Journée internationale de la Francophonie : le franglais ne disparaîtra pas demain

La cuvée 2018 de nouveaux mots comporte son lot de mots tirés de l'anglais.
Photo : Radio-Canada / Simon Blais
En 2018, des centaines de nouveaux mots ont fait leur apparition dans Le petit Larousse et Le Robert. Encore une fois, au grand dam de certains puristes, plusieurs néologismes tirent leur origine de la langue anglaise. Doit-on s'en formaliser?
Un texte d'Angie Bonenfant
« Quand on parle de nouveaux mots, il y a toujours des gens qui sont fâchés de voir entrer beaucoup de mots anglais dans le dictionnaire. Moi-même, je ne suis pas content de ça, parce que ça veut dire qu'on n'a pas fait un effort suffisamment rapide pour proposer quelque chose [un équivalent] », résume Guy Bertrand, premier conseiller linguistique à Radio-Canada.
En même temps, évalue-t-il, le dictionnaire reflète l'usage courant que l'on fait des mots.
« Si beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens utilisent un mot, qu'on l'entend dans les médias, que les journalistes l'écrivent [et l'utilisent] dans leurs textes et dans leurs reportages, c'est clair que l'on ne peut pas faire semblant que le mot n'existe pas », concède-t-il.
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« Le dictionnaire, c'est un miroir de ce que l'on dit. C'est un reflet de notre société langagière, c'est une photographie ponctuelle de la langue que nous utilisons », précise M. Bertrand.
« On peut mettre une marque et dire qu'un mot est un anglicisme, critiqué, familier ou vulgaire, mais le mot [d'origine anglaise] se doit d'être dans le dictionnaire, parce que les gens qui ne savent pas ce qu'il veut dire, où d'autre peuvent-ils aller pour le savoir? »
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Les nouveaux mots des dictionnaires en 2018
Une explosion de mots anglais
« De tout temps, la langue française a accueilli des mots étrangers dans son vocabulaire. La différence, maintenant, c'est que ça va trop vite, poursuit M. Bertrand. On se retrouve avec des centaines de nouveaux mots anglais tous les ans, alors qu'avant on pouvait en avoir un tous les deux ans. »
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L'informatique, les nouveaux médias et les nouvelles technologies contribuent à ce rythme effréné de nouveaux mots inspirés de la langue anglaise.
« L'Office québécois de la langue française fait un travail extraordinaire pour essayer de traduire ou adapter tout ce qui vient du monde anglais, mais le public n'en veut pas toujours », regrette-t-il.
Faut-il s'inquiéter?
La professeure et détentrice de la Chaire de recherche du Canada en linguistique à l'Université d'Ottawa, Shana Poplack, a étudié le mélange des langues, notamment celui des deux langues officielles du Canada.
Contrairement à la pensée populaire, dit-elle, le français canadien n'a pas radicalement été modifié par le contact de l'anglais.
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Dans ses études, Mme Poplack a remarqué que les mots anglais intégrés dans la langue française n'affectent pas les propriétés grammaticales de cette dernière. Au contraire, soutient-elle, les gens qui s'expriment avec des mots anglais conservent les propriétés grammaticales de la langue française.
« On utilise des milliers de mots dont on ne soupçonnait pas l'origine anglaise, tellement ils ont revêtu la structure du français », soutient-elle.
D'un point de vue scientifique, poursuit Mme Poplack, rien ne prouve qu'une intégration de mots étrangers (l'anglais, par exemple) fragilise la langue réceptrice (le français, dans ce cas-ci).
L'analyse quantitative systématique de plus de 43 000 phrases mélangées que Mme Poplack et son équipe de chercheurs ont menée auprès de 500 locuteurs bilingues appuie cette affirmation.
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Les mots anglais ne menacent pas la langue française, mais ce qui peut mettre la langue de Molière en péril, c'est de ne pas l'utiliser, résume Mme Poplack.
« Il faut créer des conditions où des gens voudront parler cette langue. Une personne qui est constamment corrigée pour la façon dont elle parle ne voudra pas tellement utiliser cette langue », conclut-elle.
La Journée internationale de la Francophonie a été créée en 1988 par l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).