La radio et la télévision publiques suisses à la croisée des chemins

Des artistes manifestent à Sion, dans le canton du Valais (2 février 2018).
Photo : Hubert Rioux
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les artistes suisses se mobilisent pour protéger le financement public du service audiovisuel qui fait face à un vote crucial le dimanche 4 mars. Les électeurs helvètes décideront s'ils mettent fin ou non au système de redevances qui finance 75 % du budget de la Société suisse de radiodiffusion et de télévision (SRG SSR).
Un texte d’Hubert Rioux
Le vote intitulé No Billag est une référence à l’entreprise Billag, chargée de collecter la redevance annuelle à la SRG SSR qui peut s’élever jusqu’à 451 francs (environ 600 $) par ménage. Si le oui l’emporte, le fait que l’État ne peut pas financer le service audiovisuel au pays sera ensuite inscrit dans la Constitution.
L’humoriste Karim Slama est en ardent partisan du non. Il estime que la SRG SSR fait exister la culture suisse, notamment via sa branche francophone, la Radio télévision suisse (RTS). Pour cette raison, il n’a pas hésité à s’engager au sein du mouvement « No Billag No culture », qui regroupe des milliers d’artistes militant pour la même cause.

L'humoriste Karim Slama devant le siège de la RTS à Genève (9 février 2018)
Photo : Hubert Rioux
Pour Karim Slama, le diffuseur public contribue parfois « à mettre du beurre dans les épinards », mais c’est surtout un diffuseur incontournable pour les artistes. De plus, il considère que la SRG SSR crée des ponts entre les communautés linguistiques. C’est que, hormis le français, la société diffuse dans les trois autres langues officielles : l'allemand, l'italien et le romanche.
On doit garder ces attaches, on doit savoir ce qui se passe l’autre côté. Si on lâche, je crois qu’on va créer des régions distinctes culturellement. Si on n’a plus d’audiovisuel public, on peut commencer à créer des frontières.
Face à Billag et aux vents contraires
Les instigateurs du vote No Billag n’ont pas réussi à créer une large coalition pour les appuyer. La petite histoire raconte que l’idée de tenir ce vote découle d’une discussion autour d’un verre entre jeunes du Parti libéral radical, l’un des principaux partis du pays.
Or, le parti n’appuie pas leur position. Seul un grand parti, la populiste Union démocratique du centre, soutient l’idée d’une Suisse sans financement public de l’audiovisuel. Autre appui de taille, l’Union suisse des arts et métiers, organisme regroupant des petites et moyennes entreprises.

Nicolas Jutzet, chef de campagne de No Billag en Suisse romande, distribue des tracts à Genève (7 février 2018).
Photo : Hubert Rioux
Pour le chef de la campagne du oui en Suisse romande, Nicolas Jutzet, voter en faveur du No Billag, c’est opter pour plus d’argent dans ses poches et pour la liberté de choix. « Ce n’est pas à l’État de nous imposer une liste de médias, on est assez grands pour les choisir nous-mêmes. Ensuite, le système actuel ne va pas parce qu’il avantage un seul gros acteur et il ne laisse pas la place et la liberté aux autres d’exister. Enfin, l’offre actuelle ne correspond pas à la jeunesse qui ne se sent pas représentée par ce qui est offert. »
Et pourtant, les récents sondages indiquent que plus de 60 % des Suisses âgés de 18 à 39 ans voteront non à l’initiative, tout comme la majorité de la population.
No Billag et no région
Selon le modèle actuel, 5 % de la redevance perçue par Billag sert à financer 34 médias privés régionaux. En Valais, un canton peu peuplé, la télé Canal 9 et les radios Rhône FM et Chablais sont des incontournables pour faire vivre la culture locale.

Mélanie Pitteloud lors d'une manifestation à Sion, dans le canton du Valais (2 février 2018)
Photo : Hubert Rioux
Le documentaire Dans le lit du Rhône de Mélanie Pitteloud a d’abord existé grâce au financement de la RTS. La cinéaste a ensuite pu compter sur les médias valaisans. « À travers les médias locaux, on a une couverture pour atteindre les gens dans chaque région et pouvoir inviter le public en salle. Les gens sont vraiment attachés à leurs médias locaux. Ils suivent de près ce qui sort au niveau de la culture. »
Le chanteur Marc Aymon abonde dans ce sens. Sans financement public, c’est « la mort de ces médias, c’est la mort de ces artistes qui ont besoin d’être soutenus et c’est la mort de ces personnes et de ces régions qui ont besoin qu’on s’intéresse à elles et ce ne sont pas les médias extérieurs qui vont s’intéresser aux petites régions. »