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Québec veut encadrer l'usage des pesticides « tueurs d’abeilles »

Un apiculteur manipule des abeilles.

Québec encadrera de façon plus serrée les pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes, alors que l'agence canadienne chargée d'étudier leurs risques a pourtant l'intention d'autoriser leur utilisation.

Photo : Associated Press / John Minchillo

Radio-Canada

Le gouvernement du Québec met en place des mesures pour limiter l'utilisation des néonicotinoïdes, des pesticides associés au déclin des populations d'abeilles.

Québec a établi que cinq pesticides sont particulièrement nocifs pour l’environnement et la santé humaine. En vertu de la nouvelle réglementation, les producteurs agricoles devront obtenir une autorisation spéciale – appelée « prescription agronomique » – d’un agronome pour pouvoir utiliser trois substances de la famille des néonicotinoïdes, de même que pour employer l’atrazine et le chlorpyrifos.

Comment ça marche?

Les néonicotinoïdes, aussi appelés néonics, sont des pesticides utilisés couramment par les agriculteurs pour éradiquer les insectes dits ravageurs comme les pucerons, les tétranyques, les limaces et les punaises, autant dans les champs de grandes cultures que dans les vergers.

Les néonics altèrent le système nerveux des insectes, ce qui entraîne la paralysie et la mort. Or, les semences enrobées de ces pesticides entrent aussi en contact avec les insectes pollinisateurs, comme les abeilles, qui deviennent en quelque sorte les victimes collatérales de l’usage de ces substances délétères.

Les néonics auraient aussi des répercussions ailleurs dans la chaîne alimentaire. Des chercheurs ont constaté que des populations d’oiseaux commencent à disparaître, faute d’insectes à manger. Les néonicotinoïdes représentent environ le tiers des pesticides vendus sur la planète.

Le gouvernement compte également bannir l'usage de ces pesticides en milieu urbain, puisque leur utilisation dans ce contexte se limite à des fins purement esthétiques, notamment pour éloigner les vers blancs.

Québec versera 14 millions de dollars sur cinq ans pour assurer la mise en place de ces mesures. La province suit donc l’exemple de l’Ontario, qui a commencé à limiter l'utilisation de néonicotinoïdes après avoir vu disparaître plus de la moitié des abeilles de son industrie apicole, à l’hiver 2013-2014.

« Un cadre réglementaire digne du 21e siècle »

Les détails de la réglementation québécoise ont été dévoilés par la ministre du Développement durable et de l’Environnement, Isabelle Melançon. Elle était accompagnée du président de l’Ordre des agronomes, Michel Duval, ainsi que du président de la Fédération des apiculteurs du Québec, Stéphane Leclerc, et de Louise Héneault-Éthier, de la Fondation David Suzuki.

Mme Melançon a insisté sur la nécessité de moderniser la réglementation actuelle pour faire face aux nouveaux défis qui bouleversent le monde de l'agriculture, comme le réchauffement climatique. Les températures plus douces entraînent une montée des insectes vers le nord en plus de favoriser leur prolifération durant la période de reproduction.

« Une utilisation contrôlée, rigoureuse et responsable des pesticides est la clé pour limiter les risques qu’ils entraînent », a soutenu la ministre en évoquant une « situation alarmante ».

La ministre québécoise de l'Environnement, Isabelle Melançon, procédant à une annonce gouvernementale en direct des Ruchers Promiel, dans une salle qui s'apparente à un sous-sol.

La ministre québécoise de l'Environnement, Isabelle Melançon, a présenté une nouvelle réglementation sur les pesticides « tueurs d'abeilles » durant une visite chez Les Ruchers Promiel .

Photo : Radio-Canada

On se donne un cadre réglementaire digne du 21e siècle en matière d’utilisation responsable des pesticides.

Une citation de La ministre du Développement durable et de l’Environnement, Isabelle Melançon

Les propos de la ministre Melançon ont été appuyés par les partenaires présents. Michel Duval, président de l’Ordre des agronomes, s'est réjoui de l'annonce gouvernementale. « Ça va permettre une utilisation plus judicieuse des pesticides au Québec », a-t-il dit.

