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Santé mentale : les étudiants plus nombreux à demander des accommodements aux universités

Radio-Canada

Troubles de l'anxiété ou attaques de panique : de plus en plus d'étudiants font appel aux services d'accessibilité des collèges et des universités pour leurs études. Dans la majorité des cas, ce sont des problèmes de santé mentale qui les incitent à le faire.

Un texte de Sylviane Lanthier avec des informations de Patricia Bitu Tshikudi

Paniqués à l’idée de passer un examen écrit dans une salle remplie de camarades, des étudiants bénéficient de mesures d’accommodement qui leur permettent de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions possible.

C’est le cas de Maria Leina. Cette étudiante de l’Université de Saint-Boniface (USB), au Manitoba, est inscrite au baccalauréat en sciences. Quand elle doit passer un test, elle le fait dans une salle privée. Quand les autres étudiants ont une heure pour un test, elle aura une heure et demie, par exemple.

Une jeune femme assise à une table avec en avant-plan sa bouteille d'eau. Elle regarde une feuille sur son plan de travail, elle tient un crayon de la main droite et appuie sa tête sur sa main gauche.

Maria Leina apprécie de pouvoir bénéficier d'un local à elle pour ses examens, en raison de ses problèmes d'anxiété.

Photo : Radio-Canada

« Ça baisse mon niveau d’anxiété, explique-t-elle. L’anxiété affecte mes scores. » Ses résultats se sont améliorés depuis qu’elle a droit à des mesures d’accommodement.

« J’ai eu des paniques, ce n’est pas des bonnes expériences. [Maintenant] je n’ai pas d’attaques de panique avant mes examens », dit-elle.

Un service en demande

Jocelyne Gagnon coordonne le Service d’accessibilité aux études de l’USB depuis neuf ans. Au début, cinq étudiants s'y étaient inscrits. Cette année, cette liste compte près de 90 noms. La moitié des demandes sont justifiées par des problèmes de santé mentale.

Une femme en avant-plan. Elle porte une veste rouge, elle a des lunettes et des cheveux courts. En arrière-plan, son bureau de travail.

Jocelyne Gagnon est la coordonnatrice du Service d'accessibilité de l'Université de saint-Boniface.

Photo : Radio-Canada

Le service d’accessibilité veut aider les personnes qui ont un handicap physique, des troubles d’apprentissage, de santé mentale ou des maladies chroniques. Pour y avoir accès, les étudiants doivent fournir à l’Université des documents provenant d’un médecin ou d'un spécialiste.

Jocelyne Gagnon organise les services dont l'étudiant a besoin. Cela va de bénévoles qui prennent des notes quand des étudiants ne peuvent à la fois écouter et noter ce que l'enseignant dit, à des appuis technologiques pour non-voyants ou à l’aménagement de conditions plus favorables pour les examens. La demande augmente d'année en année, le résultat, croit-elle, d'une promotion plus active. Et c’est peut-être aussi, ajoute-t-elle, parce que « la santé mentale est un sujet moins tabou que par le passé ».

Pour Maria Leine, ces services changent tout.

Parfois, les gens peuvent penser que j’ai un avantage sur eux, mais ils ne se rendent pas compte que j’ai le désavantage de mon anxiété.

Une citation de Maria Leina, étudiante

Des services d’accessibilité, on en trouve de nos jours dans la plupart des collèges et des universités canadiennes, explique Jocelyne Gagnon. « Au Manitoba, on [les services des différents collèges et universités] se rencontre trois fois par an pour discuter et partager nos expériences. »

Appuyer ceux qui ont besoin d'aide

Photo d'une feuille de papier sur laquelle on peut lire que les étudiants qui en ont besoin peuvent faire appel aux services d'accessibilité de l'Université.

Cette note est inscrite à l'endos du plan de cours de John Bluethner.

Photo : Radio-Canada

John Bluethner, qui enseigne depuis 18 ans en administration des affaires à l’USB, remarque qu’une évolution a eu lieu. « C’est bon d’avoir une personne comme Jocelyne pour aider ces étudiants, dit-il. Dans le passé, [il y a des cas qui sont] tombés dans les craques. De nos jours, la société est plus sensible [aux besoins de] ces étudiants [...] et si on peut les aider sans tricher, ça marche bien. »

Une société qui est juste veut que tous puissent réussir.

