Produire 50 % plus de bœuf au Québec, est-ce réaliste?

Les producteurs de bovins du Québec souhaitent augmenter leur production.
Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Lavoie
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les producteurs de bovins du Québec veulent augmenter leur production de 50 % d'ici 2025. Un objectif « ambitieux » qui soulève plusieurs questions environnementales, économiques et politiques.
Un texte de Marc-Antoine Lavoie
Les éleveurs québécois souhaitent reprendre la position qu’ils ont perdue au cours des dernières années. Entre 2008 et 2017, le nombre de bovins vendus est passé de 734 700 à 473 900, une diminution de 35 %.
« Si on continue à descendre, on perd notre masse critique et on ne sera plus crédible pour un acheteur potentiel. Il faut stabiliser la descente. Il faut remonter », fait valoir le président de Producteurs de bovins de Chaudière-Appalaches Nord, Bertrand Bédard.
Les producteurs croient que le moment est bien choisi pour faire connaître leur intention puisque Québec doit déposer sa politique bioalimentaire au printemps 2018.
Le gouvernement Couillard y prévoit des investissements de plus de 15 milliards de dollars d’ici 2025 afin d’augmenter les exportations bioalimentaires du Québec et de hausser la quantité d’aliments québécois dans les commerces de la province.
Mauvaise cible
Le géographe Rodolphe De Koninck, professeur émérite de l’Université de Montréal spécialisé en urbanisme et agriculture, voit toutefois mal comment le gouvernement pourra justifier des investissements importants dans le secteur bovin tout en défendant sa politique bioalimentaire.
Une des prémisses du document attendu est de répondre aux attentes des consommateurs à l’égard de la santé et de l’environnement. « Or, l’élevage bovin est la forme d’utilisation du sol la plus nocive au plan environnemental qu’on puisse imaginer, et la consommation de bœuf, ce n’est quand même pas la meilleure pour la santé », affirme M. De Koninck.
Il faut réduire au maximum la consommation de bœuf, il faut diversifier la production végétale à des fins alimentaires.
Le géographe croit plutôt que Québec doit « promouvoir une réduction maximale de la dépendance à l’endroit de la viande de bœuf. »
« Une agriculture orientée et dominée par la consommation de bœuf, ce qui est le cas en Amérique du Nord, est carrément impossible à poursuivre tant pour des raisons environnementales, d’approvisionnement que pour des raisons de santé », explique-t-il.

Bertrand Bédard, président des Producteurs de bovins de Chaudière-Appalaches Nord.
Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Lavoie
Le président des Producteurs bovins de Chaudière-Appalaches Nord rétorque que « le bovin n’a pas à être pointé du doigt comparativement à d’autres types d’agriculture. »
« La production de bœuf n'est pas pire que la production intensive de grains avec les produits d'arrosage que ça prend », argumente Bertrand Bédard.
M. Bédard croit que la politique du gouvernement devrait permettre de développer des programmes pour encourager la production de bœuf de pâturage qui a une empreinte écologique beaucoup moins importante que le bœuf engraissé principalement aux grains.

Un bouvillon
Photo : Radio-Canada
Marché de niche
Bien que la consommation de viande soit remise en question à l'heure actuelle, le boeuf occupe encore une place importante sur le marché mondial, en Asie particulièrement.
L'agroéconomiste Maurice Doyon croit donc que les producteurs de bovins québécois doivent produire un bœuf qui se démarque pour être compétitifs sur la scène internationale.
« Ce n'est pas facile avec les conditions climatiques du Québec, donc pour bien s'en sortir, il ne faut pas faire un bœuf de commodité. Ça prend un bœuf de spécialité avec une valeur ajoutée, une marque de commerce », précise le professeur à l’Université Laval.
Dans un marché de commodité, on est à la merci du prix de commodité qui n'est pas déterminé au Québec, et là clairement, les années nous ont montré que c'était plus difficile.
M. Doyon est d’avis que pour mener à terme cet objectif « ambitieux », il est impératif de développer des infrastructures d'abattage au Québec.
En faisant abattre leurs bêtes entre autres aux États-Unis, les éleveurs ne peuvent plus assurer la traçabilité de leur viande et donc développer une marque de commerce.

Entre 2008 et 2017, le cheptel de vaches de boucherie au Québec est passé de 238 800 bêtes à 135 000, selon les données de la Financière agricole du Québec.
Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Lavoie
Un assouplissement de la Loi sur la protection du territoire agricole est aussi nécessaire afin de permettre l’aménagement de nouvelles terres pour nourrir les bêtes.
« Une fois qu'on a un bœuf de marque avec des caractéristiques, possiblement un cahier des charges, on pourra l’exporter. Il pourra être vendu à un meilleur prix parce qu'il se distingue », défend-il.
Le cabinet du ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, n’a pas voulu commenter les intentions des Producteurs de bovins du Québec mentionnant vouloir attendre le dépôt de la politique bioalimentaire prévue dans les prochains mois.