Une petite communauté du Michigan en croisade contre le géant Nestlé

La vente d'eau a dépassé pour la première fois aux États-Unis celle des boissons gazeuses en 2016.
Photo : Getty Images / STEVEN M. HERPPICH
Les résidents d'une petite communauté du Michigan veulent empêcher le géant suisse Nestlé d'extraire davantage d'eau de ses rivières qui, selon eux, en sont grandement affectées.
La compagnie, qui a commencé à commercialiser l’eau de la région au début du siècle, planifie de construire une nouvelle station de pompage.
Elle souhaite ainsi porter son ratio de 950 litres pompés par minute à 1500 litres par minute.
Une initiative qui risque d’avoir un impact sur les cours d’eau locaux, selon la communauté d’Osceola Township, qui juge que l’arrivée de Nestlé dans la région coïncide avec des changements importants sur l’environnement.
« Ce n’est plus la même rivière, explique Maryann Borden en parlant de la rivière Twin Creek. Elle a rétréci, est moins large, moins profonde, et plus chaude ».
L’enseignante habite la communauté depuis 1953 et elle explique avoir vu les effets du pompage d’eau de Nestlé.
Le gestionnaire d’Osceola Township, Tim Ladd, abonde dans le même sens.
Quand vous regardez les conduits, qui donnent les indications sur les niveaux historiques de l’eau, il n’y a pas besoin d’être un géologue ou un hydrologue pour voir qu’ils sont beaucoup plus bas qu’il y a deux ans ou qu’il y a cinq ans.
M. Ladd est bien conscient que les nouveaux plans de Nestlé préoccupent grandement la population. Plusieurs ménages ont déjà de la difficulté à payer leur facture d’eau.
D’ailleurs, selon une étude par la chercheuse Elizabeth Mack de l’Université du Michigan, 36 % des Américains ne seront pas en mesure de payer leur facture d’eau d’ici cinq ans.
La région exploitée?
Selon Peggy Case, présidente de l’association Michigan Citizens for Water Conservation, la grogne des résidents d’Osceola Township est justifiée.
Nestlé a la réputation d’aller dans les communautés rurales pauvres, d’y faire miroiter des avantages économiques qui ne se matérialisent jamais et de pomper autant d’eau que possible jusqu’à ce que les ruisseaux s’assèchent et ensuite ils s’en vont.
Chaque année, la compagnie extrait 500 millions de litres d’eau dans la région. Pour ce faire, elle paie annuellement à l’État du Michigan un montant de 200 dollars américains (un peu moins de 250 dollars canadiens).
Une pratique qui est assez régulière. Plusieurs autres États permettent à des compagnies comme Coca-Cola ou Pepsico de pomper la quantité d’eau qu’elles veulent en échange de montants semblables.
La vente de l’eau embouteillée est de plus en plus lucrative aux États-Unis. En 2016, elle a même dépassé pour la première fois celle des boissons gazeuses, selon Beverage Marketing.
Nestlé se défend
Grâce à ses activités dans la communauté, Nestlé indique apporter des recettes de 18 millions de dollars américains (environ 22 millions de dollars canadiens) au Michigan chaque année en plus d’employer une cinquantaine de résidents d’Osceola Township.
La compagnie se défend aussi d’affecter la santé des rivières en indiquant qu’elle n’est pas la seule à influencer leur niveau. Elle rappelle que plusieurs barrages y sont installés, ce qui peut affecter le débit des cours d’eau.
Arlene Anderson-Vincent, responsable des ressources chez Nestlé Waters of North America, assure d’ailleurs que la nouvelle station de pompage à Osceola Township aurait un « très très faible impact sur l’environnement ».
Des données scientifiques confirment ses dires. Ces recherches ont toutefois été financées par la compagnie elle-même et aucune autre étude des impacts sur la région n’existe.