Une citation de John Bluethner, professeur en administration des affaires, USB

Pour ce trimestre, quatre ou cinq des étudiants de Patrick Noël ont fait des demandes d’accommodement. « Elles concernent toutes la santé mentale, constate ce professeur d'histoire. L’anxiété, l’angoisse reviennent souvent. »

On ne voyait pas ça il y a encore 15 ans, remarque-t-il. « C’est une hausse fulgurante. Peut-être qu’on identifie mieux les problèmes d’apprentissage qu’auparavant. Mais je suis surpris [de l'ampleur que ça prend] », admet-il.

En hausse partout

Un tableau qui montre qu'à l'Universaité de Saint-Boniface, en 2015-2016, 45 % des demandes aux services d'accessibilité étaient relatives à la santé mentale, 16 % aux besoins cognitifs et 39 % aux handicaps physiques. Pour la même année, à l'Université du Manitoba, 39 % des demandes étaient relatives à la santé mentale, 28 % aux besoins cognitifs et 33 % aux handicaps physiques.

Proportion des étudiants faisant appel aux services d'accessibilité de deux univeraités pour des raisons de santé mentale, de besoins cognitifs ou de handicaps physiques.

Photo : Radio-Canada

Si les services sont en hausse à l'Université de Saint-Boniface, l'établissement n'est pas le seul à constater ce phénomène. En 2015-2016, à l'Université du Manitoba, 451 étudiants se sont prévalus du service pour des problèmes de santé mentale. C'est 47 étudiants de plus que l'année précédente. En 2015-2016, 321 étudiants avaient fait appel au service pour des handicaps physiques. C'est cinq étudiants de plus que l'année précédente.

À l'Université de Winnipeg, on recensait 2383 cas d'accommodements pour des tests ou des examens en 2016-2017. C'est presque 1000 cas de plus qu'en 2012.

Plus de la moitié des étudiants du Collège Red River qui font appel aux services d'accessibilité sont aux prises avec des troubles d'apprentissages, de santé mentale ou d'autisme. Ils représentaient 748 des 1012 demandes en 2012-2013, et 784 des 1126 demandes, en 2015-2016.

Un homme assis à un bureau. Il porte des lunettes, il sourit, il croise les mains sur le bureau devant lui.

Patrick Noël, professeur d'histoire, s'interroge sur les conséquences de ces accommodements sur la vie professionnelle des étudiants.

Photo : Radio-Canada

Patrick Noël ne remet pas en question la légitimité des demandes ni l’existence du service d’accessibilité. Mais il se demande comment assurer l’équité entre les résultats des divers étudiants.

« La durée, c’est une variable de la réussite dans l’évaluation, remarque-t-il. Avoir réussi à faire un examen dans les délais accordés, ça fait partie de l’évaluation. »

Entre professeurs, on en parle, absolument. Ça revient très souvent entre collègues. On a eu un atelier cet automne sur l’accessibilité aux études à l’USB.

Une citation de Patrick Noël, professeur d'histoire, USB

Et le marché du travail?

« Une fois sur le marché du travail, ces étudiants pourront-ils avoir les mêmes accommodements? se demande-t-il. Pas certain. C’est délicat. » Il trouve l’objectif de rendre les études accessibles pour tous est louable, mais s'interroge. « Les accommodements se font-ils au détriment de l’équité et au détriment de la future carrière des étudiants? Je me pose la question. »

Gros plan sur les épaules et la tête d'une jeune femme avec en arrière-plan une affiche de l'Université de Saint-Boniface.

Denea Elias estime que le recours aux mesures d'accommodement a eu un effet sur ses résultats académiques.

Photo : Radio-Canada

Pour Denae Elias, étudiante de 3e année en traduction, cette question est déjà réglée. Son employeur actuel, une chaîne de restauration rapide, lui accorde une certaine souplesse dans la réalisation de ses tâches, la preuve que les accommodements sont aussi possibles en milieu de travail. Et si un employeur ne peut pas lui fournir les accommodements dont elle a besoin? « Alors ce n’est pas une place où je veux être », tranche-t-elle.

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