Ouvrir la voix, documentaire-choc sur le racisme contre les Noires en France

Ouvrir la voix donne la parole à 24 femmes noires.
Photo : Gracieuseté des RIDM
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Amandine Gay ne nous laisse pas indifférents en donnant la parole à une vingtaine de femmes noires vivant en France et en Belgique. Avec Ouvrir la voix, elle dresse un portrait fort des facettes du racisme systémique genré, dénoncé dans le documentaire sorti vendredi au Québec.
Un texte d'Antoine Aubert
C’est en tant que cinéaste qu’elle se présente à nous et elle souhaite qu’on ne l’oublie pas. En entrevue téléphonique pour parler de son premier documentaire, Amandine Gay regrette que les journalistes français l’aient trop souvent présentée avant tout comme une militante, occultant son ADN d’artiste, elle qui est aussi comédienne.
La précision donne du relief à l’un des arguments phares du documentaire : les femmes noires doivent insister et en faire plus que d’autres pour être reconnues à leur juste valeur.
Amandine Gay a commencé à travailler sur Ouvrir la voix en 2013, lassée par les rôles stéréotypés qu’on se contentait de lui offrir. Les difficultés économiques ont été certaines (le documentaire est autofinancé). En revanche, trouver des volontaires pour raconter leurs vies s’est avéré relativement simple grâce aux réseaux sociaux.

La réalisatrice Amandine Gay
Photo : Enrico Bartolucci
« Je pensais pouvoir en trouver au maximum 10. J’ai reçu 60 courriels en 2 semaines », indique la Française, qui a finalement reçu le oui définitif de 24 femmes issues d’univers différents.
Pendant deux heures, les phrases-chocs se succèdent à mesure que chacune des femmes égrène son récit. Il y a les premières remarques racistes, entendues dès l’enfance. Plusieurs font état de la fameuse question : « Mais, vous venez d’où, vraiment? ». Cette question, elles l'ont entendue dans les pays où elles sont nées. Une des femmes raconte aussi comment son patron l’a comparée à une esclave dans un champ de coton en raison de sa coiffure.
Le fantasme de la femme noire pour l’homme blanc est aussi évoqué. « Eux ne sont pas sortis avec une personne, ils sont sortis avec une Noire. J’aurais eu beau être chanteuse, dessinatrice ou étudiante, pour eux, j’étais une Noire. Ils sont sortis avec une chose », analyse l’une des jeunes femmes.
Si les paroles sont fortes, les visages, filmés en gros plans et sans artifices, permettent aussi de faire ressortir l’émotion. Pour Amandine Gay, ce choix artistique constitue une réponse à une réflexion entendue un jour : « Les Noirs prennent mal la lumière ».
La réalisatrice est la 25e voix de ce film, bien qu’on ne l’entende que pour relancer ses interlocutrices. « J’ai écrit et réalisé le film. Cet avis, c’est le mien », une opinion afroféministe tranchée sur l’existence du racisme systémique en France, qui pousse à la discussion. « Ces femmes ont en commun l’expérience de la discrimination, à laquelle s’ajoute le sexisme », martèle pour sa part Amandine Gay.
Je veux que les femmes noires qui sortent du cinéma se disent : "Je peux être ce que je veux être."
Une fois l’aventure d’Ouvrir la voix terminée, Amandine Gay se consacrera à son deuxième documentaire. Basé sur des films d’archives, il abordera l’adoption internationale. L’idée de tourner des courts métrages lui trotte également dans la tête, « un chemin détourné », indique-t-elle, pour arriver à se faire une place dans le monde de la fiction malgré le plafond de verre.