Raymond Cormier non coupable du meurtre de Tina Fontaine

Une illustration de Raymond Cormier qui écoute un témoin dans la salle d'audience.
Photo : Tom Andrich
Le jury a tranché dans le procès de Raymond Cormier. Après trois semaines d'audiences au cours desquelles la Couronne a appelé environ 50 témoins, les jurés ont reconnu Raymond Cormier non coupable du meurtre au second degré de Tina Fontaine, à Winnipeg.
Un texte de Sylviane Lanthier et Marika Laczko
Le corps de l'adolescente autochtone de 15 ans a été retiré de la rivière Rouge le 17 août 2014. L'histoire de sa disparition et de sa mort avait donné un nouveau souffle aux demandes pour une enquête publique sur les cas de femmes autochtones disparues ou assassinées.
Pendant trois semaines, le jury a entendu les témoignages, en plus d’écouter des heures de conversation avec M. Cormier provenant d’entrevues avec la police et de conversations enregistrées secrètement pendant une opération d’infiltration policière.
Le procès a été entendu par un jury de sept femmes de quatre hommes. Un douzième juré a été excusé parce qu’il a eu une urgence familiale.
Les avocats des deux parties ont terminé leurs plaidoyers mardi.
« C'est le résultat que personne ne voulait »
Quelques minutes seulement après le verdict, les chefs des Nations autochtones du Manitoba ont réclamé justice pour Tina Fontaine et pour toutes les femmes autochtones.
« C'est le résultat que personne ne voulait. Les systèmes qui gravitaient autour de la vie de Tina lui ont fait défaut. Nous lui avons tous fait défaut. En tant que pays nous devons mieux faire pour notre jeune population », a affirmé la grande chef du regroupement de 30 Premières Nations, Manitoba Keewatinowi Okimakanak, Sheila North Wilson.
Le grand chef de l'organisation des chefs du sud du Manitoba, Jerry Daniels, a appelé tous les Canadiens à travailler ensemble pour améliorer le sort des personnes autochtones.
« Vous devez vous mettre debout et prendre part aux efforts de réconciliation. Ça nous concerne tous », a-t-il lancé.
« Je n'ai jamais vu de justice une seule fois dans ma vie, depuis que je suis jeune. Notre peuple n'a jamais vu de justice », s'est exclamée Sue Caribou, qui siège au sein du groupe d'information pour les familles de l'Enquête nationale sur les filles et les femmes autochtones disparues et assassinées (ENFFADA).
La militante de l'Enquête, Sandra Delaronde, affirme que depuis le dévoilement du verdict, des jeunes filles l'ont appelée et lui ont envoyé des messages disant qu'elles ne se sentent pas en sécurité.
« Ça n'a pas changé. Nous nous sommes déjà retrouvés ici trop de fois. Comment peut-on continuer de ne rien faire? »
Des politiciens parlent de « système brisé »
Plusieurs politiciens se sont prononcés sur ce verdict qui a eu l'effet d'une bombe, en réclamant des réformes dans le système judiciaire, notamment le chef du Nouveau Parti démocratique du Canada, Jagmeet Singh.
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La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a aussi réagi au verdict en envoyant un communiqué.
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De son côté, le Service de police de Winnipeg a envoyé un communiqué disant comprendre que c'est un temps difficile pour la famille de Tina Fontaine. La police a cependant indiqué qu'elle ne commentera pas pendant qu'il y a possibilité d'appeler la cause.
Preuves circonstancielles
La Couronne n’a pas présenté de preuves scientifiques ou médicolégales liant Raymond Cormier à la mort de Tina Fontaine.
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Sa plaidoirie s’appuyait, entre autres, sur des déclarations faites par M. Cormier dans des conversations enregistrées secrètement. Ces enregistrements représentent des aveux du crime, selon la Couronne.
Cette dernière a aussi présenté à la cour des témoignages selon lesquels Raymond Cormier avait le même genre de housse de couette que celle ayant été trouvée sur le corps de Tina Fontaine, qu’il avait eu des relations sexuelles avec l’adolescente et qu’il avait utilisé un véhicule volé qui aurait pu lui permettre de se débarrasser du corps.
La défense a soutenu pour sa part que le cas de la Couronne est un « château de cartes » fait de conclusions découlant d’enregistrements difficiles à entendre. La défense a ajouté que les déclarations de Raymond Cormier devraient être interprétées comme des regrets de ne pas en avoir fait plus pour aider la victime.
La défense a aussi contesté la fiabilité et la crédibilité des témoins de la Couronne.