Regards croisés sur l'arrivée de la 138 à Unamen Shipu

La Romaine, en Basse-Côte-Nord
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les travaux pour le prolongement de la route 138 entre Kegaska et Unamen Shipu (La Romaine) devraient débuter en 2019. Même si l'arrivée de la route à Unamen Shipu brisera son isolement et facilitera les transports, certains voient d'un mauvais oeil le désenclavement de la communauté.
Un texte de Émile Duchesne
Devant compter sur le transport aérien et maritime pour l’acheminement des marchandises, l’arrivée de la route devrait régulariser la disponibilité des denrées dans la communauté. Pendant les mois de février et de mars, le Bella Desgagnés, qui assure la desserte maritime de la région, cesse sa course et c’est lors de cette période que la communauté est la plus vulnérable aux pénuries.
Un aîné de la communauté, Abraham Bellefleur, estime que l’arrivée de la route stabiliserait l’acheminement des denrées vers Unamen Shipu.
C’est le dernier voyage qu’il fait le bateau pour la nourriture. On n’aura pas de nourriture jusqu’à la mi-mars. Ça serait mieux une route pour nous apporter les choses qu’on manque ici.

Abraham Bellefleur est un aîné d'Unamen Shipu
Photo : Radio-Canada
Les gens de la communauté utilisent souvent leur chaloupe ou leur motoneige pour atteindre par eux-mêmes la route 138 à Kegaska. Un grand nombre d’accidents surviennent lors de ces voyages et certains y ont même laissé la vie dans les dernières années.
J’aimerais ça avoir une route, au lieu d’aller en chaloupe parce que c’est dangereux pour les jeunes d’aller à Kegaska.

La Route blanche croise la rivière Musquaro entre Kégaska et Unamen Shipu
Photo : Radio-Canada / Émile Duchesne
Une route qui sème la destruction?
Si personne ne conteste l'aspect sécuritaire d'une route, d’autres s’inquiètent de l’impact de celle-ci sur le mode de vie innu.
Un autre aîné d’Unamen Shipu, Ambroise Mark, redoute que l’arrivée de la route amène avec elle la destruction du territoire, mais aussi une augmentation des problèmes sociaux. En effet, il estime que la route 138 facilitera l’entrée de drogues dans la communauté
Si y’a la route, les hommes blancs vont s’installer encore plus à l’est, même à Unamen Shipu. Ils vont amener n’importe quoi comme la drogue, l’alcool pis tout ça.

Ambroise Mark est un aîné d'Unamen Shipu
Photo : Radio-Canada
Ambroise Mark croit aussi que la construction de la route va faciliter l’exploitation des ressources naturelles, ce qui aurait un grand impact sur la forêt et la faune.
Quand ils vont construire la route, ils vont détruire ces terres-là pour chercher des minerais, pour encore détruire comme ils l’ont fait à Sept-Îles, Mashteuiatsh et Sheshatshit. Si ça arrive, il n'y aura plus de terres ancestrales.

Le territoire de la communauté d'Unamen Shipu n'a pas été affecté par des projets d'exploitation des ressources naturelles.
Photo : Radio-Canada / Émile Duchesne
Ambroise Mark explique qu’en ce moment, le territoire de la communauté d’Unamen Shipu n’est pas affecté par les projets industriels contrairement à ce qu’on peut voir plus à l’ouest.
Ici on est vierge, bien vierge, tandis que de Natashquan ou Havre-Saint-Pierre jusqu’à Montréal, ils ont tout détruit.

La Route Blanche entre Kégaska et Unamen Shipu
Photo : Radio-Canada / Émile Duchesne
Des impacts sur la culture?
Même si Abraham Bellefleur pense que la culture et la langue innue sont en danger, il estime que l’arrivée de la route ne changerait pas drastiquement la dynamique actuelle.
Pour Ambroise Mark, la destruction du territoire va de pair avec la disparition de la culture innue.
Si la route 138 amène avec elle des projets d’exploitation des ressources naturelles comme il l’entrevoit, Ambroise Mark estime que la culture innue pourrait disparaitre.
Les Innus ils vont être disparus, y’aura pas d’Innus.

De l'équipement nécessaire au piégeage
Photo : Radio-Canada / Émile Duchesne