Québec souhaite le retrait des boissons sucrées très alcoolisées
Athena Gervais aurait consommé des boissons sucrées alcoolisées avant sa mort.
Photo : Radio-Canada / Charles Contant
La ministre Lucie Charlebois souhaite que soient retirées des tablettes toutes les boissons sucrées fortement alcoolisées semblables au FCKD UP, comme celle qu'aurait consommée la jeune Athena Gervais avant de disparaître la semaine dernière.
Mme Charlebois a lancé un appel en ce sens aux marchands et fabricants, lundi, sans en faire une mesure officielle.
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Alimentation Couche-Tard avait demandé vendredi à tous ses dépanneurs de retirer de leurs étalages le FCKD UP; puis dimanche, le fabricant Geloso a annoncé qu'il en cessait la production. Lucie Charlebois s'est dite « contente » de cette décision.
Mme Charlebois a également réclamé du ministère fédéral de la Santé qu'il change ses normes afin de « faire en sorte que ce ne soit plus possible de produire des choses comme ça ».
« J’interpelle Santé Canada, parce que c’est eux qui ont le pouvoir de vraiment donner les directives […] c’est eux qui donnent les normes pour le contenu des aliments », a-t-elle expliqué.
La ministre a assuré qu'elle rendrait public sous peu un rapport commandé à l'Institut national de santé publique sur ce type de produits et sur la consommation qu'en font les jeunes. Celui-ci devrait recommander différentes mesures qui pourraient être prises.
Oui, mais qui en assumera le coût?
L’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec dit prendre au sérieux la situation.
En entrevue à Radio-Canada, son directeur général, Yves Servais, a affirmé qu'il entendait être proactif dans ce dossier. « C’est sûr que, dans le courant de la semaine, on va solliciter nos membres pour retirer lesdits produits. »
Par contre, M. Servais fait un appel au fabricant de FCKD UP pour « créditer » le produit encore en vente dans les dépanneurs. Certains détaillants ont toujours un stock d’une valeur de 2000 $ ou 3000 $ de ce produit.
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Une tragédie évitable
La mort d'Athena Gervais est une tragédie qui aurait pu être évitée, selon le spécialiste en toxicomanie Jean-Sébastien Fallu, si seulement les jeunes étaient davantage éduqués sur les méfaits de ces produits.
L'expert déplore qu'il ait fallu un décès pour que l'industrie et la société réagissent, en dépit des avertissements qui avaient été lancés sur les dangers de ces produits fortement alcoolisés qui séduisent les jeunes.
D'après des témoins, l'adolescente de 14 ans aurait bu plus d’une canette de boisson sucrée, dont le taux d’alcool avoisine les 12 %, sur l’heure du dîner à la Poly-Jeunesse de Laval.
Son corps a été retrouvé jeudi dernier, trois jours après sa disparition, dans un ruisseau derrière son école. Sa mort serait accidentelle, selon la police, qui n'a pas révélé les résultats des analyses toxicologiques.
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L'éducation pour lutter contre les abus
Les produits sucrés à forte concentration d’alcool représentent un danger pour les clientèles jeunes et inexpérimentées. De plus, le manque d’éducation en matière de consommation et des effets qui en découlent joue un rôle important dans ce genre de tragédies, a expliqué, en entrevue à RDI lundi matin, le professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.
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Selon M. Fallu, les médias et l’opinion publique s’attardent beaucoup sur le cannabis, mais oublient que l’alcool demeure une substance toujours aussi dangereuse.
« Quand on a 14 ans, qu’on n’est pas habitué et qu’on est une fille, consommer rapidement une canette ou deux [de boisson sucrée alcoolisée] c’est très risqué d’avoir un coma éthylique, une dépression respiratoire ou de se blesser simplement par perte d’équilibre », souligne-t-il.
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Des jeunes ayant à peu près le même âge qu’Athena Gervais disent comprendre les mises en garde de Jean-Sébastien Fallu.
« Je trouve qu’on devrait prendre ça plus au sérieux […] Il faut qu’on soit plus prudents parce qu’il peut y avoir des dangers que nous ne considérons pas », lance une adolescente. « Il faut toujours se méfier quand on boit de l’alcool », ajoute sa camarade, qui insiste sur la nécessité pour les jeunes d'« au moins prévenir [leurs] parents pour qu’ils sachent ce qu'[ils] font ».
Froid, sucré et caféiné

Marie-Ève Morin, médecin de famille oeuvrant en dépendances et en santé mentale et directrice de Clinique Caméléon
Photo : Radio-Canada
Pour l’expert en toxicomanie, la composition fortement alcoolisée des boissons sucrées et surtout leur mise en marché agressive en font un produit particulièrement dangereux pour une clientèle à l’âge des découvertes.
« Le vin est aussi un produit concentré, mais le problème ici, c’est que [les boissons alcoolisées] c’est un produit qui est sucré auquel on ajoute du guarana, qui est une forme de caféine, et ça, ça camoufle le goût et l’effet de l’alcool, explique M. Fallu. C’est froid, c’est sucré, c’est caféiné, tout cela favorise la surconsommation et les beuveries. »
Bien que les jeunes de moins de 18 ans ne puissent acheter ces produits, ils arrivent à en voler dans les commerces ou en font acheter à leur place par des plus vieux.
Sous clé
« Un tel produit devrait être sous clé. On parle de mettre le cannabis sous clé dans les résidences, mais un produit comme celui-là dans les dépanneurs devrait être sous clé si on ne veut pas que les jeunes le volent », estime Jean-Sébastien Fallu.