C Series : victoire de Bombardier contre Boeing

Un appareil CS300 de Bombardier
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
La Commission internationale du commerce des États-Unis (USITC) tranche en faveur de Bombardier dans le litige qui l'oppose au constructeur américain Boeing. Ainsi, la multinationale québécoise n'aura pas à payer de droits compensatoires et antidumping de 292 % sur les ventes de la C Series.
Boeing avait déposé une plainte contre l’avionneur québécois pour concurrence déloyale.
À la fin de l'année dernière, le ministère américain du Commerce affirmait que les appareils de 100 à 150 sièges bénéficiaient de subventions du gouvernement canadien et qu'ils étaient vendus en deçà de leur prix de fabrication.
Boeing alléguait avoir subi un préjudice en raison de ces subventions, qu'elle jugeait indues, octroyées à son concurrent québécois, qui lui auraient permis d'offrir des prix à Delta Air Lines que le constructeur américain estimait dérisoires, pour décrocher une commande de 75 appareils CS100 en 2016.
Un gain pour l’innovation, dit Bombardier
« La décision d’aujourd’hui est une victoire pour l’innovation, la concurrence et la primauté du droit », a affirmé Bombardier dans un communiqué publié vendredi après-midi, quelques minutes après l’annonce de la décision de l'USITC.
Le constructeur rappelle que « les avions C Series sont les avions les plus novateurs et les plus efficaces à avoir été créés depuis une génération. Leur développement et leur production représentent des milliers d’emplois aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni ».
L'action de Bombardier à la Bourse de Toronto a bondi en quelques minutes, vendredi, pour atteindre un sommet en trois ans. Le titre a clôturé la séance à 3,54 $, en hausse d'environ 15 %.
Bombardier entend mettre l'accent sur la finalisation de son partenariat avec Airbus, en vertu duquel l'avionneur européen deviendra l'actionnaire majoritaire du programme de la C Series.
« »
Victoire imprévue
Les chances de Bombardier de l’emporter semblaient minces au départ. Plusieurs observateurs canadiens, y compris au sein du gouvernement fédéral, prédisaient une victoire de Boeing.
« »
Mais comment cette nouvelle sera-t-elle accueillie par l’administration Trump, qui prône le protectionnisme?
Pour la doyenne de la Faculté d'administration de l'Université Mémorial de Terre-Neuve, Isabelle Dostaler, « la décision d’aujourd’hui peut sembler négative pour Boeing, mais elle a de nets avantages pour beaucoup de fournisseurs dans le domaine de l’aérospatial ». Elle rappelle qu’« il n’y a pas que le président Trump aux États-Unis, il y a sans doute des gens intelligents, qui comprennent et qui sont à même d’analyser la situation qui est plus complexe qu’il y paraît. »
Le plan continue
« Pour nous, le dossier est clos, c’est derrière nous », ajoute Olivier Marcil, vice-président aux relations externes de Bombardier, qui affirme que l'entreprise demeure « concentrée à livrer des avions ».
L'avionneur québécois compte également maintenir la ligne secondaire d’assemblage en Alabama. Les avions qui y seront construits seront « dédiés au marché américain », précise M. Marcil.
Le président exécutif de l'avionneur européen Airbus, Tom Enders, qui évoque une victoire « incontestable », s'engage à accélérer au maximum le projet d'une nouvelle chaîne de montage en Alabama.
Dans une déclaration à Reuters, le patron d’Airbus n’a pas manqué de critiquer l’attitude de Boeing. « Je n'ai jamais entendu [parler] d'une bonne stratégie menée de manière agressive contre son propre client et c'est pourquoi je m'en tiens à l'écart, a déclaré M. Enders. Je pense que ce n'est pas une façon de faire des affaires. »
Ottawa et Québec applaudissent la victoire de Bombardier
Se disant très heureuse de cette décision, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, rappelle que l’industrie aérospatiale du Canada « soutient plus de 200 000 emplois de la classe moyenne partout au pays ». Elle ajoute que le gouvernement fédéral « défendra toujours vigoureusement l’industrie canadienne de l’aérospatiale et ses travailleurs contre les pratiques commerciales protectionnistes ».
Réagissant sur son compte Twitter, le ministre fédéral du Commerce international, François Champagne, estime que c’est un « bon résultat pour Bombardier, pour notre secteur aérospatial à travers le pays, pour nos travailleurs, pour l'équité ».
« La logique a prévalu, c'est une bonne nouvelle, c'est vraiment très bien, on est très content », s'est réjoui le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, alors qu'il participait à une mêlée de presse à Shanghai, en Chine.
Selon lui, la décision « totalement inattendue » valide la crédibilité de la Commission internationale du commerce des États-Unis, qui n'aurait pas été influencée par les orientations protectionnistes de Donald Trump. « C'est rassurant que la règle de droit s'applique », a-t-il dit.
Le premier ministre croit que le verdict unanime devrait décourager Boeing d'interjeter appel.
Une décision bien accueillie
« C'est la meilleure nouvelle qu'on a entendue depuis au moins un an, avec l'épée de Damoclès qui était par-dessus les travailleurs et travailleuses », a déclaré David Chartrand, de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale.
« C'est une immense victoire pour les travailleurs canadiens, mais cela laisse plusieurs questions sans réponse », affirme Jerry Dias, président d'Unifor, parlant de Bombardier qui « a cédé une large part de la C Series à Airbus ».
La première ministre britannique Theresa May a, elle aussi, salué cette décision, Bombardier jouant « un rôle vital » dans l'économie de l'Irlande du Nord, selon elle.
« C'est une décision juste », selon Steve Turner, le représentant de Unite the Nation (syndicat du Royaume-Uni), pour qui « les travailleurs de Bombardier en Irlande du Nord et de toute la chaîne de production au Royaume-Uni pousseront un immense soupir de soulagement ».
La compagnie américaine Delta se félicite aussi de cette décision et assure vouloir continuer à renforcer sa flotte d’appareils innovateurs CS100.
Boeing déçu
Boeing, qui n'a pas précisé s'il allait faire appel de cette décision, se dit « déçu » que la Commission internationale du commerce des États-Unis ne reconnaisse pas le préjudice dont il s'affirme victime. « Nous allons examiner l'avis de la Commission un peu plus en profondeur au fur et à mesure que les détails seront publiés dans les prochains jours », a indiqué l'avionneur américain.