Même son de cloche du côté de la Fédération des apiculteurs du Québec. Le président, Stéphane Leclerc, a ajouté qu'il était pressant d'agir pour garantir la santé et la sécurité de la population. « Ça faisait longtemps qu’on demandait ça. L’abeille, c’est une sentinelle pour l’humain, comme le canari pour les mineurs. Si les abeilles tombent, ça veut dire que nous autres aussi, on va tomber », a-t-il justifié.

Louise Héneault-Éthier, chargée de projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, a elle aussi salué l'intervention gouvernementale en soulignant que les ventes de pesticides continuaient d'augmenter même si la liste de risques associés à ces substances ne cesse de s’allonger.

Une « erreur » à l'endroit des producteurs de grains

La nouvelle réglementation sur les pesticides a toutefois reçu un accueil glacial des Producteurs de grains du Québec.

En conférence de presse, le président de cette association représentant quelque 11 000 producteurs, Christian Overbeek, a tout simplement démoli le plan présenté par la ministre Melançon.

« La nouvelle réglementation des pesticides est excessive, restrictive, coûteuse. Elle peut être contestable scientifiquement, elle est autoritaire, elle est sûrement irrespectueuse du rôle-conseil exercé par les agronomes du Québec et, finalement, elle est inutile et démotivante », a-t-il asséné.

Gros plan sur le visage du président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek

Le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek

Photo : Radio-Canada

La réglementation instaure un cadre prescriptif avec lequel les producteurs de grains pourront difficilement assurer l’efficacité de leurs entreprises.

Une citation de Le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek

Le président a avancé que le point de vue de ses membres avait été largement ignoré. « L’erreur est celle de nous avoir mis sur la touche au moment de la décision en refusant une offre de compromis », a-t-il soutenu.

M. Overbeek a prévenu que les producteurs de grains de la province avaient l’intention de se faire entendre d'ici les prochaines élections.

Il a profité de la conférence de presse pour annoncer le début d’une campagne destinée à sensibiliser la population aux « sept grandes erreurs » que le gouvernement aurait commises à l’endroit de leur industrie.

« Les contraintes à la production se sont multipliées alors que le soutien à la production n’a pas été au rendez-vous », a martelé Christian Overbeek.

Parmi les faits reprochés, on note l’absence de programme financier suffisant ainsi qu’un manque de mesures compensatoires pour les producteurs relativement à la taxation du carbone.

Ces erreurs rajouteraient au « fardeau » des producteurs en les désavantageant par rapport à leurs compétiteurs internationaux.

L’adoption de la réglementation sur les pesticides constitue la plus récente de ces erreurs, selon M. Overbeek, qui a tout de même tenu à préciser que les producteurs sont conscients des enjeux environnementaux et qu'ils sont prêts à collaborer.

Encore du pain sur la planche

Pour Louise Vandelac, professeure titulaire à l’Institut des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la nouvelle réglementation constitue un pas dans la bonne direction. « Après 20 ans d'échecs cuisants dans le domaine des pesticides, comme l'ont souligné les commissaires à l'environnement, je pense qu'il faut saluer ce premier geste. »

La professeure croit toutefois qu'il faudrait aller encore plus loin. « On a ignoré le principal pesticide au Québec, à savoir les herbicides à base de glyphosate, qui ont des effets de perturbateurs endocriniens, qui sont réputés pour leurs effets cancérigènes, qui ont des effets sur les antibiotiques », regrette-t-elle.

Certes, on se dit que c'est bien, qu'on a un premier pas, mais la question demeure absolument entière dans le cas des herbicides à base de glyphosate.

Une citation de Louise Vandelac, professeure titulaire à l’Institut des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal

La professeure évoque l'encadrement serré dont font l'objet les néonicotinoïdes ailleurs sur la planète. L'Union européenne a notamment interdit l'utilisation des trois néonics les plus répandus en 2013.

La France envisage quant à elle de bannir sept néonicotinoïdes de son territoire, mais la mesure suscite encore des débats importants.

Du côté du gouvernement du Québec, on insiste pour dire que la stratégie contre les pesticides « va plus loin que ce simple règlement ». Le ministère de l'Environnement veut en venir à tripler le nombre de pesticides interdits en milieu urbain, bonifier la formation du personnel travaillant en gestion parasitaire et intégrer le principe de pollueur-payeur.

En attendant, la ministre a promis qu'un comité de suivi de la mise en oeuvre de la réglementation serait créé sous peu pour s'assurer que les mesures présentées lundi seront respectées.

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