La Fédération des médecins spécialistes s'en prend aux médias

Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« Fake news », « exagérations », « désinformation ». Dans une note interne envoyée jeudi à ses membres, la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) tombe à bras raccourcis sur les médias et les membres de son groupe qui critiquent la dernière entente conclue avec Québec.
« Les médias veulent de la nouvelle et les journalistes font leur travail, mais il faut constater que certains essaient de nous forcer la main et, n’acceptant pas notre décision, en inventent au passage », écrit la Dre Diane Francoeur dans cette note de cinq pages obtenue par Radio-Canada.
Nous les lisons, nous les entendons, nous les regardons et, comme vous, nous y notons des faussetés, des exagérations, de la désinformation, des projections et des spéculations.
La Dre Francoeur soutient ensuite que sa priorité consiste à « conclure le dossier » et défend sa décision de ne faire « aucun commentaire public tant et aussi longtemps que l’entente n’aura pas été signée ». Cela explique pourquoi la FMSQ ne participera pas à l’émission Tout le monde en parle qui sera diffusée dimanche, prend-elle la peine de préciser.
L’entente finale sera « évidemment communiquée », mais « le délai peut être de quelques semaines », précise la Dre Francoeur, qui n'a fait aucune déclaration publique depuis que l'entente a été annoncée. « Chose certaine, il n’y a aucun artifice, aucun camouflage. »
La présidente de la FMSQ souligne ensuite à ses quelque 10 000 membres que leur écart de rémunération par rapport à la moyenne canadienne s’établissait à 54 % en 2002, et que Québec leur a « légitimement consenti » un rattrapage salarial qui devait initialement s’étaler sur 10 ans.
Ces 10 ans sont devenus 15 ans et maintenant 18 ans. Quel autre groupe de travailleurs en aurait fait autant? Vous n’avez pas à rougir d’avoir offert un tel compromis à l’État québécois.
Selon une explication donnée dans la note de service, l'entente de principe conclue avec Québec ne fait que « confirmer » la mise en place d'augmentations salariales qui étaient dues aux médecins spécialistes en vertu d'une entente conclue en 2014. La FMSQ avait accepté de donner au gouvernement « une marge de manoeuvre additionnelle », explique le directeur des affaires juridiques et de la négociation, Sylvain Bellavance. L'augmentation due était de 6,6 %, dit-il, mais la FMSQ a accepté qu'une portion de 3,6 % soit transformée en « investissements administratifs » et en « d'autres mesures d'accessibilité ». Selon la FMSQ, « il reste donc une augmentation des tarifs de 3 % à laquelle s'ajoute une augmentation de 2,2 %, non récurrente, pour une augmentation totale de 5,2 % au 1er avril 2017 ». La Dre Francoeur soutient en outre que l'entente contient « plusieurs engagements » de la FMSQ. Un « processus de révision continu des tarifs dans un souci de pertinence » sera notamment mis en place, et la « couverture de services » médicaux sera assurée « dans tout le Québec », avec obligation de résultats à la clé.
Des attaques contre les Drs Khadir et Viens
Diane Francoeur s’en prend ensuite au député de Québec solidaire Amir Khadir, lui-même médecin spécialiste, qui a assimilé les dirigeants de la FMSQ à une « petite clique » de gens « totalement déconnectés de la réalité ».
M. Khadir, rétorque-t-elle, n’a jamais siégé à un comité ni à un conseil d’administration de son association médicale et n’a pas davantage été membre du conseil d’administration de la FMSQ ni délégué à son instance décisionnelle. « Je vous laisse le juger à votre tour », écrit-elle.
Les "fake news" deviennent la vérité de ceux qui nous accusent de nous être fait greffer un portefeuille à la place du cœur. Sachez que vos collègues […] ne fréquentent pas les monstres obsédés par l’argent que décrivent les médias.
La présidente de la FMSQ s’en prend ensuite au président de l'Association médicale du Québec (AMQ), le Dr Hugo Viens. « Nous, médecins ne nous investissons pas assez » pour revoir l’organisation du système, a-t-il écrit dans une lettre ouverte cette semaine. « Si nous nous décidions enfin à intervenir, tout pourrait changer. »
Il s’agit là de « douces paroles aux oreilles de ceux qui attribuent tous les torts aux médecins », réplique la Dre Francoeur, qui dit ne pas accepter ces commentaires. Selon elle, le Dr Viens n’a pas compris que l’entente va « améliorer les conditions de pratique des médecins » et leur « octroyer les ressources nécessaires pour traiter leurs patients ».
Le président et directeur médical de la clinique Chirurgie DIX30 n’est pas fier de dire qu’il est médecin? Je lui réponds que, malgré la tempête, moi, j’en suis fière, et j’espère que c’est aussi votre cas.
Des comparaisons contestées
La FMSQ n'a par ailleurs pas aimé que des médias utilisent des données compilées par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) pour comparer les salaires des médecins spécialistes du Québec. Selon une analyse de ces données faite par Radio-Canada, ces derniers ont gagné en moyenne 403 537 $, soit 36 000 $ de plus que les spécialistes de l'Ontario en 2016.
Ces données sont « incomplètes » et « ne donnent pas toujours des résultats valables », d'après la FMSQ qui déplore un « manque d'objectivité » de la part de journalistes.
Selon la FMSQ, le nombre de spécialités médicales et de médecins pris en considération par l'ICIS est « de beaucoup inférieur à la réalité », et les revenus pris en compte sont « incomplets », puisque les données de la Régie de l'assurance maladie du Québec sont plus complètes que celles de son équivalent ontarien.
Elle cite également des « écarts en matière d’assurance responsabilité professionnelle des médecins », des « problèmes de concordance en ce qui concerne la rémunération clinique et non clinique » et des « problèmes méthodologiques qui rendent la comparaison difficile et qui affectent les résultats de l’ICIS ».
D'après la FMSQ, cela explique d'ailleurs pourquoi elle a accepté de participer à une « étude de comparaison spécifique », qui permettra de préparer des bases de données comparables et de tenir compte de toutes les sources de paiements des médecins spécialistes.
« Notre lecture actuelle est que cette étude démontrera que le financement affecté aux médecins spécialistes québécois demeure inférieur à la moyenne canadienne, même après la prise en compte des écarts de richesse collective », avance la Fédération.
Contactée par Radio-Canada, une porte-parole de la FMSQ a fait savoir que la Dre Francoeur ne réagira pas à la publication de cette note interne par Radio-Canada.
Avec les informations de Davide Gentile
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