une étude récente de l’Organisation mondiale de la santé. Trois malades sur quatre sont des femmes.
C’est l’une des conditions les plus incapacitantes au monde. Aux États-Unis, par exemple, on estime à près de 50 milliards de dollars annuellement les coûts de la migraine, en soins et productivité perdue.